ARTICLE ORIGINAL Progrès en Urologie (1999), 9, 689-695
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Risque de deuxième cancer non germinal après traitement
d’un séminome testiculaire de stade I-II
Jean-Marc BACHAUD
(1), Frédéric BERTHIER (2), Michel SOULIÉ(3), Bernard MALAVAUD (4),
Pierre PLANTE (3), Pascal RISCHMANN (4), Christine CHEVREAU (5), Pascale GROSCLAUDE (2)
(1) Département de Radiothérapie, Institut Claudius Regaud, Toulouse, France, (2) Registre des Cancers du Tarn, Albi, France,
(3) Service de Chirurgie Urologique, CHU Rangueil, Toulouse, France,
(4) Service de Chirurgie Urologique, CHU Purpan, Toulouse, France,
(5) Département d’Oncologie Médicale, Institut Claudius Regaud, Toulouse, France
Depuis la publication initiale de D
ESJARDINS
en 1929
rapportant l'efficacité des radiations ionisantes dans le
traitement des tumeurs germinales du testicule, la radio-
thérapie est devenue progressivement le traitement de
référence post-orchidectomie des séminomes de stade I
et ll selon la classification du Royal Marsden Hospital
(Tableau 1). Actuellement, les taux de rechute après
radiothérapie sont estimés à 4 % pour les stades I et à
10 % pour les stades IIA-B [4]. La chimiothérapie per-
mettant de rattraper la quasi totalité des échecs survenus
après radiothérapie, les taux de guérison approchent
100% pour ces tumeurs peu évoluées.
En dépit de ces excellents résultats carcinologiques, les
modalités classiques de la radiothérapie ont été remises
en question par la meilleure connaissance des compli-
cations tardives, dominées par l'infertilité, les corona-
ropathies et les deuxièmes cancers [8, 10]. En 1984,
comme de nombreuses autres institutions, I'Institut
Claudius Regaud a modifié sa politique de prise en
charge des séminomes testiculaires en abandonnant l'ir-
Manuscrit reçu : février 1999, accepté : mai1999.
Adresse pour correspondance : Dr. J.M.Bachaud, Institut Claudius Regaud,
20-24, rue du Pont Saint-Pierre, 31052 Toulouse Cedex.
RESUME
But : Mesurer l'incidence des seconds cancers d'origine non germinale (SCNG) chez
les patients traités pour un séminome testiculaire de stade l-ll.
Matériel et Méthodes : L'étude porte sur 131 patients évaluables traités à l'lnstitut
Claudius Regaud entre 1970 et 1990. Les modalités thérapeutiques, incluant le trai-
tement de rattrapage de 6 patients ayant présenté une rechute, sont les suivantes :
irradiation sous-diaphragmatique (IsousD) seule dans 55 cas, irradiation sous et sus-
diaphragmatique (IsousD+lsusD) dans 64 cas, irradiation et chimiothérapie (IC)
dans 12 cas. Cinq patients ont été perdus de vue 4 mois à 14 ans après le primo-trai-
tement (suivi moyen : 11 ans). L'incidence cumulative des SCNG a été comparée à
l'incidence globale des cancers dans la population masculine du même âge établie
grâce au Registre des Cancers du Tarn. Le risque relatif a été exprimé en Rapport
d'lncidence Standardisé (SIR).
Résultats : L'incidence cumulée des SCNG est de 10,7% (14/131 patients). Le SIR est
égal à 2,81 (p<0,001) et augmente avec la durée du suivi. Le SIR est significativement
augmenté chez 64 patients traités par IsousD+lsusD (SIR = 3,08; p = 0,002) mais non
chez 55 patients traités par IsousD seule (SIR = 0,62; p = 0,8). Les 12 patients traités
par IC ont un SIR de 26,2 (p < 0,001). Trois des 4 patients ayant présenté une hémo-
pathie maligne appartiennent au groupe IC.
Conclusion : Le risque de SCNG est augmenté après IsousD+lsusD. Après IsousD
seule, le risque de SCNG n'est pas majoré au terme d'un suivi médian de 6 ans, mais
ce délai est trop court pour pouvoir tirer une conclusion définitive. Le risque de
SCNG et particulièrement d'hémopathie semble augmenté par l'association de radio-
thérapie et de chimiothérapie
Mots clés : Deuxième cancer, radiothérapie, chimiothérapie, séminomes testiculaires.
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radiation prophylactique du médiastin et des creux sus-
claviculaires pour les stades l-IIA et en introduisant la
chimiothérapie dans le protocole thérapeutique des
stades IIC.
Le but de cette étude est de mesurer l'incidence des
deuxièmes cancers non germinaux (SCNG) chez les
patients traités pour un séminome testiculaire de stade
I-II et d'évaluer l'impact des modifications thérapeu-
tiques réalisées en 1984 sur la fréquence de ces cancers
métachrones.
MATERIEL ET METHODES
De 1970 à 1992, 141 nouveaux patients porteurs d'un
séminome testiculaire de stade I-II ont été adressés à
l'lnstitut Claudius Regaud pour la réalisation du traite-
ment complémentaire post-orchidectomie. Dix patients
ont été exclus de cette étude, 5 en raison d'un contingent
tumoral non séminomateux et 5 car ils ont été traités
dans une autre institution. L'âge moyen des 131 patients
évaluables était de 39,1 ans (valeurs extrêmes de 21 à
75 ans). Aucun de ces patients n'avait d'antécédent per-
sonnel cancérologique, ni n'avait reçu de radiothérapie
ou de chimiothérapie avant le traitement du séminome.
La distribution du stade clinique des tumeurs était la
suivante : stade I dans 96 cas, stade IIA dans 21 cas,
stade IIB dans 5 cas et stade IIC dans 9 cas.
Tous les patients ont été traités par une orchidectomie
par voie inguinale. La radiothérapie a été réalisée au
moyen de photons gamma d'un Télécobalt avant 1988
et au moyen de rayons X d'un accélérateur linéaire
Sagittaire après 1988. Le volume cible sous-diaphrag-
matique comprenait les chaînes ganglionnaires lom-
boaortiques de T12 à S1, ainsi que les aires ganglion-
naires iliaques homolatérales. Le volume-cible sus-dia-
phragmatique incluait le médiastin et les deux creux
susclaviculaires. L'irradiation était réalisée par des
champs antéro-postérieurs coaxiaux. La dose quoti-
dienne était comprise entre 1,8 et 2 Gy, délivrée à mi-
plan, tous les champs étant traités tous les jours, 5 jours
par semaine.
Jusqu'en 1977, le protocole de chimiothérapie était
celui de LI(Dactinomycine, Metothrexate,
Chlorambucil) [18]. Par la suite, ce protocole a été
remplacé par diverses combinaisons de Vinblastine,
Doxorubine et Bléomycine. Après 1980, la chimiothé-
rapie a consisté en une association de Cisplatine,
Bléomycine et soit Vinblastine (PVB) soit Etoposide
(BEP).
Les modalités thérapeutiques ont varié, en fonction de
l'extension tumorale et de la période de traitement.
Avant 1984, 61 patients de stade I-IIA ont été traités
par irradiation sous diaphragmatique (IsousD) jusqu'à
une dose totale moyenne de 30 Gy (valeurs extrêmes
de 26 à 36 Gy) suivie 3 semaines plus tard par une irra-
diation prophylactique du volume sus-diaphragmatique
(IsusD) jusqu'à une dose totale moyenne de 24 Gy
(valeurs extrêmes de 20 à 30 Gy). Après 1984, 56
patients porteurs d'une tumeur de stade I-IIA ont été
traités par IsousD (+ chimiothérapie dans un cas) jus-
qu'à une dose totale moyenne de 29 Gy (valeurs
extrêmes de 27 à 36 Gy). Parmi les 14 patients porteurs
d'une tumeur de stade IIB-C, 2 ont été traités par
IsousD seule, 5 par IsousD+lsusD sans chimiothérapie
et 7 par trois à quatre cycles de chimiothérapie suivis
d'une IsousD. Au total, 6 patients ont rechuté : 3 ont
présenté une rechute ganglionnaire rattrapée par chi-
miothérapie (avec irradiation dans 2 cas) et 3 sont
décédés de métastases à distance en dépit de la chimio-
thérapie. La distribution des différentes modalités thé-
rapeutiques, en incluant les traitements de rattrapage,
est présentée dans le Tableau 2. Pour étudier l'impact
du traitement sur l'incidence des deuxièmes cancers,
ces différentes modalités thérapeutiques ont été sépa-
rées en 3 groupes: IsousD (55 cas), IsousD+lsusD (64
cas), IsousD (+lsusD) avec chimiothérapie (12 cas).
Sur les 131 patients, 126 ont été suivis jusqu'à leur
décès ou jusqu'en décembre 1995. Cinq patients ont été
perdus de vus, 4 mois,1 an, 2 ans, 8 ans et 14 ans après
la fin de l'irradiation. Pour l'ensemble de la série, la
durée du suivi était comprise entre 4 mois et 27,6 ans,
avec une valeur moyenne de 11 ans et une valeur
médiane de 9 ans.
J.M. Bachaud et coll., Progrès en Urologie (1999), 9, 689-695
Tableau 1. Classification du Royal Marsden Hospital.
Stade I Tumeur confinée au testicule
Stade IIA ARP* < 2 cm de diamètre
Stade IIB ARP* de 2 à 5 cm de diamètre
Stade IIC ARP* > 5 cm de diamètre
Stade III Adénopathies sus-diaphragmatiques
Stade IV Métastases
* ARP : adénopathies rétro-péritonéales.
Tableau 2. Distribution des différents groupes thérapeutiques
(traitements de rattrapage inclus).
IsousD IsousD IsousD IsousD
+ 1susD +IsusD + chimioT
+chimioT
Absence
de rechute :
- I-IIA 60 54 - 1
- IIB 3 - - 1
- IIC 1 1 - 4
Rechutes :
- ganglionnaires - - 2 1
- métastases - - 1 2
Total 64 55 3 9
* IsousD : irradiation sous-diaphragmatique, IsusD : irradiation sus-diaphragma-
tique, chimioT : Chimiothérapie.
La survie a été calculée à partir de la date de l'orchi-
dectomie. Les tumeurs germinales controlatérales et les
cancers cutanées autres que les mélanomes malins n'ont
pas été pris en compte dans le calcul de l'incidence des
deuxièmes cancers. Pour analyser l'effet des différentes
modalités thérapeutiques sur la fréquence des seconds
cancers, l'incidence cumulée des seconds cancers dans
cette série a été comparée à l'incidence globale des can-
cers dans la population générale masculine, en se
basant sur les données du Registre des Cancers du Tarn.
Le nombre attendu de seconds cancers a été calculé
avec le programme PYRS [7], en utilisant les données
du registre rangées par âge (par intervalle de 5 ans) et
par année. Le risque relatif a été exprimé en Rapport
d'lncidence Standardisée (SIR) en divisant le nombre
de cancers observés par le nombre de cancers attendus.
Le SIR a été calculé pour l'ensemble de la série et pour
les différents groupes thérapeutiques. Le nombre de
deuxièmes cancers observé a été établi en admettant
que la distribution obéit à la loi de Poisson. La valeur
de p a été établie avec un intervalle de confiance (IC)
de 95 %, calculé sur la base de l'approximation de BYAR
[5]. Le délai de survenue des deuxièmes cancers a été
calculé selon la méthode de Kaplan-Meier. L'analyse
statistique a été réalisée sur un logiciel BMDP (BMDP
1L, Los Angeles, CA).
RESULTATS
Quatorze patients ont présenté un deuxième cancer et
deux patients un troisième cancer non germinal. Ces
tumeurs se répartissaient de la façon suivante : 2 leu-
coses aiguës, 1 syndrome myélodysplasique, 1 myélo-
me multiple, 1 sarcome de la paroi abdominale, 1 méla-
nome malin, 3 carcinomes bronchiques, 1 carcinome
du larynx, 1 carcinome de la thyroïde, 1 carcinome de
la trachée, 1 carcinome du pancréas, 1 carcinome du
foie,1 carcinome de la vessie et 1 carcinome de la pros-
tate. Le délai de survenue de ces deuxièmes cancers
était compris entre 2 et 23 ans après le traitement du
séminome. La valeur moyenne de ce délai était de 12,7
ans, significativement plus court pour les leucoses
aiguës et le syndrome myélodysplasique (6,1 ans) que
pour les autres tumeurs (15,3 ans). Sept de ces cancers
métachrones ont entraîné le décès du patient, 6 mois à
8 ans après le diagnostic de ce nouveau cancer.
Pour l'ensemble de la série, l'incidence cumulée de
deuxième cancer était de 10,7% (14 sur 131 cas). Le
risque relatif par rapport à la population générale expri-
mé en SIR était de 2,81 (IC 95% : 1,54-4,72; p <
0,001). Le Tableau 3 présente le SIR des 3 groupes thé-
rapeutiques ainsi que la durée médiane du suivi de cha-
cun de ces groupes. Ce tableau montre que le groupe
IsousD est le seul qui n'a pas d'augmentation significa-
tive du risque relatif, mais ce résultat doit être interpré-
té avec prudence car c'est également le groupe dont le
suivi médian est le plus court. Globalement, les 12
patients qui ont reçu une chimiothérapie (± IsousD)
avaient un SIR de 26,2 (IC 95% : 5,48-77,69; p
<0,001), alors que le SIR était de 2,26 chez les 119
patients qui n'avaient pas reçu de chimiothérapie (IC
95%: 1,13-4,04; p = 0,01). Le Tableau 4 présente le
risque de survenue d'un deuxième cancer en fonction
du délai par rapport au primo-traitement. Ce tableau
montre que le risque est maximum dans le groupe des
37 patients suivis plus de 15 ans (SIR = 4,16; IC 95%:
1,34-9,72; p = 0,008).
Quatre hémopathies malignes étaient présentes parmi
les 14 deuxièmes cancers (2 leucémies aiguës, 1 syn-
drome myélodysphasique et 1 myélome multiple). Le
risque relatif de survenue de ce type de deuxième can-
cer était significativement augmenté par rapport à la
population générale (SIR = 28,0; IC 95%: 7,69-73,15;
p < 0,001). Trois de ces quatre hémopathies sont appa-
rues dans le groupe des 12 patients qui ont reçu une
chimiothérapie, mais la petite taille de cet échantillon
ne permet pas d'étude statistique correcte.
Le bilan radiologique, et notamment la tomodensito-
métrie réalisée lors du diagnostic de deuxième cancer,
a permis d'estimer si le site anatomique de ces
deuxièmes cancers était situé dans ou hors du volume
d'irradiation initial. Parmi les tumeurs solides, 4 cas
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J.M. Bachaud et coll., Progrès en Urologie (1999), 9, 689-695
Tableau 3. Nombre observé et nombre attendu de seconds cancers non germinaux en fonction des différentes modalités théra -
peutiques.
Traitement Nombre de Suivi NombreNombreSIRaICb95% p
patients médian observé attendu du SIR
(années)
IsousD 55 6 1 1,62 0,62 0,01-3,43 0,801
IsousD + IsusD 64 15,7 10 3,25 3,08 1,47-5,66 0,002
IsousD ± IsusD et CT 12 7,1 30,1126,2 5,48-77,69 < 0,001
Total 131 914 4,98 2,81 1,54-4,72 < 0,001
a: Standardized Incidence Ratio, b: intervalle de confiance, IsousD : irradiation sous-diaphragmatique, IsusD : irradiation sus-diaphragmatique, CT : chimiothérapie.
étaient manifestement dans le volume irradié (le sarco-
me de la paroi abdominale et les carcinomes de la thy-
roïde, de la trachée et du pancréas), 3 cas étaient en
bordure de champ (2 cancers bronchiques et l'hépato-
carcinome) et 5 cas étaient hors des volumes irradiés (le
mélanome malin, un cancer bronchique et les cancers
de la vessie, du larynx et de la prostate). En ce qui
concerne les hémopathies, les 4 cas sont survenus chez
des patients initialement traités par irradiation sous et
sus diaphragmatique.
DISCUSSION
Les seconds cancers germinaux développés sur le testi-
cule restant n'ont pas été inclus dans cette étude car il
est établi qu'ils ne sont pas induits par la radiothérapie
mais simplement la conséquence de facteurs probable-
ment néonataux ou génétiques qui prédisposent ces
patients à développer ce type de tumeur [1, 13, 21, 26].
Ces tumeurs germinales étant exclues, nos résultats
montrent que l'incidence cumulée globale des
deuxièmes cancers est de 10,7%, ce qui représente un
risque relatif de 2,81 par rapport à la population géné-
rale. La revue de la littérature montre des divergences
importantes dans l'estimation de ce risque qui varie
selon les études entre 1,27 et 7,53 [2, 6, 9, 11, 12, 14,
15, 17, 19, 25]. Ceci s'explique par l'importante hétéro-
généité qui existe entre les différentes séries. En effet,
à côté des différences dans les paramètres de radiothé-
rapie (patients traités par orthovoltage, sur des
volumes-cibles différents, avec des doses totales et des
doses par fraction variables), certaines séries incluent
des patients traités par radio-chimiothérapie [17, 19,
25] ou des patients traités pour des tumeurs germinales
non séminomateuses pures [2, 9, 12, 17, 25]. Certaines
séries incluent des patients traités pour des séminomes
de stade III-IV [2, 9, 17, 19, 25], d'autres acceptent
dans les deuxièmes cancers les tumeurs germinales du
testicule controlatéral [12, 17, 25] et les cancers cutanés
baso ou spinocellulaires [17]. Enfin, certaines séries
excluent les patients du groupe à risque lorsqu'ils
rechutent [2], alors que d'autres, dont la notre, prennent
en compte les traitements de rattrapage [12, 25]. En
dépit de ces différences, le risque relatif de deuxième
cancer après irradiation est constamment augmenté
dans la littérature, même si le seuil de signification sta-
tistique de 5% n'est pas atteint dans certaines séries.
Cette augmentation du risque de deuxième cancer
pourrait simplement refléter une susceptibilité géné-
tique et non être la conséquence directe de la radiothé-
rapie. Plusieurs arguments sont en défaveur de cette
hypothèse. Tout d'abord, deux études récentes concer-
nant les pères et les frères des patients traités pour can-
cer testiculaire ont établi que le risque familial de sur-
venue d'un cancer testiculaire est effectivement aug-
menté mais que le risque de survenue d'un autre cancer
était plutôt plus faible que dans la population générale
[13, 26]. De plus, les patients soumis à une simple
observation après orchidectomie pour une tumeur ger-
minale de stade 1, ainsi que ceux traités par chirurgie
exclusive en raison d'adénopathies métastatiques rétro-
péritonéales, ne présentent pas d'augmentation du
risque de survenue d'un cancer non testiculaire [2, 3,
24]. Bien que ces études nécessitent un recul plus
important avant de pouvoir tirer des conclusions défi-
nitives, elles constituent des arguments forts en faveur
de la responsabilité directe de la radiothérapie dans la
survenue de ces deuxièmes cancers non germinaux.
En ce qui concerne le type de deuxième cancer surve-
nant après radiothérapie, certains auteurs retrouvent
une augmentation significative du risque de leucémie
aiguë [11, 14, 15, 17, 19], d'autres étant d'avis contrai-
re [6, 9, 12]. En ce qui concerne les seconds cancers
solides, une augmentation de l'incidence des sarcomes
a été rapportée [16, 17] ainsi que des carcinomes uro-
théliaux urinaires [9, 14], des carcinomes bronchiques
[9, 19], de l'estomac [9, 17, 19, 25], du pancréas [19],
du côlon [9, 19, 25], des mélanomes malins [9] et des
lymphomes non Hodgkiniens [12]. Il faut également
souligner que l'augmentation de la fréquence des
contrôles de santé chez les patients préalablement trai-
692
J.M. Bachaud et coll., Progrès en Urologie (1999), 9, 689-695
Tableau 4. Nombre observé et nombre attendu de seconds cancers non germinaux en fonction du délai après le diagnostic de sémi -
nome.
Délai Nombre de NombreNombreSIRaI Cb95% p
(années patients observé attendu du SIR
complètes)
0-4 131 31,48 2,03 0,41-5,92 0,186
5-9 104 31,20 2,49 0,50-7,30 0,121
10-14 61 31,10 2,73 0,55-7,97 0,099
15-29 37 51,20 4,16 1,34-9,72 0,008
Total 131 14 4,98 2,81 1,54-4,72 < 0,001
a: Standardized Incidence Ratio, b: intervalle de confiance.
tés pour séminome testiculaire peut en partie expliquer
l'augmentation de l'incidence de certains cancers
latents, tels que les cancers de la peau [9, 12]. Dans
notre série le seul cas de sarcome noté est apparu
durant la 5ème année post-irradiation. Deux cas simi-
laires de sarcome dans la série de JACOBSEN [16] et un
cas dans la série de CHAO [6] sont également survenus
après un intervalle libre bref de 5 à 9 ans. Cet interval-
le est bien plus court que les données classiques de la
littérature, l'une des explications avancées étant que
ces patients ont été irradiés avec des faisceaux de très
haute énergie et non avec des appareils d'orthovoltage
comme c'est le cas dans les données anciennes de la lit-
térature [16, 22]. Bien que ce ne soit pas évident dans
toutes les publications [11], il semble clair que la majo-
rité de ces seconds cancers survient dans ou à proximi-
té immédiate des volumes irradiés [2, 19].
FOSSA [9] a montré que le risque relatif de deuxième
cancer était élevé chez 87 patients traités par associa-
tion d'irradiation sous et sus-diaphragmatique (4,13;
p < 0,01) alors que ce risque était de 1,32 et non signi-
ficativement augmenté chez 579 patients traités par
irradiation sous-diaphragmatique seule. HANKS [11] a
rapporté une incidence égale des deuxièmes cancers
chez des patients ayant reçu ou non une irradiation
médiastinale. Dans notre étude, le groupe de patients
traités par irradiation sous-diaphragmatique seule était
le seul qui n'avait pas d'augmentation significative du
risque de deuxième cancer par rapport à la population
générale (Tableau 3). Cependant, le recul dans ce grou-
pe de patients était pratiquement deux fois moins long
que dans le groupe de patients traités par irradiation
sus et sous-diaphragmatique. De ce fait, il est trop tôt
pour tirer des conclusions définitives sur le risque de
survenue de deuxième cancer dans le groupe des
patients traités par irradiation sousdiaphragmatique
seule.
S'il est bien établi que l'association de chimiothérapie
et de radiothérapie augmente le risque de leucémie et
de tumeur solide chez les patients traités pour maladie
de Hodgkin [23], peu d'études sont disponibles concer-
nant l'incidence des seconds cancers après association
radio-chimiothérapique chez les patients traités pour
séminome. Bien que le nombre de patients traités par
association radio-chimiothérapique soit réduit dans
notre série, le risque de survenue d'un deuxième cancer
chez ces patients est particulièrement élevé puisqu'il
est 26,2 fois supérieur à celui de la population généra-
le. En outre, 3 des 4 hémopathies malignes sont appa-
rues dans ce groupe. Ces résultats sont en désaccord
avec ceux de BOKEMEYER et SCHMOLL, qui ne retrou-
vent aucune augmentation significative du risque de
deuxième cancer chez 49 patients traités par associa-
tion chimio-radiothérapique [2]. A l'opposé, MOLLER,
analysant le risque de deuxième cancer et notamment
de leucémie en fonction de la période de traitement, a
montré que ce risque était particulièrement haut chez
les sujets traités après 1973 [19]. Pour ces auteurs, la
cause la plus probable de cette augmentation du risque
de deuxième cancer est la chimiothérapie, introduite à
cette date dans le protocole thérapeutique des tumeurs
séminomateuses et non séminomateuses. FOSSA rap-
porte une augmentation du risque relatif de 2,44 chez
210 patients traités par association radio-chimiothéra-
pique, mais cette augmentation n'est pas statistique-
ment significative [9]. Enfin, dans l'étude de VAN
LEUWEN, seul le groupe de patients ayant reçu une irra-
diation présentait une augmentation du risque relatif de
deuxième cancer, notamment des leucoses et des carci-
nomes gastriques et gastro-intestinaux. Cependant, ce
risque relatif était considérablement plus élevé chez les
patients traités par association radio-chimiothérapique
que chez ceux traités par irradiation seule. Ainsi, le
risque relatif de survenue d'une leucose aiguë était de
5,2 après radiothérapie seule, et de 66,7 après associa-
tion radio-chimiothérapique [25]. Dans notre série, les
3 patients qui ont présenté une hémopathie maligne
après association radio-chimiothérapique avaient ini-
tialement reçu une irradiation sur un large volume,
puisqu'ils avaient étaient été irradiés en sus et sous-dia-
phragmatique. La chimiothérapie contenait un agent
alkylant (protocole Li) dans un cas, mais non dans les
deux autres (protocole PVB).
CONCLUSION
Bien que les résultats de cette étude doivent être inter-
prétés avec prudence en raison du nombre relativement
réduit de patients, il existe une augmentation significa-
tive du risque de deuxième cancer non germinal après
irradiation sus et sous-diaphragmatique. Après irradia-
tion sous-diaphragmatique seule, le risque de deuxième
cancer n'est pas augmenté, après un suivi médian de 6
ans, mais un recul plus important est nécessaire avant
de tirer les conclusions définitives. Ces données sont
d'autant plus importantes que des alternatives à l'irra-
diation adjuvante sont actuellement en cours d'évalua-
tion dans le traitement des séminomes testiculaires de
stade 1, telles que la chimiothérapie adjuvante [20]. En
outre, le résultat suggère que l'association de chimio-
thérapie et de radiothérapie augmente le risque de
second cancer et particulièrement le risque d'hémopa-
thie maligne.
REFERENCES
1. AKRE O., EKBOM A., HSEIH C.C., TRICOPOULOS D., ADAMI
H.O.. Testicular nonseminomatous and seminoma in relation to per-
inatal characteristics. J.Natl. Cancer Inst., 1996, 88, 883-889.
2. BOKEMEYER C., SCHMOLL H.J. Secondary neoplasms following
treatment of malignant germ cell tumors. J. Clin. Oncol,.1993, 11,
1703-1709.
693
J.M. Bachaud et coll., Progrès en Urologie (1999), 9, 689-695
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