Évaluation de l’économie souterraine au Québec : une approche micro-économétrique ∗ Bernard Fortin† Guy Lacroix‡ Dominique Pinard§ Mai 2005 (Version préliminaire. Ne pas citer) Résumé Cet article vise à estimer l’importance et l’évolution de l’économie souterraine au Québec et d’en évaluer les pertes fiscales qui en résultent. Notre approche, fondée sur les travaux de de Pissarides et Weber (1989) et de Lyssiotou et al. (2004), se base sur l’hypothèse que l’individu peut sous-déclarer ses revenus de travail autonome mais non ses revenus salariaux, dont l’impôt est en général prélevé à la source. Nous estimons un système de dépenses du ménage dans lequel nous permettons aux propensions marginales à consommer de varier selon ces deux sources de revenus observés. Il est alors possible d’identifier un coefficient de sous-déclaration des revenus de travail autonome. On peut ainsi en déduire une mesure de la taille relative de l’économie souterraine. Aux fins d’estimation, nous utilisons les données annuelles de l’Enquête sur les dépenses des ménages de Statistique Canada. Selon nos résultats, l’économie souterraine au Québec représentait 4,6% du PIB en 1997 et atteignait 5,7% en 2002. En termes de pertes fiscales pour le gouvernement du Québec, cela représentait en 2002 près de 3,3 milliards de dollars. JEL : D12, E26, H26. Mots-clef : Underground Economy, Consumer Demand system, Household Behaviour, Generalized Method of Moments, Tax Evasion, Self-employment Income. ∗ Nous remercions Statistique Canada et le Centre Québécois Interuniversitaire de Statistiques Sociales (CIQSS) de nous avoir donné accès aux données annuelles de l’Enquête sur les dépenses des ménages pour la période 1997-2002. Nous remercions également le Centre Interuniversitaire sur le Risque, les Politiques Économiques et l’Emploi (CIRPÉE), le Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture (FQRSC) et la Chaire du Canada en économie des politiques sociales et des ressources humaines pour leur aide financière. † Département d’économique, Université Laval, CIRPÉE et CIRANO. Courriel : [email protected]. ‡ Département d’économique, Université Laval, CIRPÉE et CIRANO. Courriel : [email protected]. § Département d’économique, Université Laval. Courriel : [email protected]. 1 Introduction Un secteur très actif mais souvent négligé de l’économie est l’économie dite souterraine ou " au noir ". On la définit le plus souvent comme étant la somme des revenus générés par la production des biens et services dissimulés aux autorités gouvernementales. L’économie souterraine n’est qu’une manifestation de la réaction par trop naturelle des personnes à chercher à contourner les contraintes ou les coûts que l’État impose aux échanges par la fiscalité, la sécurité du revenu et la réglementation. Ces personnes peuvent le faire légalement en réaménageant leurs activités sur les marchés officiels. Mais elles le font aussi illégalement en érigeant des marchés parallèles aux marchés officiels. L’existence et la croissance de l’économie souterraine soulèvent de nombreuses inquiétudes. D’abord, celle-ci peut fausser les statistiques officielles permettant d’évaluer les conditions socio-économiques des personnes et des ménages (e.g., taux de chômage, taux de pauvreté, PIB). Ainsi les statistiques sur le nombre de chômeurs peuvent cacher une fraction inconnue d’individus qui, en fait, travaillent au noir et gagnent un revenu de travail. De tels biais dans les statistiques peuvent conduire à des diagnostics erronés et éventuellement à des politiques inappropriées. L’économie souterraine soulève en outre des enjeux d’équité et de justice sociale. Le travailleur au noir se comporte un peu comme un passager clandestin : tout en s’accommodant souvent très bien des services publics qu’il consomme, il ne participe pas de façon équitable à leur financement. Il en résulte une baisse des recettes fiscales servant à financer les biens publics et les transferts sociaux. L’économie souterraine influence aussi l’efficacité économique. Ainsi, elle conduit à une ré-affectation des ressources vers les secteurs où il est plus facile de frauder le fisc (e.g., rénovation, garde d’enfants, entretien domestique, services professionnels) au détriment d’autres secteurs où il est très difficile de s’adonner à une telle activité sans être contrôlé par le fisc. En revanche, certaines activités souterraines peuvent être bénéfiques à l’ensemble de la société, lorsqu’elles permettent aux individus de contourner une réglementation inefficace du point de vue économique ou des taux de taxation imposant une pression fiscale excessive. Le rôle que joue l’économie souterraine est évidemment relié à son ampleur. Quelle est la taille de l’économie souterraine ? Le problème de base à cet égard provient du fait que, de par sa nature même, l’économie souterraine est un phénomène difficile à mesurer. En effet, les personnes qui y participent tiennent au secret pour éviter d’être contrôlées et d’être pénalisées. Il n’est donc pas étonnant de constater que les estimés de l’ampleur des activités souterraines varient 1 beaucoup selon la méthode retenue pour l’évaluer (Schneider et Enste 2000). À titre d’exemple, Mirus, Smith et Karleoff (1994) ont évalué l’importance de l’économie souterraine au Canada à 27 % du PIB en 1990, soit une dépense annuelle de près de 18 000 $ par ménage. Selon ces chiffres, l’économie souterraine au Canada correspondait en 1995 à près de 70 % de l’économie du Québec. Leur évaluation se fonde sur l’approche monétaire. Il s’agit d’une méthode indirecte et de nature macroéconomique. L’idée de base est de supposer que les transactions au noir sont réglées en argent liquide. Ainsi, la hausse au cours des années de la demande d’argent liquide en fonction de variables telles que les taux de taxation sert à évaluer la croissance de l’économie souterraine. Par ailleurs, utilisant aussi une méthode macroéconomique, soit le modèle à variables latentes, Giles et Tedds (2002) concluent que l’économie souterraine aurait atteint 15 % du PIB au milieu des années 1990, soit une dépense annuelle moyenne par ménage de 11 000 $. Selon cette approche, on estime un modèle complexe qui fait le lien entre des variables explicatives de l’économie souterraine et certains indicateurs (observables) de cette économie. En imposant une règle de normalisation et en fixant la taille de l’économie souterraine à une valeur spécifique pour une année de base, il devient possible de prédire son évolution sur toute la période à l’étude. À partir d’une autre approche fondée sur une analyse détaillée des comptes nationaux et sur la base d’hypothèses imposant des bornes supérieures à l’importance relative de l’économie souterraine pour chacune des dépenses recensées, Gervais (1994) en arrive à la conclusion que l’économie souterraine au Canada ne pouvait excéder 5% du PIB en 1992. Enfin, Fortin et al. (1996) ont réalisé une enquête-ménages auprès de près de 5 000 individus pour évaluer la taille de l’économie souterraine au Québec. Contrairement aux approches précédentes, il s’agit d’une approche directe de nature microéconomique. Selon leurs résultats, l’économie souterraine, ajustée pour tenir compte de l’économie criminelle, se situait à moins de 3% du PIB au Québec en 1993, soit environ 2 000 $ par ménage. Selon ces auteurs, cette mesure constitue probablement une borne inférieure à l’ampleur du phénomène. De cette brève recension de la littérature pour la période d’après 1990, on peut en conclure que les évaluations de l’économie souterraine au Canada et/ou au Québec varient entre 3% et 27% selon les méthodes utilisées et les années retenues. Cette variance très élevée des résultats rend ceux-ci très difficiles à utiliser à des fins analytiques. Il importe donc de mettre en oeuvre de nouvelles méthodes d’estimation plus adéquates et permettant de réduire la variabilité des mesures obtenues jusqu’ici. Cet article vise cet objectif. Nous adoptons une approche ré2 cente développée par Pissarides et Weber (1989) et généralisée par Lyssiotou et al. (2004), pour estimer l’ampleur de l’économie souterraine au Québec et son évolution entre 1997 et 2002. L’approche développée par ces auteurs utilise un modèle de dépenses des ménages. Il s’agit d’estimer un système de dépenses en fonction du revenu du ménage selon différentes sources et d’autres variables explicatives. Ainsi, l’approche s’appuie sur des principes fondés sur la théorie standard du consommateur. On suppose par ailleurs que les revenus salariaux sont parfaitement déclarés puisque l’impôt qui s’y rattache est en général prélevé à la source. Cependant on suppose que les revenus nets de travail autonome peuvent être sous-déclarés (soit par la sur-estimation des coûts, soit par la sous-déclaration des revenus bruts). Si tel est le cas, et en supposant que pour chacun des biens consommés, la propension à consommer est la même quelle que soit la source de revenu effectivement réalisé, il est possible d’identifier un coefficient de sous-déclaration des revenus autonomes. À partir de ce coefficient estimé, on peut en calculer une mesure de la taille de l’économie souterraine à partir de l’information sur l’importance relative des revenus autonomes dans le PIB. Alors que l’approche de Pissarides et Weber (1989) se fonde sur l’estimation d’une seule équation de demande (nourriture), sa généralisation par Lyssioutou et al. propose l’estimation d’un système de demande sur les biens non-durables. C’est cette approche qui est retenue dans le présent travail. Idéalement, nous aurions aimé comparer pour le Québec les résultats de ce modèle avec ceux d’autres approches telles que l’approche monétaire ou le modèle à variables latentes. Toutefois, un des indicateurs nécessaires à l’utilisation de ces méthodes, soit le stock de monnaie, n’est pas disponible au niveau provincial, les rendant ainsi inutilisables. Nous estimons à l’aide de la méthode des moments généralisés (MMG) un système de dépenses sur six biens non-durables (exprimées en parts des dépenses sur l’ensemble de ces biens) en fonction d’une forme quadratique du log du revenu du ménage et d’autres variables explicatives. Les données utilisées sont celles de l’Enquête sur les dépenses des ménages de Statistique Canada pour les périodes 1997 à 2002. Le plan de l’article est le suivant. La section 2 présente le modèle théorique retenu aux fins d’estimation. La section 3 discute des données utilisées. La section 4 expose la méthode économétrique ainsi que les résultats d’estimation. La section 5 présente l’évaluation de la taille de l’économie souterraine et de sa croissance récente ainsi que les pertes fiscales qui en ont résulté niveau provincial. La section 6 présente les conclusions. 3 2 Modèle théorique Le modèle menant à l’estimation de la taille de l’économie souterraine au Québec repose sur deux ensembles d’hypothèses. Le premier ensemble concerne le système de dépenses des consommateurs utilisé pour l’estimation du modèle. Le second qui conduit à l’évaluation de la taille de l’économie souterraine porte sur la véracité des déclarations de revenus et de dépenses des ménages. 2.1 Le système de dépenses des consommateurs Tout d’abord, on suppose que les ménages ont des préférences possédant une structure quasi-séparable (ou de séparabilité implicite) dans les biens non-durables et les biens durables (Deaton et Muellbauer 1980). L’avantage de cette hypothèse, c’est que la demande hicksienne pour tout bien non durable, exprimée en terme de part des dépenses pour ce bien dans les dépenses totales en biens non-durables, ne dépendra uniquement que des prix des biens non durables et du niveau total d’utilité. Ainsi, en remplaçant dans cette fonction l’indicateur d’utilité par la fonction d’utilité indirecte et en supposant que les prix relatifs sont constants (hypothèse que nous poserons), la demande marshallienne en part correspondante ne dépendra que du revenu total du ménage. C’est un tel système de parts sur les biens non durables que nous estimerons. Plus formellement, l’hypothèse de séparabilité implicite implique que la fonction de coût du ménage peut s’écrire : C = C(c(p, U), d(r, U), U), où p et r sont les vecteurs de prix des biens non-durables et des biens durables respectivement, et U est l’indicateur d’utilité totale. Les fonctions c(·) et d(·) représentent des indices de prix agrégés pour les biens non-durables et les biens durables. Chacune de ces fonctions est croissante dans U et est homogène linéaire dans son sous-vecteur de prix. Cette structure implique que les décisions de consommation du ménage peuvent se décomposer en deux étapes (two-stage budgeting). En première étape, le ménage alloue son revenu total Y ∗ dans les dépenses de biens non durables et durables en fonction de c(·), d(·) et U de façon à minimiser ses coûts. En seconde étape, le ménage choisit la part des dépenses sur chaque bien appartement à un groupe donné (non-durable ou durable) dans les dépenses totales sur ce groupe en fonction du vecteur de prix des biens de ce groupe et du niveau d’utilité totale. Plus précisément, soit qi , la quantité du bien non durable i achetée par le mé- 4 nage. Les dépenses totales sur les biens non-durables peuvent donc s’écrire : y= X ∂C(·) X ∂c(·) ∂C(·) pi = c(·), ∂c i ∂pi ∂c pi qi = i (1) en utilisant le lemme de Shephard et la propriété d’homogénéité de degré un en p de la fonction c(·). La part wi des dépenses du bien non durable i dans les dépenses totales sur les biens non durables est donnée par : ∂c(·) pi ∂c(·) pi ∂C(·) pi qi ∂ ln c(·) ∂c ∂pi ∂pi wi = = ∂C(·) = = , y c(·) ∂ ln pi c(·) (2) wi = wi (p, U), (3) ∂c ou encore : P avec i wi = 1 et wi (·) homogène de degré zéro dans p. L’équation (3) donne les parts hickiennes de dépenses des biens non durables. Pour obtenir une forme fonctionnelle de ces parts, il faut d’abord se donner une forme fonctionnelle de la fonction de prix des biens non durables, c(p, U). Tel que suggéré par Lewbel (1990), nous approximons cette fonction par une forme exponentielle dans laquelle se retrouve une interaction entre le niveau d’utilité et une fonction du prix : " " ## U c (p, U) = exp a(p) + b(p) , (4) 1 − g(p)U où a(p), b(p) et g(p) sont des fonctions homogènes en p. En prenant le logarithme de cette fonction, on obtient alors : " # U ln c(p, U) = a(p) + b(p) . 1 − g(p)U (5) Finalement, en utilisant (2), les équations de parts hicksiennes prennent la forme suivante : # " #2 U U + λi (p) . wi = ai (p) + bi (p) 1 − g(p)U 1 − g(p)U " où ai (p) = ∂ ln a(p) , ∂ ln pi bi (p) = ∂ ln b(p) ∂ ln pi (6) et λi (p) = b(p) ∂∂lnlng(p) . pi Les fonctions (6) ne peuvent être estimées directement puisque l’indicateur d’utilité n’est pas observable. Cependant, en remplaçant U par la fonction d’utilité 5 indirecte V = V(p, r, Y ∗ ) dans ces équations, on obtient les fonctions de parts marchalliennes suivantes à la période de base, avec p = r = 1, (voir Lyssiotou 2004) : wi = αi + βi [ln Y ∗ ] + δi [ln Y ∗ ]2 . (7) où αi , βi et δi sont des paramètres. Les équations (7) représentent des courbes d’Engel quadratiques dans le log du revenu total et exprimées en parts dans les dépenses totales en biens non durables. Cette forme fonctionnelle généralise la forme Working-Leser (voir Deaton et Muellbauer 1980) qui exclut le terme quadratique. Elle s’avère fort utile puis qu’elle permet à un bien d’être nécessaire pour certains niveaux de revenu et d’être un bien de luxe pour d’autres niveaux de revenu. En outre, Bank et al. (1997) ont donné des fondements théorique et empirique rigoureux à cette forme fonctionnelle pour les courbes d’Engel. Ils ont en particulier dérivé la classe complète des systèmes de parts de dépenses intégrables et quadratiques dans les log du revenus. Dans notre analyse, nous ignorerons les variations dans les prix relatifs pour deux raisons. D’abord il n’existe pas d’indices de prix au niveau provincial pour les groupes de biens retenus dans notre analyse. Ensuite la période d’analyse est relativement courte (1997-2002). Ceci dit, nous tenons compte de la hausse moyenne des prix en dégonflant les revenus par un indice de prix à la consommation. En outre, nous permettons à la constante des courbes d’Engel de varier d’une année à l’autre. 2.2 Hypothèses sur les déclarations des ménages Aux fins d’estimation des courbes d’Engel (7), et dans le but d’évaluer la taille de l’économie souterraine, il faut imposer des hypothèses sur les revenus et les dépenses des ménages telles qu’ils sont déclarés et rapportés dans les enquêtes. Tout d’abord, on suppose que les gens rapportent fidèlement leur profil de dépenses de consommation sur les biens non durables. La justification en est qu’aucun facteur n’incite les ménages à mentir au sujet de leur profil de dépenses1 puisqu’en général aucune pénalité ne leur est imposée lors de transactions illégales. L’utilisation des dépenses sur les biens non-durables comme variables endogènes renforce cette hypothèse. En effet, ce type de biens ne constitue pas un actif et ne peut donc pas s’accumuler. Sa consommation est à court terme et les quantités consommées dans le passé importent peu dans le processus de décision actuel. 1 Selon un sondage de la maison Gallup (1993), 33 % des répondants admettaient avoir payé un bien ou un service en espèces pour éviter de payer les taxes de vente lors des douze derniers mois. 6 Au niveau des revenus, les ressources financières des ménages proviennent de diverses sources : par exemple les revenus d’un emploi salarié et les revenus d’un travail autonome2 . En outre, les transferts gouvernementaux constituent la partie la plus importante des autres revenus. Dans cette étude, on suppose que les salariés doivent déclarer la totalité du revenu versé par leur employeur, ce qui paraît une hypothèse raisonnable. Toutefois, les travailleurs autonomes peuvent être incités à cacher une partie des revenus nets autonomes qu’ils gagnent, c’està-dire les sous-déclarer afin de se soustraire à une partie de leur obligation fiscale. Cette hypothèse est fondamentale pour notre modèle. Quant aux autres sources de revenus, on supposera qu’ils sont aussi déclarés entièrement. Ainsi, notre modèle fournira une estimation de la proportion des revenus de travail autonome qui est sous-déclarée. Une illustration simple de la procédure est la suivante. Supposons deux individus économiquement identiques et qui ont le même revenu total déclaré. La seule différence entre ces individus est que le revenu du premier provient d’un emploi autonome alors que celui du second provient d’un emploi salarié. On observe par ailleurs que la part des dépenses en biens de luxe (dont l’élasticité-revenu est supérieure à l’unité) est plus élevée dans le cas du travailleur autonome que dans le cas du travailleur salarié. Ce dernier consacre en effet une partie plus élevée de ses dépenses en biens nécessaires (dont l’élasticité-revenu est inférieure à l’unité). On en conclut donc que le premier individu sous-déclare une partie de son revenu d’emploi autonome. Sur le plan statistique, il s’agit d’estimer le taux de sous-déclaration du revenu de travail autonome permettant de prédire parfaitement les profils de consommation différents des deux individus à l’aide de la courbe d’Engel. Par la suite, l’extrapolation sur l’ensemble de la population des revenus autonomes sous-déclarés permettra de déterminer l’importance de l’économie souterraine dans l’économie totale. Plus formellement, il faut d’abord ventiler le revenu effectivement réalisé du ménage selon ses trois sources : X Y∗ = θm Ym (8) m=s,r,a où s, r et a sont respectivement les indices identifiant le salaire, le revenu autonome et les revenus provenant d’autres sources (e.g., transferts gouvernementaux), Ym est le revenu déclaré provenant de la source m, et θm est le facteur par lequel on doit multiplier le revenu déclaré provenant de la source m afin de connaître le revenu exact. Ce paramètre est égal ou supérieur à l’unité (θm ≥ 1). En supposant 2 Les revenus d’emploi autonome proviennent d’une occupation autonome (agricole ou non) ou de revenus d’entreprises individuelles. 7 que le salaire et les revenus autres sont totalement déclarés, on a θ s = θa = 1. A contrario, comme les revenus autonomes peuvent être sous-déclarés, θr doit être supérieur ou égal à l’unité (θr ≥ 1). Pour imposer cette contrainte dans les estimations économétriques, l’expression définissant le paramètre θr sera donnée par exp (κ) + 1 où κ est le paramètre estimé par le modèle. Le revenu autonome ef fectivement réalisé Yr∗ devient donc exp (κ) + 1 × Yr . Par ailleurs, afin de tenir compte de l’évolution de l’économie souterraine entre 1997 et 2002, ce paramètre interagit avec une tendance linéaire en niveau et élevée au carré. Le paramètre κ devient donc fonction du temps : k1 × t + k2 × t2 où t correspond à la tendance de 1997 à 2002. Dans le modèle, les parts du revenu de source autonome (m = r), du salaire (m = s) et autres (m = a) se réécrivent comme le ratio du montant de chacune de ces sources financières par rapport au revenu total rapporté : ym = Ym /Y. Après substitution du revenu total par ses composantes et en utilisant les propriétés logarithmiques, l’équation (7) prend la forme suivante : wi = αi + βi ln Y + ln X m=s,r,a θm ym + δi ln Y + ln 2 X m=s,r,a θm ym , (9) avec θ s = θa = 1. Dans le modèle économétrique, nous introduisons un vecteur de caractéristiques des ménages (z) de façon à prendre en compte l’hétérogénéité observée dans les préférences. Le choix de ces caractéristiques sera présenté plus loin et s’inspire de Pissarides et Weber (1989) et Lyssiotou et al. (2004). Cependant ce choix est contraint par les variables disponibles dans la base de données utilisées.3 Par ailleurs, on doit permettre aux individus ayant des revenus autonomes de réagir différemment des autres ménages à des variations de revenus dans leur choix de consommation. En effet, l’incertitude souvent plus élevée quant au niveau des revenus autonomes suggère qu’ils puissent affecter ces décisions de façon différente que dans le cas des revenus salariaux par exemple. À cette fin, et suivant Lyssiotou et al. (2004), nous avons introduit dans chaque équation de demande une expression cubique reflétant relative du revenu autonome dans P3 l’importance l le revenu total du ménage l=1 δil (θr yr ) . Cette expression a pour but de réduire la possibilité de confondre l’hétérogénéité dans la consommation et le phénomène de sous-déclaration des revenus d’un emploi autonome. On notera que le modèle reste identifiable même en présence des coefficients additionnels à estimer. 3 Ainsi, notre base de données ne contient pas d’informations sur le niveau de scolarité et la profession. 8 Le système de parts de dépenses sur les biens non durables comprend six équations reflétant les catégories suivantes : la nourriture, les boissons alcooliques, les vêtements, le transport, les soins personnels et les loisirs. Afin d’imposer la contrainte d’adding up, cette dernière catégorie a été exclue dans les estimations. On retrouvera à l’Annexe 1 la définition des différentes variables de dépenses de consommation retenues dans le modèle. 3 Les données La base de données utilisée dans notre recherche provient de l’Enquête sur les dépenses des ménages (EDM) de 1997 à 2002 réalisée par Statistique Canada. L’EDM s’avère être une base de données très utile pour notre recherche puisqu’elle contient des informations pertinentes concernant les ménages canadiens.4 En effet, l’enquête vise à recueillir des données concernant les habitudes de consommation ainsi que les sources de revenus et les caractéristiques particulières (âge, type d’union, composition du ménage, résidence, équipement ménager, etc.) des ménages. 5 Par ailleurs, l’estimation couvre uniquement la période 1997 à 2002 malgré la disponibilité d’informations pertinentes sur une période plus longue. En effet, de 1974 à 1996, Statistique Canada effectuait environ tous les quatre ans une enquête similaire à l’EDM : l’Enquête sur les dépenses des familles (EDF). Cependant, pour des raisons d’efficacité, Statistique Canada a remplacé l’EDF par l’EDM où se retrouvent, en plus des informations sur les ménages, celles provenant de l’Enquête sur les équipements ménagers (EÉM). Ainsi, l’EDM et l’EDF contiennent toutes les deux les variables nécessaires à l’estimation du modèle. Cependant, comme les définitions des variables dans l’EDF varient d’une année à l’autre, les données recueillies avant 1997 sont inutilisables. Utilisée en coupe transversale, l’EDM ne fournit pas de l’information sur un nombre suffisant de ménages pour estimer le modèle (en moyenne 1 070 ménages par année dont 10 % environ ayant des revenus de travail autonome). Il convient 4 L’EDM recueille des données sur les ménages des 10 provinces et 3 territoires. Pour l’estimation, seules les informations sur les ménages québécois sont retenues. 5 Cependant, l’accès à ces données a dû faire l’objet d’une demande particulière auprès du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH) puisque la ventilation des revenus des ménages nécessaire pour l’estimation ne se retrouve pas dans les données publiques. Compte tenu de la confidentialité de la composition du revenu total, les travaux d’estimation ont été effectués dans les bureaux du Centre interuniversitaire québécois de statistiques sociales (CIQSS) à Montréal. 9 donc de construire des données empilées à l’aide des six années d’enquête. Suite à cette manipulation, le nombre de ménages retenus passe à 6 451 ménages. Nous avons imposé certaines contraintes aux données de base de manière à rendre l’échantillon plus homogène. Ainsi, les ménages retenus sont des couples mariés avec ou sans enfants. De plus, les ménages dans lesquels le répondant avait plus de 70 ans ont été exclus. Par ailleurs, les ménages déclarant des revenus négatifs (d’un emploi autonome ou d’un emploi salarié) ont été aussi exclus. En outre, les ménages rapportant un revenu total avant impôt supérieur à 400 000 $, nul ou négatif ont été éliminés. Finalement, lorsque la part de revenu autonome dans le revenu total et\ou du salaire dans le revenu total était supérieur à l’unité, le ménage concerné n’a pas été retenu. L’échantillon se compose de 7 082 ménages dont 631 (soit 9% du total) sont des travailleurs autonomes6 . En moyenne, ils sont constitués de deux adultes et de 1,2 enfants (0 à 24 ans) en majorité de moins de 16 ans. En observant la moyenne des revenus et dépenses des ménages au tableau 1 en annexe, on remarque que les ménages composés de travailleurs autonomes ont un niveau de dépenses courantes plus élevé7 que la moyenne des ménages, pour un niveau similaire de revenus rapportés dans l’enquête. Cette constatation conforte l’hypothèse que les travailleurs autonomes tendent à sous-déclarer leur revenu. 4 Résultats d’estimation Afin d’estimer le paramètre d’intérêt, nous utilisons la méthode des moments généralisés (MMG). Cette méthode est pertinente pour estimer une fonction nonlinéaire dans les paramètres avec endogénéité de certaines variables explicatives. Dans notre modèle, les variables de revenus sont supposées endogènes. Après plusieurs expérimentations et après avoir vérifié la présence d’instruments faibles à l’aide de l’estimation des différentes sources de revenus par moindres carrés ordinaires (MCO), nous avons retenu les instruments retenus suivants : L’âge de la personne de référence en niveau, au carré et au cube, le statut matrimonial du 6 On défit un ménage de travailleurs autonomes lorsque plus de 25% du revenu total du ménage est composé de revenus d’emploi autonome 7 Les dépenses courantes comprennent les dépenses faites pendant l’année d’enquête pour l’alimentation, le logement, l’entretien ménager, les articles et accessoires d’ameublement, l’habillement, le transport, les soins de santé, les soins personnels, les loisirs, le matériel de lecture, l’éducation, les produits du tabac et les boissons alcoolisées, les jeux de hasard, et un groupe divers d’articles. 10 ménage, le sexe de la personne de référence, le nombre d’enfants entre 0 et 15 ans, l’endroit de résidence (fonction du nombre d’habitants), l’interaction entre l’âge et l’endroit de résidence, l’interaction entre âge du conjoint et le nombre d’enfants entre 0 et 15 ans, l’interaction entre l’âge de la personne de référence et le statut matrimonial du ménage. Par ailleurs, les variables de contrôle incluses dans le modèle sont les suivantes : l’année de référence du ménage, le nombre d’enfants entre 15 et 24 ans, l’âge du conjoint de la personne de référence, le type d’environnement (rural ou urbain), le nombre de pièces dans la résidence principale, la possession d’une voiture et le type d’occupation de l’endroit de résidence principal (locataire ou propriétaire). Le tableau 2 présente les résultats d’estimation du système de demande. Notons d’abord que le test de Sargan-Hansen valide le modèle avec une statistique de 42,2 qui est inférieure à la valeur critique (5%) de la chi-carré à 30 degrés de liberté (= 43, 8). La typologie des biens résultant du modèle diverge partiellement des résultats de Deaton et Muellbauer (1980). Pour estimer leur système de demande de 1900 à 1970, ces auteurs utilisent une version symétrique du modèle de Rotterdam pour le Royaume-Uni. Selon eux, la nourriture, les dépenses pour la maison, le transport et les communications, les loisirs et les services sont des biens nécessaires. En revanche, nos résultats laissent croire que la nourriture et les soins personnels sont des biens de luxe (pour des revenus inférieurs à un niveau critique) alors que tous les autres biens seraient nécessaires (aussi pour des revenus inférieurs à un niveau critique). Une des raisons expliquant ce résultat est la définition des biens qui varie d’une étude à l’autre. Par ailleurs, à partir des variables indicatrices des années, on constate qu’avec le temps, l’alcool, les transports et les soins personnels dans les dépenses des biens non-durables semblent prendre de l’importance contrairement à la nourriture et les vêtements qui en perdent. Il faut cependant noter que seuls certains coefficients associés aux vêtements et aux soins personnels (et un coefficient de transport) sont significatifs, ce qui conforte notre hypothèse que les prix relatifs sont restés relativement stables durant cette période. En outre, les ménages qui ont une part de revenu autonome plus élevée dans le revenu total semblent dépenser moins en vêtements que les autres ménages, ceteris paribus. Finalement, comme on peut s’y attendre, le fait de posséder une voiture influence positivement les dépenses pour le transport. On en conclut qu’en général, les résultats d’estimation du système de dépenses sont cohérents et intuitifs. 11 L’estimation de l’économie souterraine s’effectue à l’aide des paramètres κ du modèle présenté discutés dans la section 2 et qui se retrouvent au bas du tableau 2. Les coefficients devant la tendance et la tendance au carrée sont significatifs à 5%. Ils sont utilisés pour calculer les θr annuels, qui donnent les facteurs de correction par lequel on doit multiplier les revenus déclarés autonomes afin de connaître les revenus autonomes effectivement réalisés 5 Taille de l’économie souterraine et pertes fiscales 5.1 Estimation de l’importance de l’économie souterraine L’estimation de l’importance de l’économie souterraine dans le PIB requiert des informations additionnelles sur l’importance des revenus autonomes dans le PIB du Québec. Pour la période s’échelonnant de 1997 à 2002, et selon les données de Statistique Canada, en moyenne 6,0 % du PIB du Québec provenait des revenus autonomes alors que le chiffre correspondant au niveau canadien était de 6,4 %. Ces proportions demeurent relativement constantes pour les années étudiées comme le démontrent les tableaux 3 et 4. À partir des chiffres pour le Québec et des coefficients estimés pour k1 et k2 , on peut en inférer une évaluation de la taille de l’économie souterraine en proportion du PIB au Québec. Les résultats sont présentés au tableau 5 et sont illustrés au graphique 1. Selon ceux-ci, l’économie souterraine représentait environ 4,6% du PIB en 1997 et 5,7 % du PIB en 2002, soit une croissance de 23%. En moyenne les quelque trois millions de ménages au Québec aurait dépensé au noir un peu plus de 4 300 $ en 2002. Notre mesure de l’économie souterraine sous-estime probablement l’importance du phénomène puisque les données d’enquête ignorent les activités criminelles telles que la drogue, le jeu et la prostitution. Si l’estimation de 1 % du PIB canadien de Gervais (1996) au sujet de ces activités s’avère une bonne approximation pour le Québec en 2002, la taille de l’économie souterraine incluant les activités criminelles atteindrait donc 6,7 % en 2002. Cependant, les autorités policières semblent croire que ces activités prennent de l’ampleur depuis quelques années et que, à ce sujet, le Québec surpasse la moyenne canadienne. L’évaluation de l’économie criminelle au Québec devrait donc faire l’objet de recherches ultérieures. 12 F. 1 – Évolution de l’économie souterraine au Québec 5.2 Estimation des pertes fiscales pour le gouvernement du Québec L’objectif principal de la présente recherche est d’évaluer la taille de l’économie souterraine. Cette estimation permet en outre d’approximer les pertes fiscales qu’entraînent ces activités cachées pour le gouvernement du Québec. En effet, selon nos résultats, l’économie souterraine représentait en moyenne environ 5,4 % du PIB durant la période à l’étude, c’est-à-dire qu’elle générait en moyenne 12 milliards de dollars annuellement en revenus pour les travailleurs autonomes. Afin de déterminer les pertes fiscales, il suffit d’utiliser le taux de taxe sur les biens et services et le taux d’impôt sur le revenu. Le taux pour la taxe de vente du Québec (TVQ) est demeurée à 7,5 % pour la période 1997 à 2002. Par ailleurs, comme les travailleurs autonomes peuvent obtenir des réductions de leur charge fiscale et que le système d’imposition québécois est progressif, tous les individus ne sont pas imposés au même taux. Il faut donc extrapoler, à l’aide des informations contenu dans l’EDM au sujet des montants d’impôt payés, un taux d’imposition moyen annuel pour les travailleurs autonomes. Cette étape consiste à utiliser les montants d’impôts payés par les ménages et estimer en moyenne l’importance de ce montant dans le revenu total. Il faut noter que ces pertes fiscales proviennent d’activités productives légales, illégalement transigées. Les activités cachées non-productives ou illégales, telles les demandes de remboursements de taxes frauduleuses ou de crédits injustifiés, ne font pas l’objet de la présente recherche mais peuvent apparaître en partie dans l’estimation via le taux d’impôt moyen calculé. Comme le montre le tableau 7, à partir de 1999, le niveau des pertes fiscales demeure à près de 3,3 milliards de dollars. Cependant, cela ne reflète pas l’évo13 lution de l’économie souterraine. Cette constance est attribuable surtout à la décroissance notable du taux d’impôt qui a passé de 17,7 % en 1999 à 15,5 % en 2002. Les pertes fiscales attribuées aux activités souterraines représentaient un peu moins de 9 % des impôts et des taxes prélevés par le gouvernement du Québec pour l’année financière 20028 . 6 Conclusion Comme nous l’avons mentionné, plusieurs méthodes ont été proposées dans la littérature pour tenter d’estimer la taille de l’économie souterraine. Par contre, en raison de l’impossibilité d’obtenir des informations sur certaines variables essentielles comme la demande d’argent liquide, la majorité de ces approches ne peuvent s’appliquer au Québec. Dans cette optique, nous avons mis en oeuvre une approche micro-économétrique qui nous semble prometteuse et qui se base sur la théorie des choix de consommation et sur la tendance des individus à sous-déclarer les revenus provenant d’un emploi autonome. Le modèle utilisé pour évaluer la taille de l’économie souterraine vise à d’abord à estimer les dépenses de consommation des ménages en termes de parts de la consommation des biens non-durables selon différentes sources de revenu et d’autres variables explicatives. Cinq postes de dépenses sont analysés : nourriture, alcool, transport, vêtements et soins personnels. Lors de l’estimation, des instruments sont utilisés pour tenir compte de l’endogénéité des sources de revenu. L’approche économétrique retenue pour l’estimation est la méthode des moments généralisés. Les données proviennent de l’Enquête sur les dépenses des ménages (EDM) effectuée à chaque année par Statistique Canada depuis 1997. Les dernières données accessibles sont celles de l’EDM de 2002. Cette base de données fournit la ventilation des revenus, de nombreuses caractéristiques des ménages ainsi que leurs dépenses. On remarque que les ménages de travailleurs autonomes ont en moyenne un niveau de dépenses courantes supérieur à celui de la moyenne des ménages et ce, pour un nuveau de revenu total similaire. Cette constatation est en accord avec l’hypothèse que les travailleurs autonomes sous-déclarent en moyenne une certaine fraction de leur revenu. 8 L’année financière 2002 débute le 1er avril 2002 et se termine le 1er mars 2003. Le revenu des taxes et impôts inclut les impôts sur le revenu des particuliers, le Fond des services de santé, les impôts des sociétés, les taxes à la consommation et autres revenus ainsi que les revenus provenant des entreprises gouvernementales. Il s’élevait à 41,2 milliards de dollars pour l’année financière 2002 (Ministère des Finances du Québec, 2004). 14 Selon nos résultats, l’économie souterraine au Québec représentait 4,6% du PIB en 1997 et atteignait 5,7% en 2002. En moyenne, en 2002, les ménages québécois dépensaient 4 300 $ dans des activités de l’économie souterraine, une augmentation par rapport à 1997 de 23 %. Ces estimations de l’économie souterraine omettent cependant les activités économiques criminelles. Il s’agit donc d’une borne inférieure qui pourrait être ajustée à l’aide d’informations additionnelles sur ces activités. Toutefois, pour l’instant, il n’existe aucune estimation fiable de l’importance de ce type d’activités. Par ailleurs, notre étude montre qu’en 2002, les pertes fiscales que l’économie souterraine a engendré pour le gouvernement du Québec auraient été de l’ordre de 3,3 milliards de dollars. Il ressort de cette étude que l’importance de l’économie souterraine au Québec, tout en étant supérieure aux résultats conservateurs obtenus à partir de l’approche de sondage (3% du PIB pour 1993, selon Fortin et al. 1996) est inférieure à ceux obtenus à partir de méthodes macroéconomiques indirectes comme le modèle à variables latentes (près de 15% du PIB canadien en 1995, selon Giles et Tedds 2000). Les estimations sont par ailleurs assez proches de la borne supérieure établie à 5% pour le Canada dans une étude de Statistique Canada portant sur l’année 1992 (Gervais 1994). 15 Références [1] Bank, James, Richard Blundell et Arthur Lewbell, (1997), Quadratic Engel Curves and Consumer Demand, The Review of Economics and Statistics, Vol. LXXIX, no 4., pp. 527-539. [2] Deaton, Angus et John Muellbauer, (1980), Economic and Consumer behavior, , Cambridge University Press, United States, 450 pp. [3] Fortin, B., G. Garneau, G. Lacroix, T. Lemieux, C. Montmarquette,(1996), L’économie souterraine au Québec, Mythes et réalités, Ste-Foy, Les Presses de l’Université Laval. [4] Gervais, Gylliane, (1994) La dimension de l’économie souterraine au Canada, Statistique Canada, no 13-603F, no 2 au catalogue. [5] Giles, David E. A. et Lindsay M. Tedds, (2000), Taxes and the Canadian Underground Economy, Canadian tax paper no.106. [6] Lewbel, Arthur (1990), Full Rank Demand System, International Economic Review, 31, pp. 289-300. [7] Lyssiotou, Panayiota, P. Pashardes et T. Stengos, (2004), Estimates of the Black Economy based on Consumer Demand Approaches, ¸ The Economic Journal, 114, pp.622-640. [8] Mirus, Rolf, R.S. Smith et V. Karoleff (1994), Canada’s Underground Economy Revisited : Update and Critique, Canadian Public Policy, pp 235-252. [9] Pissarides, C. et G. Weber, (1989), An expenditure-based estimate of Britain’s black economy, Journal of Public Economics, vol.39, pp.17-32. [10] Ministère des Finances du Québec, (2004), Budget 2004-2005 Plan budgétaire. [11] Scheiner, Friedrich et Dominik H. Enste, (2000), Shadow Economies : Sizes, Causes, and Consequences, Journal of Economic Literature, Vol. XXXVIII, pp.77-114. [12] Spiro, Peter S., (1996), Monetary Estimates of the Underground Economy : a critical evaluation”, The Canadian Journal of Economics, Vol. 29, pp. 51715175. 16 T 1 – D́ ́ ’́ ( 2002) Année 2002 2001 2000 1999 1998 1997 Total Nombre de ménages total Autonome 970 105 1038 79 983 86 1030 111 1130 116 1300 134 6451 631 Moyenne de dépenses courantes total Autonome 44817 47362 42530 50828 41946 45625 39950 42893 38679 37178 37048 40042 40589 43346 Moyenne de revenu total Autonome 65254 66586 65253 73424 66522 67177 63287 61935 64539 57956 61543 61072 64260 63947 T 2 – Ŕ ’ ̀ - (MMG)* Variables Constante 1997 1998 1999 2000 2001 2002 yr y2r y3r Y Y2 Enfant 15-24 Âge du conjoint Propriétaire d’une maison Ville Nb. de pièces de la rés. Voiture κ1 κ2 Test de Sargan-Hansen : 42,2 *Écarts-types entre parenthèses. Nourriture Alcool Transport Vêtements Soins personnels -23,144 (13,935) 11,123 (5,331) 5,876 (5,260) 2,250 (3,280) -1,827 (1,917) -0,011 (0,052) -0,019 (0,195) -0,097 (0,257) -0,046 (0,179) -0,142 (0,274) 0,034 (1,310) 0,055 (0,265) -0,003 (0,011) 4,500 (2,544) -0,214 (0,115) 0,039 (0,031) 0,002 (0,001) 0,012 (0,052) 0,124 (0,079) 0,006 (0,012) -0,193 (0,091) 1,193 (0,154) -0,118 0,016 0,008 (0,024) 0,086 (0,074) 0,087 (0,097) 0,047 (0,069) 0,108 (0,103) 0,366 (0,523) -0,091 (0,119) 0,004 (0,006) -2,067 (0,973) 0,096 (0,044) -0,021 (0,012) 0,000 (0,000) -0,010 (0,020) -0,045 (0,029) -0,001 (0,005) 0,048 (0,035) 0,011 (0,025) 0,128 (0,073) 0,132 (0,097) 0,065 (0,067) 0,145 (0,101) 0,496 (0,526) -0,115 (0,128) 0,005 (0,006) -1,091 (0,961) 0,050 (0,044) -0,012 (0,012) 0,000 (0,000) -0,007 (0,019) -0,062 (0,030) -0,001 (0,005) 0,143 (0,033) -0,017 (0,020) -0,051 (0,046) -0,117 (0,060) -0,094 (0,044) -0,126 (0,063) -0,598 (0,372) 0,111 (0,099) -0,004 (0,005) -0,436 (0,599) 0,023 (0,027) 0,005 (0,007) 0,000 (0,000) 0,001 (0,011) 0,009 (0,017) -0,003 (0,003) -0,018 (0,022) 0,014 (0,008) 0,055 (0,028) 0,046 (0,037) 0,055 (0,026) 0,061 (0,039) 0,082 (0,193) -0,024 (0,042) 0,001 (0,002) 0,342 (0,350) -0,015 (0,016) -0,005 (0,004) 0,000 (0,000) -0,007 (0,007) -0,011 (0,011) 0,004 (0,002) -0,006 (0,013) T 3 – É ’ PIB Q́ ( ) Année PIB 1997 1998 1999 2000 2001 2002 188424 196258 210166 224165 229617 242914 Québec Revenu Proportion du revenu autonome autonome dans le PIB 11759 6.2% 12082 6.2% 12669 6.0% 12981 5.8% 13733 6.0% 14541 6.0% T 4 – É ’ PIB C ( ) Année PIB 1997 1998 1999 2000 2001 2002 882733 914973 980524 1064950 1092246 1142123 Canada Revenu Proportion du revenu autonome autonome dans le PIB 56326 6.4% 59660 6.5% 63286 6.5% 65720 6.2% 69523 6.4% 74013 6.5% T 5 – E ’́ Année 1997 1998 1999 2000 2001 2002 Écn. Souterraine (% du PIB) 4.62% 5.40% 5.55% 5.49% 5.72% 5.69% Intervalle de confiance (5%) [4.58 ; 4.66] [5.36 ; 5.44] [5.51 ; 5.59] [5.45 ; 5.53] [5.68 ; 5.76] [5.65 ; 5.73] T 6 – D́ ́ ’́ Q́ Proportion du PIB Annee 1997 1998 1999 2000 2001 2002 4.62% 5.40% 5.55% 5.49% 5.72% 5.69% Dépenses par ménage (en dollars) 2842 3428 3731 3894 4119 4319 Intervalle de confiance (95%) [2815 ; 2865] [3400 ; 3452] [3703 ; 3758] [3863 ; 3921] [4090 ; 4149] [4288 ; 4350] T 7 – P Q́ ́ ’́ Annee 1997 1998 1999 2000 2001 2002 Taux d’imposition annuel moyen 15.40% 16.80% 17.70% 18.40% 17.00% 15.50% Pertes fiscales (milliards de dollars) 2.04 2.63 3.00 3.25 3.29 3.25 Intervalle de confiance (5%) [2.02 ; 2.06] [2.61 ; 2.65] [2.98 ; 3.02] [3.23 ; 3,28] [3.26 ; 3.31] [3.23 ; 3.28] Annexe 1- Définition des variables de dépenses de consommation Les variables de dépenses de consommation du modèle s’expriment en ratio du montant dépensé pour la catégorie de biens par rapport aux dépenses totales pour les biens non-durables. L’estimation porte sur la nourriture, les boissons alcooliques, le transport, les vêtements et les soins personnels (les dépenses en loisir sont la catégorie résiduelle). Dans la nourriture sont compris les aliments achetés au magasin, achetés au restaurant, les pensions alimentaires versées pour la pension de jour et les repas du midi des enfants. Dans les dépenses de boissons alcooliques se retrouvent les boissons alcooliques achetées en magasin et celles consommées dans un établissement licencié ainsi que tous les produits utilisés dans la confection artisanale de boissons alcooliques. La variable transport regroupe les dépenses effectuées pour le carburant pour la voiture, les camions et les véhicules récréatifs possédés ou loués. Les vêtements achetés incluent les services de blanchissage et de nettoyage à sec, les lavages et séchages dans des buanderies automatiques et les frais de nettoyage libre-service. Par ailleurs, sont inclus les vêtements, les chaussures d’athlétisme, les accessoires (gants, foulards, etc.), les montres et ce pour les individus de 4 ans et plus faisant partie du ménage. Les cadeaux qui sont offerts en vêtements pour les enfants âgés de 3 ans ou moins, les tissus et articles de couture utilisés à la confection de vêtements ainsi que les services de couturier font aussi partie des dépenses pour les vêtements effectuées par le ménage. Enfin, dans le poste de dépenses en soins personnels se retrouvent les dépenses encourues par les frais de santé, dentaire, les couches jetables, les services capillaires, autres services de soins personnels (épilation, manucures, traitements esthétiques pour le visage et les salons de bronzage), les produits capillaires, teintures et rinçage et les autres accessoires de soins personnels tels brosses à cheveux, ciseaux pour cheveux, etc. Les dépenses pour les appareils électriques de coiffure et de soins personnels (séchoir à cheveux, rasoir, etc.) font aussi partie du poste de dépenses pour les soins personnels.