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Popper pour en faire voir la cohérence d'ensemble: car, une fois correctement reconstruite,
l'argumentation méthodologique de Popper me paraît quand même indéfendable, et j'essaierai de
dire pourquoi dans une seconde partie. La stratégie d'exposé suivie dans cette seconde section sera la
suivante: plutôt que de m'en prendre, comme Wade Hands et beaucoup d'autres critiques de Popper
(cf. Koertge, 1974, 1975 et 1979; Latsis, 1972 et 1983) à la cohérence de l'argumentation poppérienne,
je préférerai tenter d'en faire voir un vice rédhibitoire, lié essentiellement au contenu propositionnel
du PR que Popper propose aux chercheurs des sciences sociales (social scientists) d'utiliser dans la
construction de leurs explications.
1. Un monisme méthodologique asymétrique
La position de Popper en philosophie des sciences sociales est d'autant plus insaisissable,
pourrait-on dire, qu'elle se présente comme une sorte d'équilibre, plus ou moins précaire, entre
divers points de vue. En fait, en ce domaine, la position de Popper, et tout particulièrement sur le
PR, paraît particulièrement
fuyante
: le petit texte de 1967, qui se trouve à la source de tout ce débat
des dernières années, doit être lu non pas tant comme l'exposé d'une doctrine arrêtée dès le départ
que comme le dévoilement progressif, au fur et à mesure que l'argumentation poppérienne se
déploie dans ses multiples ramifications, d'un point de vue qui cherche ses propres assises logiques,
ses fondements conceptuels et, tout compte fait, sa justification épistémologique. Ce texte est donc
particulièrement mouvant, et il nous fait passer, le plus souvent sans qu'on s'en aperçoive du premier
coup, d'une position qui pourrait s'avérer plus difficilement défendable à une position que Popper
voudra croire, en fin d'analyse, davantage assurée. Il nous appartiendra, bien sûr, d'en juger. Le
mouvement même de l'argumentation fait en quelque sorte obstacle à la bonne compréhension de
la thèse qui se trouve finalement défendue par Popper. Les questions centrales et cruciales soulevées
par Popper dans ce trop court texte sont celles de savoir si le PR est vrai ou faux, s'il est
empiriquement corroboré ou s'il est vrai
a priori
, s'il est testable et réfutable ou s'il ne s'agit pas
plutôt d'une simple tautologie, et si, pour être totalement fidèle aux canons du rationalisme critique
en matière de méthodologie scientifique, on doit chercher à le prendre en défaut et à lui substituer
une théorie qui serait mieux corroborée. Sur toutes ces questions, et sur d'autres qui sont afférentes,
la position de Popper, sans être carrément évasive, semble néanmoins un peu prise à la dérobée. Elle
semble même parfois équivoque, même au prix d'une inspection minutieuse, voire d'une
interprétation “charitable” destinée à restituer à cette argumentation inchoative et rapide non