Les Cahiers
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Contactologie
n’aurait pas communiqué la composition, entraînerait
facilement la qualification juridique de faute devant un
tribunal civil ou administratif.
L’ordonnance engage la responsabilité du médecin
prescripteur. Ce dernier “doit formuler ses prescrip-
tions avec toute la clarté indispensable, veiller à leur
compréhension par le patient et son entourage et
s’efforcer d’en obtenir la bonne exécution” (Art 34 du
Code de déontologie). Cela suppose notamment
d’écrire lisiblement, d’identifier précisément le pres-
cripteur et le patient, d’indiquer le nom et les para-
mètres exacts des lentilles et de la solution d’entretien
choisies par l’ophtalmologiste et d’en mentionner les
précautions d’emploi. Le Code de déontologie stipule
en effet que “l’ordonnance doit être totalement rédigée
et ne pas donner lieu à interprétation”.
L’opticien a obtenu par dérogation le droit de vendre
les produits d’entretien des lentilles, qui revenait
initialement au pharmacien. Il ne peut en aucun cas
délivrer au porteur une autre solution que celle qui a
été prescrite par l’ophtalmologiste. Le droit de substi-
tution, réservé aux pharmaciens, ne s’applique
d’ailleurs qu’aux génériques des médicaments (décret
n° 99-486 du 11 juin 1999). Il est cependant prudent
d’indiquer sur l’ordonnance que la prescription n’est
pas substituable sans prendre l’avis du médecin pres-
cripteur.
Nous n’aborderons pas ici le cas des lentilles théra-
peutiques, prescrites dans des circonstances particu-
lières.
À quelles responsabilités l’ophtalmologiste
adaptateur peut-il avoir à faire face ?
On distingue plusieurs types de responsabilité au plan
civil : sans faute, pour faute du fait de l’acte médical ou
par défaut d’information, avec des conséquences
pécuniaires.
Sans faute : il s’agirait par exemple d’un ophtalmolo-
giste qui prescrirait une lentille ou un produit d’entre-
tien que le patient avait mal toléré par le passé, anté-
cédent dont le médecin n’avait pas été informé.
Pour faute du fait de l’acte médical : prenons le cas
d’un adaptateur qui grifferait l’œil du patient, entraî-
nant ainsi un traumatisme sérieux de la cornée. Même
si c’est plutôt la notion de maladresse qui prévaut, la
notion de faute peut être retenue.
Par défaut d’information enfin, si un abcès amibien
sous lentille se développait alors que le médecin
n’avait pas interdit au porteur de lentilles souples à
renouvellement traditionnel ou mensuel de les mettre
en contact avec l'eau douce.
Il est rassurant de penser que la responsabilité pénale
du contactologue est, quant à elle, plus théorique que
réelle, étant donné la gravité des faits incriminés(1).
Il convient cependant de veiller à ce que ce risque
reste théorique. Il s’agirait par exemple de brûlures
oculaires ayant entraîné des séquelles suite à l’utilisa-
tion inadaptée d’un produit d’entretien pour lentilles
(produit pour lentilles rigides alors que le patient porte
des lentilles souples). Entrerait également dans ce
cadre l’utilisation de lentilles d’essai réutilisables
contaminées.
Que faut-il savoir du forfait ?
Selon l’article 55 du Code de déontologie, “le forfait
pour l’efficacité d’un traitement et la demande d’une
provision sont interdits en toute circonstance”. Selon
le conseil de l’ordre des médecins, cet article confirme
la nature non commerciale de la médecine et ré-
affirme le principe fondamental du paiement du méde-
cin à l’acte (Art. 162-2 du code de la Sécurité sociale).
Cependant, certains actes techniques peuvent parfois
faire l’objet d’une facturation au forfait, comme par
exemple en contactologie où celui-ci, qui est facultatif,
recouvre à la fois l’adaptation, la mise en place et
l’apprentissage de mise en place des lentilles cor-
néennes.
Compte tenu du fait que le médecin ne doit pas deman-
der le règlement de ses honoraires avant que la pro-
cédure thérapeutique ne soit achevée, le forfait ne peut
en aucun cas être réglé avant la fin de l’adaptation.
(1) Le code pénal incrimine plusieurs infractions susceptibles
d’être engagées du fait de l’adaptation. Il s’agit :
– des atteintes involontaires à la vie (article 221-6 du Code
pénal),
– des violences volontaires. Selon l’article 222-19 du Code
pénal : “le fait de causer à autrui, par maladresse, imprudence,
inattention, négligence ou manquement à une obligation de
sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, une
incapacité totale de travail pendant plus de trois mois est puni
de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 €d’amende.”
L’article 222-20 puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 €
d’amende le fait de causer une incapacité totale de travail d’une
durée inférieure ou égale à trois mois.
– Enfin, les risques causés à autrui : selon l’article 223-1 du
Code pénal : “le fait d’exposer directement autrui à un risque
immédiat de mort ou de blessures et de nature à entraîner une
mutilation ou une infirmité permanente par la violation mani-
festement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou
de prudence imposée par la loi ou le règlement est puni d’un an
d’emprisonnement et de 15 000 €d’amende”.
Sans faute caractérisée, aucune infraction ne peut cependant
être retenue.