
Un altermondialiste présidentiable ne disait rien, mais réajustait son
foulard vert et sortait sa pipe dès qu’une caméra apparaissait.
Je faisais part à un agronome, bien connu pour ses positions
antimondialistes, de l’incohérence de son discours. Il me répondait que
l’important, c’était de mettre le bazar.
Un journaliste interviewait l’un des représentants les plus en vue
d’une organisation non gouvernementale. Celui-ci déclarait tout de go que si
les tarifs sont faibles sur le coton aux États-Unis, c’est parce que les
importations de ce produit y étaient très faibles. « Tiens, pensai-je, moi qui
enseigne depuis vingt ans que ce sont les importations qui varient en
fonction de la hauteur des tarifs douaniers, et non l’inverse ! »
Ce cirque aurait été presque amusant. Il était en fait pathétique.
Les ministres français ne répondaient pas aux questions des
représentants de l’industrie et des services sur l’ouverture promise des
marchés extérieurs.
On pouvait s’en étonner : d’après l’Insee2, les services et l’industrie
représentent quand même en 2007 97% de la population active française et
98% de la richesse créée en France en une année.
On pouvait regretter cette position française, destinée à défendre
quelques fermiers, quelques vaches et la beauté des paysages au détriment
d’une position plus offensive pour l’activité et l’emploi dans des secteurs
d’avenir, dans l’industrie de haute technologie et les services.
On pouvait au contraire trouver que le développement durable, le
bien-être des animaux, les produits du terroir méritent quelques entorses au
principe du libre-échange et que dans tous les cas de figure, cette
négociation, telle qu’elle s’annonçait, n’ouvrirait que peu de marchés aux
champions industriels et des services français.
Il n’y avait en fait pas de débat. Toute l’attention des ministres allait
aux syndicats agricoles, aux écologistes et aux organisations tiers-mondistes.
Les entreprises n’étaient pas écoutées. Les économistes étaient absents.
Ces Français délocalisés aimaient manifestement se retrouver et
s’isoler des bruits et des couleurs de la conférence ministérielle. Mais cet
isolement leur interdisait de sentir les odeurs et saveurs du reste du monde.
Lorsque les ministres brésiliens ou australiens du commerce extérieur
tenaient des conférences de presse, c’était dans une salle bondée, remplie
d’Américains, d’Africains, d’Européens, d’Asiatiques... On y parlait ouverture
2. Bouvier, G., et C., Pilarski, 2008, Soixante ans d’économie française : des mutations
structurelles profondes, INSEE Premiere no 1201, Juillet.