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Les migrants sont gagnants.
Les migrations étant décidées librement par les inté-
ressés supposés rationnels, ils ne migreront que s'ils y
gagnent, ou s'ils ont au moins l'espérance d'y gagner.
En tout état de cause, il est raisonnable d'admettre que
la population des immigrés prise dans son ensemble
tire un bénéfice des migrations.
Pour le pays d'accueil, l'immigration génère des gains
économiques globaux mais aussi des problèmes de
redistribution.
L'arrivée de travailleurs immigrés sur le marché du tra-
vail permet d'accroître la richesse produite par le pays
d'accueil. La hausse de l'offre de travail provoque une
baisse du salaire d'où découle une hausse de la produc-
tion. De plus, dans un monde très simple où tous les
travailleurs auraient des caractéristiques identiques, le
salaire versé à chacun serait égal à la productivité mar-
ginale du travail, soit la productivité du dernier immi-
grant entré. Le salaire versé aux travailleurs immigrés
est donc inférieur au surplus de richesse qu'ils engen-
drent.
La situation des nationaux (i.e. les résidents du pays
autres que les immigrés) serait donc globalement amé-
liorée, à travers une hausse des profits des entreprises
qui fait plus que compenser la baisse de tous les salai-
res. Les redistributions de richesse qui en résultent
sont d'un ordre bien supérieur au surplus dégagé.
En termes de PIB, l'impact de l'immigration est claire-
ment positif et significatif. Il faut en effet ajouter les
salaires des immigrés (puisqu'ils sont résidents du pays
d'accueil) aux gains précédents retirés par les natio-
naux pour trouver le solde des effets sur le PIB, qui est
donc nettement positif (même si l'effet sur le PIB par
habitant est ambigu et dépend du niveau de qualifica-
tion des travailleurs immigrés).
En aval de la mesure du PIB, les transferts des immi-
grés vers leur pays constituent un plancher de l'effet
positif de l'immigration sur le PIB du pays d'accueil.
Pour la France, en 1998 ils s'élevaient à 2,8 Md€, soit
0,2 point de PIB, et 26,9 Md$, soit 0,3 point de PIB,
pour les Etats-Unis. Ces chiffres représentent un
transfert de 778€ par personne résidant en France et
née à l'étranger et 1022$ par personne née à l'étranger
pour les Etats-Unis.
Les conséquences seront d'autant meilleures
pour le pays d'accueil que les immigrés sont
plus qualifiés.
Si le marché du travail est segmenté entre travailleurs
qualifiés et non-qualifiés et que les immigrés sont sur-
tout non-qualifiés, c'est sur cette seconde catégorie de
travailleurs que les conséquences négatives de l'immi-
gration vont le plus se faire sentir. En outre, ces
enchaînements peuvent impliquer du chômage sup-
plémentaire si le marché n'est pas parfaitement effi-
cace, en particulier si les salaires ne sont pas flexibles
à la baisse.
Pour tester empiriquement ces prédictions, on peut
comparer les taux de chômage et les salaires des non-
qualifiés entre différents bassins d'emploi en fonction
de l'importance de la main d'œuvre immigrée. On peut
aussi utiliser des expériences naturelles.
Ces études mettent en évidence que (1) l'immigration
n'a que peu ou pas d'effet sur l'emploi, et que (2)
l'immigration n'a que très peu d'effets sur les salaires.
Mais elles semblent négliger les migrations internes
des nationaux qui ont tendance à aller chercher de
meilleures conditions d'emploi ailleurs. D'autres tra-
vaux sur données américaines estiment que la baisse
de 10% entre 1980 et 1988 des salaires relatifs des per-
sonnes n'ayant pas terminé le lycée résulte pour envi-
ron un tiers de l'immigration de non qualifiés.
Par ailleurs, le surplus global dû à l'immigration sera
d'autant plus important que la main d'œuvre immigrée
sera qualifiée. A cet égard, les pays qui, comme le
Canada, ont mis en place un système de sélection des
immigrés en fonction de leur niveau de qualification
ont effectivement réussi à accroître la part des quali-
fiés parmi les immigrés.
Les coûts budgétaires de l'immigration sont
difficiles à estimer.
Outre ses effets économiques globaux, l'immigration
modifie le régime des transferts fiscaux et sociaux à
l'intérieur du pays d'accueil. Ces «coûts budgétaires»
sont divers et de signe souvent ambigu. Cependant,
dans une approche en termes de PIB, ils n'existent pas
puisqu'il s'agit de redistributions internes à l'économie
du pays.
Un premier effet budgétaire de l'immigration est le
solde net qu'elle implique pour le système social. Les
travailleurs immigrés versent des cotisations et bénéfi-
cient des prestations sociales. Plus généralement, il
faut mettre en balance le supplément de prélèvement
perçus et les différentes dépenses publiques induites
par cette population supplémentaire.
En outre, d'autres gains liés à l'immigration devraient
être pris en compte, comme l'apport de capital humain
dont le pays d'accueil n'a pas eu à financer la forma-
tion.
En pratique, il est extrêmement difficile d'estimer le
coût net incrémental total d'une personne, et les esti-
mations obtenues sont très sensibles aux hypothèses.
De ces estimations divergentes, il ressort un fait
robuste : le solde est d'autant meilleur que la propor-
tion de qualifiés parmi la population immigrée est
importante. En effet, cette catégorie de travailleurs a
moins de chances de bénéficier de l'aide sociale (reve-