PRÉAMBULE
DESIGNER UN MÉTIER
Rappel de données étymologiques
Léonard de Vinci désignait l’art et notamment la peinture comme étant
cosa mentale
, une
chose de l’esprit. La langue française a longtemps ignoré la différence orthographique entre
le mot «dessin» et le mot «dessein» ou «but».
Le terme «designer» apparaît comme un anglicisme dans le dictionnaire de la langue fran-
çaise, le
Journal officiel
propose le terme «stylicien», en traduction libre anglais/français
le mot «créateur» est proposé.
Or, contrairement à une croyance répandue, si design est un mot anglais, son origine est
latine,
designare
signifiant «marquer d’un signe distinctif». Il est apparu dans la langue
française pour signifier à la fois «dessein » et «dessin». Il associe ainsi deux éléments :
l’idée et sa représentation.
Le design recouvre des domaines très variés de la création artistique : du mobilier et des objets
au graphisme, sites Web, services, images en trois dimensions, textile, mode, stylisme, jusqu’à
l’architecture, l’architecture intérieure et même l’urbanisme et le paysage. Récemment on uti-
lise également ce terme dans le domaine du son, de la lumière, des odeurs et de la cuisine…
«Le design est une activité créatrice dont le but est de présenter les multiples facettes de
la qualité des objets, des procédés, des services et des systèmes dans lesquels ils sont
intégrés au cours de leur cycle de vie. C’est pourquoi il constitue le principal facteur d’hu-
manisation innovante des technologies et un moteur essentiel dans les échanges
économiques et culturels1.»
Les rapprochements parfois effectués entre le design et une certaine démarche marketing,
tout comme l’emploi abusif de ce mot, nuisent à une bonne compréhension de ce métier.
Le design est une «discipline» à part entière et non un terme fourre-tout servant à décrire
toute activité artistique. Elle recouvre un large éventail de professions dans lesquelles pro-
duits, services, graphisme, architecture intérieure et architecture ont un rôle à jouer2. Si les
champs d’application sont de plus en plus larges, les «arts appliqués» désignent ce sec-
teur d’activité.
Le designer est une personne qui conçoit un produit en harmonisant les critères esthétiques
et fonctionnels et en répondant à un cahier des charges élaboré soit par les ingénieurs, soit,
le plus souvent, par les services commerciaux (direction générale, marketing, recherche et
développement) des commanditaires. Il exerce donc une activité intellectuelle et non une
simple activité de service.
Interface, d’une part, entre les services de la direction générale, le marketing et le départe-
ment de recherche et développement (R&D) qui déterminent la stratégie de l’entreprise et les
besoins des clients, et d’autre part avec les services de fabrication, le designer réunit les
impératifs des uns et des autres pour les formaliser en un produit «cohérent» parfois «en
avance sur les modes de vie». Il se tient perpétuellement au courant de l’évolution des
concepts, des technologies, des matériaux, des modes, des pratiques et des usages, mais
aussi des comportements des individus et des évolutions de la société.
Les attitudes requises, quant à elles, sont l’esthétisme, la créativité, l’observation, la maîtrise
des techniques informatiques, et un certain don ou une capacité à anticiper les futurs modes
et comportements.
1. Source : Agence pour
la promotion de la
création industrielle
(APCI). Définition de
l’International Council
of Societies of Industrial
Design (ICSID), 2002.
2. Il existe de
nombreuses définitions
du terme design et de
cette discipline. Nous
avons retenu celle qui
nous semble la plus
proche de notre
expertise. Dans le
glossaire sont citées
d’autres définitions qui
marquent le champ
d’autres expériences.
04.
Le designer travaille soit en tant qu’employé intégré dans une agence dite « de design » ou
dans le service R&D d’un industriel ou d’un distributeur, soit en tant qu’indépendant (auto-
entrepreneur, profession libérale, «free lance» artiste ou en portage salarial).
En revanche, la profession peine à s’organiser et à se constituer en corporation; jusqu’en
juillet 2008, aucun code d’activité NAF spécifique ne lui était directement réservé3. On attri-
buera l’origine de cette particularité à son mode de recherche et d’expression, essentiellement
individuel et artistique.
«Ce métier qui s’invente et se construit préfigure en fait ce que seront certaines professions
de demain, nécessairement transversales, coordinatrices de spécialités dont elles synthéti-
sent les divers apports. Tout ceci explique aujourd’hui la situation complexe dans laquelle se
retrouve tout jeune diplômé au sortir de l’école, obligé de choisir un statut professionnel par
défaut, bien souvent démuni quant à la manière d’établir les bases de négociation avec un
client et toujours inquiet sur l’étendue réelle de la protection de sa création.»
Il existe de nombreuses écoles de formation au design dont les principales sont listées dans
ce guide au chapitre «Adresses utiles».
On peut préciser notamment que la formation au design global4a été renforcée en France
par la création, en 1982, d’une école nationale supérieure publique dédiée à la création et
au design industriel, l’ENSCI-Les Ateliers, qui est venue renforcer la formation apportée par
l’École Camondo des arts décoratifs créée en 1944. Ces deux écoles nationales supérieures
proposent des cycles de formation bac + 5 qui débouchent sur un diplôme de designer.
Depuis trente ans, le VIA côtoie le monde de la création dans le domaine de l’aménagement
du cadre de vie. Les jeunes talents nous questionnent quotidiennement sur des sujets qui
dépassent notre champ de compétence. Ce guide, dont nous avions confié la rédaction dans
sa première version de 2006 à Jade Nesme, jeune diplômée de l’université Lumière-Lyon II,
a été refondu et étendu sous la direction du VIA. Sa rédaction a été réalisée par Dominique
Serrell, certifiée à la pratique du droit, fondatrice de la société TerresNuages, consultante-
expert en management de projet et agent artistique dans les domaines de l’architecture et
du design depuis une trentaine d’années5.
Ce guide a pour projet de fournir des éléments simples et clairs permettant de tracer un
panorama de la pratique de cette profession :
●exercer le métier de designer et choisir un statut;
●formaliser les différents champs de la commande et des interventions : étendue de l’art;
●appréhender les rudiments de la propriété intellectuelle et industrielle et sa contractua-
lisation;
●lister les adresses utiles;
●fournir un glossaire du vocabulaire utilisé.
Gérard Laizé, directeur général du VIA
Michel Bouisson, responsable du programme d’Aide à la création VIA et des relations avec
les écoles de design
3. Les codes NAF
répertoriés par le
ministère de l’Industrie
sont, au jour de mise
sous presse du présent
guide, 74-10Z et ses
sous-catégories.
5. Intervenante à l’École
des arts décoratifs
Camondo à Paris en
dernière année.
4. Voir glossaire.
.05