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La conscience, présentation de la question
Monsieur Ali JEDIDI
Doctorat en philosophie de l’ULg
La notion de conscience dans ses connotations scientifiques ou conceptuelles présentes, est un
concept relativement récent pour la réflexion philosophique d’une manière générale.
Elle ne s’est pas imposée immédiatement à la tradition philosophique.
Pour ce faire, elle a dû faire l’objet de tout un détour historique, en passant d’abord par la
réflexion métaphysique pour éclore, enfin, dans le champ des recherches neurologiques et
psychanalytiques. Ce sont les recherches faites à la Salpêtrière par Charcot et ses élèves, au 19ème
siècle, sur l’hystérie- lesquels débouchant sur le rôle déterminant de l’inconscient dans la
construction de la conscience de soi- ont permis à la philosophie de se familiariser avec le
nouveau concept qu’est la conscience. Et ce en premier temps au travers de la psychanalyse.
Avec le développement des neurosciences et l’apport expérimental et clinique qu’elles ont insufflé
à la question, la philosophie a repris à frais nouveaux la problématique de la conscience. Mais
modeste, n’étant plus la reine des savoirs, elle se contenta de penser les résultats que ces sciences
ont produit au niveau de l’épistémè. Ainsi que les conséquences qu’elles véhiculent quant à la
représentation de soi et du monde.
De Changeux aux approches du Coma Science Group, que de chemin parcouru, pourtant la
question fondamentale que s’est posée, déjà, la philosophie- savoir comment l’idée se produit-
elle ? Quels rapports établir entre la matérialité du cerveau et l’immatérialité de l’idée ? - demeure
toujours discutée et souvent avec passion.
Attentive à cette évolution scientifique, la réflexion philosophique cherche à accompagner ces
mutations relatives à l’approximation de la question de la conscience, en pensant les
conséquences tant morales que philosophiques qu’introduisent ces sciences dans nos conceptions
de l’homme et du monde.
Qu’il s’agisse de métaphysique ou de psychologie, la conscience ne fut point approchée en tant
que telle, elle a été au contraire étudiée ou définie conceptuellement à l’aide de concepts
différents. Pour les anciens, penseurs de l’antiquité ou de l’époque médiévale ou encore de l’âge
classique, elle est cette partie noble et sublime de l’âme. Celle qui permet l’abstraction et la
généralisation, le passage du donné sensible au concept.
Mais quelle que soit l’appellation que l’on octroyait à la conscience, force est de constater la
fascination qu’exerçait le fonctionnement cognitif de cette partie sublime du corps sur ces
penseurs. Leur questionnement allait de l’étonnement à l’émerveillement.
Cette dimension sublime de l’âme serait-elle humaine, serait-elle divine ? La réponse est complexe
et ambiguë. Comment fonctionne-t-elle ? Qu’elle est son origine ? Comment advient-elle dans les
parties de l’âme ? Comment les concepts apparaissent-ils chez l’homme ? D’où tirons-nous
l’intuition de notre propre existence et celle du monde ?
C’est à ces questions fondamentales que s’employa l’effort réflexif des premiers philosophes pour
rendre compte de la rationalité du fonctionnement cognitif des facultés de l’âme. De leurs
réponses s’est formé progressivement tout un corpus philosophique, qui va de l’antiquité à nos
jours.
Pour notre causerie de ce soir, nous nous limitons à deux grands penseurs, qui ont contribué de
façon significative à l’étude de ce que nous appelons actuellement « conscience ». Savoir Aristote