Uniopss - Mission de prospective - Présentation du Rapport Quelle France dans dix ans de France stratégie – juillet 2014 - page 4
Le second dilemme est celui du modèle social, qui est pour les uns un emblème, pour les autres un
fardeau. Le rapport aborde le modèle social au sens large, c'est-à-dire au-delà de la protection sociale
(assurance maladie, retraites, assurance chômage, prestations familiales, accidents du travail et
maladies professionnelles plus l’ensemble des prestations sous conditions de ressources et minima
sociaux) et avec la politique du logement, la réglementation de l’emploi et du marché du travail,
l’éducation nationale et la formation professionnelle. Les Français sont selon le rapport attachés à ce
modèle qui leur a apporté des biens essentiels – école pour tous, système de santé de qualité, bonne
couverture des risques professionnels, garantie d’un niveau de vie acceptable pour les seniors, filet de
sécurité contre la pauvreté – mais inquiets de son devenir. Les constats des fragilités de ce système
semblent établis : politiques compartimentées qui échouent à prendre en charge les situations de
cumuls des aléas (chômage, santés, logement, exclusion) et accentuent encore l’inégalité par rapport
aux mieux insérés ; problèmes de non recours ; logique curative plus que préventive ; déséquilibre
générationnel ; fragilité du financement. Les pistes à venir demeurent à clarifier, avec deux questions
essentielles, non tranchées ; la première est celle de l’articulation du modèle social à l’emploi (l’assise
du financement qui ne peut plus reposer principalement sur l’emploi, mais aussi la possibilité
d’acquérir des droits sociaux au fil de parcours professionnels heurtés ou encore le rapport entre
dispositifs sociaux incitation à l’emploi) ; la seconde est celle du degré de ciblage du système de
protection sociale ( tant dans le domaine des prestations en espèce que dans l’accès aux services – le
logement social par exemple -) . L’alternative se situerait entre une orientation tablant sur le
consentement des classes moyennes (avec donc une limite à tout redéploiement vers de nouveaux
risques, vers la prévention ou vers les populations les plus en difficulté) ou une orientation privilégiant
le centrage sur des missions cernées – celles que le privé est incapable d’assumer – et efficacement
remplies, qui peut conduire à différencier et réallouer les ressources. Le rapport ne tranche pas entre
ces options : « entre ces deux écueils, il faut reconstruire l’adhésion autour d’un modèle recentré sur
l’égalité, à la fois plus efficace, plus adapté à la diversité des situations individuelles et plus orienté vers
l’emploi ».
Renoncer à la croissance ou repenser la croissance est le troisième dilemme. La croissance de
l’économie française a été de 0,3% en moyenne depuis six ans et « nous ne savons plus s’il faut œuvrer
pour son retour ou nous passer d’elle ». Les économistes sont divisés sur les perspectives de
croissance pour les dix prochaines années. Au-delà, le corps social n’est plus unanime sur le bien-
fondé de la croissance. Le rapport affirme que refonder un consensus autour de la croissance suppose
de la repenser, c'est-à-dire d’abord de la qualifier – définir des finalités collectives, des modalités pour
redresser la productivité et l’emploi, prévoir l’affectation des bénéfices de la croissance – et de préciser
des objectifs en matière de soutenabilité (contrainte écologique, contrainte financière) , d’équilibres
territoriaux et enfin d’insertion internationale pour que la France, à la faveur d’une perspective claire
et de choix stratégiques pour son industrie et ses services, soit une économie connectée.
Avec ou sans Europe est le quatrième dilemme caractérisé. « Depuis plus d’un demi-siècle, La France
a consacré des efforts considérables au projet européen. Elle se demande si elle a eu raison de le
faire ». Le rapport rappelle que la France a été « du plan Schuman à l’euro en passant par le marché
intérieur » à l’initiative des étapes décisives de l’intégration du continent, effort amplifié encore depuis
2008. Mais les Français doutent, comme les citoyens européens, des institutions communautaires
(31% en 2013 contre entre 45 et 50% en 2009). La première raison est économique, avec une promesse
de croissance non tenue et des régulations perçues comme en partie inopérantes. Plusieurs années
après la crise de 2008, « le processus de rééquilibrage interne à la zone euro n’est pas achevé, il
marquera au moins les prochaines années ». Le rapport pointe les contradictions à dépasser, entre le
choix pour l’euro mais le refus de l’ouverture des marchés au sein de l’Union européenne, entre le
plaidoyer contre les distorsions fiscales et sociales et les réticences face à l’élargissement de la