La coquille des Mollusques se compose en principe de trois

(C om m u nica tio n présentée le 20 septembre 1958)
QUELQUES OBSERVATIONS SUR LA NATURE DE LA
COQUILLE CHEZ LES MOLLUSQUES
par
Jean B O U ILLO N
Laboratoire de Zoologie et de B iologie animale,
U niversi libre de Bruxelles.
La coquille des Mollusques se compose en principe de trois
couches cristallines recouvertes par une pellicule de conchyoline
ou periostracum. La couche cristalline la plus externe est formée
de prism es perpendiculaires ou obliques à la surface de la
coquille. Lui succède une couche interm édiaire faite de lamelles
entrecroisées. Ces deux assises constituent lostracum. La couche
la plus profonde, ou hypcstracum, présente généralem ent une
stru cture feuilletée, formée de lames cristallines parallèles entre
croisées de conchyoline. Lhypostracum apparait souvent nacré
ou porcelanique. Les couches cristallines sont principalem ent
constituées de carbonate de calcium assoc à de la conchyoline
auxquels sajoutent de faibles quantités de carbonate de m agne
sium, de phosphate, de silice, etc.
Le carbonate de calcium se présente sous deux de ces variétés
cristallines : la calcite et l'aragonite.
D après la m ajorité des traités de Zoologie, lostracum serait
formé de calcite et lhypostracum d aragonite.
D e nombreux auteurs, pour la plupart Physiciens ou M in éra
logistes ont toutefois trouvé des résultats tout-à-fait différents
et ont m ontré que les coquilles pouvaient être soit entièrement
calcitiques, soit formées exclusivem ent d arago nite ou encore
d un mélange des deux formes de calcaire. Ces résultats dis
parates n'ont cependant jam ais été collationnés ni même m en
tionnés dans les ouvrages classiques de Zoologie bien que
plusieurs soient déjà anciens, Me i g e n (1901, 1903, 1904), Kelly
(1901), La c r o ix (1910).
Deux auteurs ont néanmoins fait la synthèse des données re
latives à la distribution du calcaire soit dans lentièreté du
230 SO C IÉ TÉ ROY ALE Z O O LOG IQ UE D E BELGIQ UE
règne anim al ( P r e n n a n t 1927), soit dans le groupe des M ollus
ques ( S t o l k o w s k y 1951) ; mais ces auteurs se sont intéressés
dav antage au déterm inism e de la form ation des coquilles quà
la répartition des deux formes de calcaire à lintérieur de lem
branchem ent des Mollusques.
N ous nous proposons : 1 ) d'étudier la répartition de laragonite
et de la calcite dans les diverses classes de Mollusques, d exa
miner si cette répartition est constante au sein d une même famille.
2) de vérifier sil existe une relation entre cette répartition
et les données évolutives de l’em branchement.
Il existe plusieurs méthodes pour aborder létude de la com
position m inéralogique des coquilles, m éthodes minéralogiques,
chimiques, physiques : tels que les tests de Me ig e n , la réaction
de lalizarine, les caracres optiques des figures de corrosion, la
stabilité, la dureté. Lune des plus pcises et des plus rigoureuses
consiste en létude des cristaux par diffraction aux rayons X.
O u tre lobtention de diagrammes nettem ent définis pour chaque
forme calcaire cette m éthode permet d étudier la composition
quantitative de mélanges binaires (par exemple d aragonite et
de calcite) ; les erreurs de mesures sont inférieures à 4 % . O n
peut ainsi en variant le pourcentage des constituants du mélange
d aragonite et de calcite obtenir une véritable échelle de com
paraison. Il suffit dès lors de comparer les diagram m es obtenus
à partir des spécim ents étuds avec ceux de léchelle. Nous
avons employé cette dernre méthode pour étudier la com
position globale des coquilles examinées, celles-ci étant p réa
lablement réduites sous forme de poudre. Le tableau I résume
nos observations et celles dauteurs pcédents : La c r o ix (1910),
Pr e n n a n t (1927) par méthodes chimiques et physiques autres
que les rayons X, St o l k o w sk y (1951), Sa b a t i er (1953) par
rayons X.
1 ) U ne première constatation s'impose im médiatement lors
que lon envisage lensemble du tableau, contrairem ent aux
idées généralem ent admises les coquilles formées d aragonite
et de calcite cest-à-dire ostracum calcaire hypostracum d a ra
gonite sont lexception ; la majorité des coquilles des M ol
lusques sont en aragonite ; quelques formes sont uniquement
constituées de calcite (*)•
D ans les conditions norm ales de tem pérature et de pression
( 1 ) Celles-ci sont plus abondantes chez les Bivalves que chez les G astéro
podes, lordre des Anisomyaires par exemple est presque entièrement
représenté par des espèces à coquilles en calcite.
ANNALES LXXXIX (1958 - 9 ) 231
laragonite est cependant moins stable que la calcite, c'est donc
la forme la moins stable du carbonate de calcium qui est la
plus abondante dans les coquilles de M ollusques.
Il faut noter égalem ent que laspect nacré de lhypostracum
n im plique pas nécessairem ent la présence d aragonite puisque
chez l'anomie, com me le sig n ale Sabatier (1953) la face interne
bien que fortement irisée est entièrem ent constituée de calcite.
2) Si lon examine les formes les plus primitives, tant chez
les A m phineures, les G astéropodes, les Bivalves que les C é
phalopodes, on saperçoit que la calcite apparaît secondairement
dans lévolution ; toutes les formes archaïques présentent une
coquille d aragonite (p.ex. N eop ilin a).
L'évolution des Mollusques est donc caractérisée par la tran s
formation d espèces à coquille d aragonite en espèces à coquille
de calcite.
3) C ette évolution vers les formes calcitiques se marque
nettement, bien quà des degrés variables, au sein de la m ajorité
des familles où lon peut observer que les espèces primitives
sent dépourvues ou moins riches en calcite que les formes
évoluées. C ertains groupes sont cependant caractérisés, p a r la
stabilité de la composition m inéralogique de leurs constituants
(p ar exemple Buccinacea, M actracea, Tellinacea, Solenacea, etc.).
4) Les coquilles réduites ou les coquilles néoform ées sont
généralement composées de calcite (par exemple Arion, Limace,
Carinaria, Teredo, Arg onaute).
5) Existe-t-il une relation entre la distribution, lévolution de
la nature de la coquille et les données de la phylogénèse classique?
Létude de nos résultats nous m ontre que si dans lensemble,
lévolution de la n ature de la coquille se superpose dans ses
grandes lignes à lévolution anatomique (p a r exemple chez les
Prosobranches Archeogasteropoda, les Opistobranches, les
Pulm ones parm i les Gastéropodes ; les T axodondes, les Aniso~
my aires certains H éterodontes chez les Bivalves) il existe certains
groupes dont la situation est confuse. Chez les G astéropodes
par exemple les Ptenoglossa dont la coquille est calcitique se
rattachen t aux C erithiacea les plus prim itifs, or les formes ac
tuelles de ces derniers ont une coquille aragonitique, de même
les Naticacea, les C ypreacea et le Cerithiacea à coquille a r a
gonitique dérivent de certains Litorinom orphes dont les repré
sentants actuels présentent déjà des traces de calcite.
Labsence d inform ation au sujet des formes fossiles rend,
nous le voyons, très difficile tout essai d interprétation.
232 SOCIÉ TÉ ROY ALE Z OOLO GIQ UE D E BEL GIQ UE
6 ) Récemment St o l k o w s k y (1951) a montré que l'anhy drase
carbonique joue un rôle im portant dans la form ation et le
déterminisme de la forme minéralogique du calcaire des coquilles
de mollusques. N ous ne savons pas en effet dune façon sûre,
pourquoi il se forme tantôt de la calcite et tantô t de laragonite.
Cet auteur a dém ontré que la formation de laragonite
était liée à lexistence de lanh ydrase carbonique. Il existerait
d après St o l k o w s k y deux catégories d animaux à coquille en
calcite, l'une d ont le m anteau ne possède pas lenzyme (O strea)
lautre qui en possède (G ryp h ea) mais dont les tissus palléaux
baignent dans le milieu am biant inhibiteur par le N a Cl.
Il est intéressant de noter que l'analyse des formes dulcicoles
confirme les données de lauteur puisque les coquilles des M ol
lusques d eau douce sont presque exclusivement formées d'a ra -
gonite ; dans les très rares cas où la calcite existe, elle est sous
forme de faibles traces.
N ous remercions vivement M ademoiselle de Brouckère qui
a bien voulu nous autoriser à utiliser les installations de rayons X
dans les laboratoires de Chimie q u elle dirige ainsi que M onsieur
et M adam e Florent Bouillon qui se sont chargés de linterpré
tation des figures de diffraction. Nous leur exprimons notre
vive gratitude.
C A L C IT E A R A G O N IT E
CLASSE DES M O N O P L A C O P H O R A
a) Tryblidiacea
Neopilina (4) -j-
CLASSE DES L O RIC A TA
I) CH IT O N ID A
a) Chitonidae
Chiton ( 1 ) -f-
CLASSE DES G A STR O P O D A
A) PROSOBRANCHIA
I) ARC H A E O G A STRO PO D A
a) Zeugobranchia
Pleurotomaria ( * )
Fissurella ( * )
Haliotis (2,3,*)
b) Patellacea
Patella (1,2,*)
c) T rochacea
Gibbula ( * )
Monodonta (2,3,*)
Calliostoma ( 3 )
+
tr (3) +
tr +
+ tr
+
tr +
tr
A N N A L E S L X X X IX (1 9 5 8 -9)233
C A L C IT E A R A G O N IT E
d) Neritacea
Nerita ( * ) tr +
Neritina (*) tr -j-
II) M E S O G A STR O PO D A
a) Architaenioglossa
Ncothaum a ( * )
Pila (*) +
b) Littorinacea
Littorina (3 esp.) tr » -f-
(2.3,*)
Cyclostoma (*) tr -f~
c) Rissoacea
H ydro bia ( * ) +
Rissoa ( * ) +
d) Cerithiacea
Turritella (*) +
Melania ( * ) +
Spekia ( * ) +
Sta nley a (*) +
T y phobia ( * ) -)-
Cerithium ( * ) -j-
V er met us (3) tr -|-
e) Ptenoglossa
Scalaria (1.*) + tr
Ianthina ( 1 ) + tr
f) C alyptraeacea
Crepidula ( * ) +
Capulus (3) tr +
g) H eteropoda
Carinaria ( 1 )
h) Naticacea
Natica ( * ) +
i) C ypraeacea
C y prea (*) +
III) S T EN O G L O S S A
a) M uricacea
M urex ( * ) tr ~\~
Ocinebra (2) tr -)-
Purpura (2,3) -f- -)-
b) Buccinacea
Buccin ( * ) +
Columbella ( * )
Nassa ( * ) +
c) Toxoglossa
Conus ( * )
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