Sujet 9 : La politique religieuse de Louis XIV Tout au long de son

Sujet 9 : La politique religieuse de Louis XIV
Tout au long de son règne, de 1643 à 1715, Louis XIV tend à incarner la plus pure
expression du monarque absolu. Tous les pouvoirs sont concentrés en sa personne et il intervient
dans l'ensemble des domaines qui touchent à la direction des affaires du royaume de France.
Le domaine religieux n'échappe pas à son contrôle. D'une part, il tend à affirmer son pouvoir
en matière religieuse en s'appuyant sur la tradition gallicane et en la renforçant, en opposition à
Rome. D'autre part, près de 80 ans après la signature de l'édit de Nantes, la lutte contre les
protestants reprend et devient à nouveau une cause de troubles et d'affaiblissement pour le royaume.
I. L'affirmation de la tradition gallicane sous le règne de Louis XIV
1. L'émancipation du clergé de France et la prise de pouvoir croissante du roi dans les
affaires religieuses
Le règne de Louis XIV connait un renouveau de la théorie de la suprématie conciliaire, dont
les origines remontent au XIV° siècle, et selon laquelle le concile général, c'est à dire l'assemblée
des évêques, est supérieur au pape. La nouvelle affirmation de cette théorie est à observer en lien
avec l'évolution du droit de régale. Ce droit, que se sont attribués les souverains carolingiens puis
les rois, consiste à occuper la place d'un évêque pendant la vacance du siège. On distingue la régale
temporelle de la régale spirituelle. La première se limite à la perception des revenus. La deuxième
s'étend à la nomination aux cures et aux dignités ecclésiastiques. Elles sont toutes deux contraire à
la propriété ecclésiastique et déplorées par Rome, qui ne parvient pas, cependant, à les faire
disparaitre. Le droit de régale est donc présenté comme un cadeau fait au roi. Celui-ci jouit de la
régale temporelle sur tout le royaume, sauf dans le Midi, et de la régale spirituelle sur certains
évêchés seulement.
Au début du XVII° siècle, l'extension de la régale spirituelle à l'ensemble du royaume est
tentée, mais se heurte à l'opposition du clergé. Colbert, intendant des finances de Louis XIV,
revient à la charge avec les édits fiscaux de 1673 et de 1675, qui étendent le droit de régale
temporelle et spirituelle aux évêchés du Midi. Les évêques jansénistes d'Alet et de Pamiers
désapprouvent cette mesure, et de ce fait, sont condamnés par l'archevêque de Toulouse. Il font
appel au Pape Innocent XI qui accueille favorablement leur requête et blâme la décision contenue
dans les édits, en 1678.
En réaction à cette interdiction venant de Rome, Louis XIV réunit l'Assemblée du clerde
1682. Le 19 mars 1682, la théorie de la suprématie conciliaire est réaffirmée dans la « Déclaration
des Quatre Articles », en grande partie l'oeuvre de Bossuet. On peut la considérer comme une
véritable charte fondamentale du gallicanisme, qui consacre les droits et privilèges de l'Église
gallicane et énonce : « a) que le pape n'a qu'une autorité spirituelle, qu'il ne peut juger les rois dans
le domaine temporel, ni les déposer, ni délier leurs sujets du devoir de fidélité ; b) que le concile
général est supérieur au pape ; c) que les anciennes libertés de l'Église gallicane sont inviolables ; d)
que le pape n'est infaillible qu'avec le consentement de l'Église universelle. » Cette Déclaration est
publiée comme loi d'État, enregistrée par le parlement et enseignée dans les collèges, les séminaires
et les universités. Innocent XI condamne cette doctrine et refuse l'investiture canonique aux
nouveaux prélats qui ont votés la Déclaration. C'est ainsi qu'en 1688, 35 évêchés français sont sans
titulaires. Une nouvelle condamnation intervient dans la Constitution Inter multiplices d'Alexandre
III, le 4 aout 1690. En 1693, Louis XIV et le pape trouvent un compromis. Le premier accepte de ne
plus faire enseigner les « Quatres Articles ». Le second cède sur la généralisation du droit de régale.
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Le règne de Louis XIV s'inscrit dans la tradition gallicane et dans la volonté d'unifier le royaume
sur tous les plans. C'est dans cette perspective que le jansénisme est combattu.
2. L'opposition au jansénisme, une nécessité pour la préservation de l'unité du royaume
Le jansénisme est un mouvement religieux fondé sur une conception pessimiste de la nature
humaine et de la prédestination, reprenant des thèmes similaires à ceux dont s'inspire la Réforme,
sans pour autant prétendre s'écarter du catholicisme. Le théologien néerlandais Jansénius en est
l'initiateur. Sa théorie est exposée dans l'Augustinus, parut en 1640 après sa mort. Ce mouvement
prend rapidement une allure de secte et se répand dans l'Église catholique au XVII° siècle. La
doctrine janséniste représente un risque pour l'unité du royaume pour deux principales raisons :
d'une part, elle semble rallier d'anciens Frondeurs qui apportent leur soutien aux jansénistes, et
d'autre part, elle divise les catholiques entre eux. L'abbaye de Port-Royal des Champs devient au
XVII° siècle, l'un des principaux foyer de rayonnement du jansénisme. Savants solitaires, laïcs et
prêtres se réunissent à Port-Royal et instituent dès 1638, des « Petites Écoles » qui se fondent sur
une pédagogie rationnelle et contribuent à la diffusion des idées jansénistes. Ces dernières
acquièrent une influence de plus en plus grande sur le monde catholique. Le père oratorien Pasquier
Quesnel devient en France l'une des principales figures du jansénisme, notamment en raison de son
ouvrage Réflexions morales.
En 1653, le pape Innocent X condamne le jansénisme dans le résumé de la doctrine en
« cinq propositions », dont l'attribution à Jansénius est contestée par les jansénistes. Cette
condamnation donne lieu à la rédaction d'un formulaire par la signature duquel tous les prêtres,
religieux et religieuses français sont sommés de désavouer la doctrine janséniste, à la demande de
l'Assemblée du clergé de France et de Louis XIV. Les religieuses de Port-Royal refusent de signer
le formulaire. Elles sont alors privées des sacrements en 1665. A la même date, quatre évêques
refusent également de signer. Devant une telle division des catholiques en France, le pape Clément
IX parvient à instaurer « la paix de l'Église » dès 1668. Toute polémique est donc évitée pendant
cette courte période, et les jansénistes se font remarquer par leur important travail intellectuel.
En 1701, l'attribution des « cinq propositions » à Jansénius est remise en cause et tend à
relancer les querelles et les divisions sur le jansénisme. Louis XIV voulant mettre fin à la sistance
janséniste, prend une série de mesures en ce sens : en 1706, l'abbaye de Port Royal des Champs se
voit refuser le droit d'accueillir des novices ; en 1707, les religieuses sont privées des sacrements ;
en 1710, les bâtiments sont rasés. Dans le même temps, le pape est intervenu : en 1708 et 1709 par
le décret de la suppression de Port Royal des Champs et l'ordre de dispersion des religieuses. En
1713, le pape condamne définitivement le jansénisme en le rangeant dans la catégorie des hérésies,
par la bulle Unigenitus.
Louis XIV a tenté de réprimer le jansénisme tout au long de son règne, en raison du risque
qu'il constitue pour l'unité religieuse et politique du royaume. De fait, les jansénistes ont semé le
trouble en divisant les catholiques entre eux, en ralliant les Frondeurs et en se rapprochant des
parlementaires opposés à l'absolutisme royal. La volonté du roi de réaliser l'unité religieuse du
royaume s'exprime dans la reprise de la lutte contre le protestantisme.
II. La reprise de la lutte contre le protestantisme
1. Des dragonnades à l'édit de Fontainebleau
Dans la première partie du règne de Louis XIV, les protestants se voient tolérer dans le
royaume, selon une application stricte des termes de l'édit de Nantes de 1598. La volonté royale,
encouragée par Louvois, tend à l'unification religieuse du royaume. Dès 1681, les protestants sont
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soumis à des vexations visant à les ramener à la foi catholique. Les soldats des régiments de
dragons sont logés chez les protestants afin d'obtenir leur conversion par l'adoption d'un
comportement insupportable, on parle des « dragonnades ». La méthode consiste à les pousser à
bout jusqu'à ce qu'ils abjurent leur foi protestante. Dans le Poitou, le bilan est de 37 000 conversions
en quelques semaines. Dans le Béarn, sur 22 000 protestants, il n'en reste que 1000.
Suite à la campagne des « dragonnades », le bilan des conversions laisse penser que les
protestants ont quasiment totalement disparu dans le royaume et que l'édit de Nantes n'a plus lieu
d'être. Certain de cette conclusion, Louis XIV décide de révoquer l'édit de 1598 par l'édit de
Fontainebleau, le 18 octobre 1685. Ce dernier édit bannit les pasteurs mais interdit aux fidèles de
s'enfuir du royaume. Par ailleurs, les écoles, le culte, et les temples protestants sont supprimés (sauf
en Alsace). Colbert qui reconnait l'importance des réformés dans le fonctionnement de l'économie
est mort en 1683. Il a ainsi laissé Louvois influencer le roi dans sa politique de répression à l'égard
des protestants, dont les conséquences sont désastreuses pour le royaume.
2. Les conséquences de la répression à l'égard des protestants
Environ 200 000 protestants s'exilent en Hollande et en Prusse, ou ils sont accueillis par leur
coreligionnaires. Cela constitue un apport intéressant pour les pays voisins de la France qui voient
venir sur leur territoire des officiers, des industriels, des commerçants, des artisans et des
agriculteurs : des hommes porteurs d'un savoir ou d'un savoir faire qui vient qu'améliorer leur
situation économique. Inversement, le royaume de France se voit affaibli par cette exode et montré
du doigt par les grandes puissances protestantes : l'Angleterre et les Provinces-Unies.
En réaction à l'édit de Fontainebleau, une partie des protestants choisit la révolte. C'est ce
qui se passe dans les Cévennes et le Bas Languedoc, ou le mouvement populaire et paysan des
camisards s'insurge contre le pouvoir royal et sème le trouble de 1702 à 1705. Les camisards
rassemblent entre 3 et 4 000 combattants et en viennent à mobiliser 10 000 hommes de l'armée,
alors que la France est engagée dans la Guerre de succession d'Espagne. Le maréchal de Villars,
nommé pour régler l'affaire des camisards, parvient à faire cesser la révolte grâce à des
négociations. Jean Cavalier, l'un des principaux meneurs de l'insurrection, se soumet à Nîmes en
1704. Finalement, alors que la lutte contre le protestantisme devait unifier le royaume, elle constitue
des foyers de révoltes contre la monarchie absolue et contre la politique de Louis XIV.
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