2
1994 ; Andofalto, Labbé 2006) sur le sujet oppose habituellement plusieurs modèles : le
modèle trade-unionist où le syndicat crée un instrument politique à son service ; le
modèle social-démocrate où parti et syndicat sont complémentaires chacun dans son
arène d’appartenance ; le modèle léniniste où le syndicat est la courroie de transmission
du parti ; enfin le modèle « pansyndicaliste » dominant historiquement en France et
réaffirmé dans la charte d’Amiens où, au-delà de l’indépendance réciproque des actions
conduites par le syndicat et le parti, « l’organisation corporative prenait en charge toute
l’expression de la classe ouvrière par ses luttes immédiates et par la révolution à venir
grâce à la grève générale » (Mouriaux 1986 p. 59).
En choisissant de travailler sur les cas français et allemands, nous proposons de
réfléchir à une comparaison qui met en perspective les trajectoires de deux modèles de
syndicalisme. Pour le modèle français, il existe deux temporalités et deux ordres de lutte.
Un ordre de lutte lointain, inscrit dans une perspective révolutionnaire, centré sur des
finalités politiques et un ordre de lutte proche, inscrit dans le quotidien de la condition
ouvrière, sur laquelle il faut agir ici et maintenant. Le modèle social-démocrate s’efforce
d’articuler objectifs proches et lointains. Le socialisme comme socialisation des moyens
de production est l’objectif central qui doit être atteint par des moyens légaux. Les luttes
syndicales doivent contribuer à l’affirmation et à la consolidation du projet socialiste,
mais elles doivent apporter aux ouvriers une amélioration continue de leur condition
quotidienne.
Le second choix auquel nous procédons dans cette contribution consiste à traiter
de l’organisation des rapports de pouvoir entre travail et capital dans l’entreprise. Cet
enjeu permet de rendre visible la multiplicité des arènes de confrontation entre capital et
travail, entre patronat et syndicats, mais aussi entre l’univers du politique et celui des
luttes syndicales. Ces enjeux renvoient aux formes de la représentation des salariés dans
l’entreprise, à leurs droits d’informations, de protection, aux diverses formes
d’association des salariés à la décision dans l’entreprise ou encore aux rapports avec les
gestionnaires de l’entreprise.
Pour saisir de façon comparative, les dynamiques d’institutionnalisation dans nos
deux cas, il nous semble indispensable de déterminer une grille d’analyse commune
organisée autour de trois éléments. D’abord, notre réflexion s’est centrée sur les acteurs
porteurs des revendications et des luttes. Ensuite, nous nous sommes intéressés aux
enjeux, à leurs formulations et problématisations. Enfin, nous considérons précisément
les lieux de la confrontation, que cette dernière prenne la forme de luttes sociales ou de
délibérations ou confrontations politiques. Ces différentes dimensions renvoient aux
catégories actuelles de l’analyse de l’action publique puisqu’elles évoquent des acteurs
sociaux de différents ordres (i), des idées, discours, débats publics ou catégories
opérationnelles qui donnent lieu à des formes d’institutionnalisation (ii) et qu’elles
évoquent enfin des arènes de confrontation qui renvoient à des institutions, mais plus
encore à des styles et formes de confrontation, à des types d’enjeux et à des forces
sociales et politiques bien précises (iii).
Dans le cas qui nous concerne, les acteurs pertinents sont divers. Il s’agit bien sûr
de représentants syndicaux ou patronaux, de représentants et membres des partis
politiques, d’acteurs ministériels ou publics, ou encore de membres de réseaux politiques
ou sociaux. Ces différents acteurs sont porteurs de discours, idées et alimentent des
débats publics qui forment des enjeux de lutte ou de confrontation. Ces activités de lutte