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PhænEx
l’éducation. Il y en a d’autres, et on pourra en outre vouloir ajouter à cette
liste des auteurs qui sont parfois, mais pas toujours, associés à la tradition
philosophique, comme Rabelais ou Ivan Illich.
D’autre part, il existe aussi, toujours dans la tradition occidentale, un
certain nombre d’auteurs qui sont d’abord connus pour être des
innovateurs en pédagogie, mais dont le travail prend solidement appui sur
des fondements philosophiques, c’est-à-dire sur une vaste et synthétique
conception de ce qu’est et de ce que doit être l’éducation, et qui est même
incompréhensible sans elle. Ces œuvres hybrides, appartenant à la fois à la
pédagogie ou la didactique et à la philosophie de l’éducation, ne sauraient
être négligées par les philosophes, non seulement parce qu’elles ont, pour
certaines d’entre elles au moins, exercé une profonde influence, mais aussi
parce qu’elles articulent des positions philosophiques en donnant à en
contempler les tenants théoriques et les aboutissants pratiques.
Des auteurs comme Isocrate, Quintilien, Comenius, J. H. Pestalozzi,
F. Fröbel, Russell (qui, comme on sait, en plus d’écrire sur l’éducation en
philosophe, posséda et dirigea une école), A. S. Neil, et E. D. Hirsch sont
des penseurs ayant apporté ce type de contribution au domaine qu’on
aurait grand tort de ne pas connaître si on souhaite faire sérieusement de la
philosophie de l’éducation. Toutefois, il existe aussi quelques philosophes,
peu nombreux il est vrai, qui ont fait de l’éducation un objet de réflexion
privilégié, et chez qui elle occupe une place prépondérante. C’est le cas,
par exemple, d’un auteur autrefois très influent en éducation et en
psychologie, et qu’à mon avis on a le grand tort de ne plus lire
aujourd’hui : Johann Friedrich Herbart.
Néanmoins, il est généralement reconnu que trois noms, auquel j’en
ajouterai un quatrième, dominent cette tradition : Platon, J.-J. Rousseau, J.
Dewey et R. S. Peters. Je présume que si les trois premiers noms sont
connus de tous, le dernier l’est moins, ou pas du tout, ce qui est un indice
de quelque chose ce que je veux déplorer ici — mais j’aurai l’occasion d’y
revenir. Ce que chacun de ces auteurs met en jeu est ce que je propose
d’appeler une vision synthétique et cohérente de l’éducation, par quoi
j’entends une compréhension de sa nature, de ses fins, de ses moyens
propres et des modalités de sa distribution.
J’ai suggéré, par commodité, de présenter une telle vision de
l’éducation comme s’articulant sur la triple base cohérente d’une
épistémologie, d’une anthropologie et d’une théorie politique, toutes trois
déployées sur un plan normatif. Il est généralement admis de nommer ces
visions de l’éducation proposées par Platon, Rousseau et Dewey ses
modèles libéral, romantique et instrumentaliste, respectivement. Ce triple
héritage, s’il n’est pas entièrement oublié, est à des degrés divers méconnu
et négligé au Québec, aussi bien en sciences de l’éducation qu’en