PRESENTATION SIMPLIFIEE DE L’ISLAM
proposée
par
BERTRAND BINNENDIJK
Extrait amendé du mémoire de licence de droit canonique
« L’Eglise catholique au Maroc ;
l’Accord de 1983 entre le Roi Hassan II et le Pape Jean-Paul II »
Présenté et soutenu publiquement le mercredi 21 novembre 2012
A l’Institut catholique de Paris
Faculté de droit canonique
Avertissement
Faire une présentation simplifiée de l’islam en une vingtaine de pages relève de la gageure
absolue.
Même fondée sur des auteurs reconnus, cette présentation ne saurait qu’effleurer le sujet
aussi vaste et complexe que peut représenter une religion à vocation universelle, vieille de
quatorze siècles, qui tend à organiser la vie individuelle et collective de près d’un milliard
d’individus, dans toutes ses dimensions, non seulement spirituelle, mais également familiale,
économique, sociale et politique.
C’est la raison pour laquelle ce document ne vise qu’à poser des points de repère essentiels,
qui structurent la société islamique, en éclairent les aspects principaux, mais sans prétendre
à une exhaustivité impossible à atteindre.
Il est un point en particulier qui ne peut être abordé ici : la manière dont les musulmans
vivent leur foi intérieurement. Si l’analyse des textes sacrés permet d’en comprendre les
conséquences juridiques sur l’organisation de la société musulmane, la recherche s’arrête au
seuil du Mystère de la relation que tout être humain, quelle que soit sa religion, entretient
avec son Dieu en son for intérieur.
Nous citerons simplement la 1
ere
sourate du Coran - AL-FATIHA -(PROLOGUE), qui nourrit la
foi des croyants musulmans quotidiennement :
1. Au nom d'Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux.
2. Louange à Allah, Seigneur de l'univers.
3. Le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux,
4. Maître du Jour de la rétribution.
5. C'est Toi [Seul] que nous adorons, et c'est Toi [Seul] dont nous implorons secours.
6. Guide-nous dans le droit chemin,
7. le chemin de ceux que Tu as comblés de faveurs, non pas de ceux qui ont encouru Ta colère, ni des
égarés.
Ce document n’a pas d’autre ambition que d’inciter le lecteur à approfondire ses
connaissances de cette religion. Une courte bibliographie est proposée à cet effet.
2
Pour entrer maintenant dans le vif du sujet, et pour vous aider à vous mettre dans la peau
d’un musulman, je vais énumérer sept points qui s’enchaînent en cascade et qui,
consciemment ou non, constituent autant d’évidences dans la société musulmane. Ces
points me paraissent essentiels, comme autant de balises pour éclairer mon propos.
En islam, Dieu est le législateur suprême. L’islam est donc une religion de la Loi.
Par conséquent, en islam, religieux et temporel sont indissociables. En islam, tout
est religieux.
Comme en islam, religieux et politique sont fondus et mêlés dans une seule
réalité, cela exclut toute sphère privée, donc toute initiative personnelle et toute
forme de liberté religieuse.
Cela explique qu’en islam, les seuls régimes politiques sont soit des théocraties,
soit des régimes autoritaires.
L’Umma, ou Communauté des croyants, à très forte connotation identitaire, est
supérieure et s’impose à la notion de nation.
L’islam est une religion la violence, physique ou morale, peut être un moyen
normal d’expansion.
L’islam, c’est un droit figé depuis le X
ème
siècle.
Après avoir procédé à une présentation générale de ce qu'est l'islam dans ses
grandes lignes (A), j’en aborderai différents aspects juridiques (B).
* *
A. PRESENTATION GENERALE DE L'ISLAM
Le sujet étant immense et la bibliographie considérable
1
, et au risque d'être
schématique, je vais limiter notre étude de l'islam à ses caractéristiques essentielles.
Le Coran, la sunna (Tradition) et la charî'a (Loi islamique) constituent les textes
essentiels de l'islam. La Sunna, ou Tradition prophétique, se compose de tous les hadith-s,
qui sont les propos, récits, silences, attribués au Prophète et recueilli par son entourage
proche. On en compte plus de cinq cent mille, qui ont fait l'objet d'un classement par ordre
chronologique et de fiabilité.
Cependant, ces textes « ont connu des interprétations et des applications fort
diverses en fonction même des circonstances de temps et de lieu, des contextes de langue et
de culture, et des rivaux à combattre et à vaincre »
2
.
Il en résulte que, s’il n’existe bien qu’un seul islam, il y a plusieurs manières de
l’approcher. Schématiquement, on peut parler d’une approche « fondamentaliste »,
particulièrement attachée à ses valeurs religieuses traditionnelles
3
, une approche réformée,
1
Voir la bibliographie jointe. On lira plus particulièrement Louis GARDET , L’islam, religion et communauté, Paris, DDB, 1967,
(6
e
édition en 2002), 496 p.; Maurice BORRMANS, Dialogue islamo-chrétien à temps et à contretemps, Versailles, Éditions Saint Paul,
2002, 255 pages; L'introduction de Le Coran, traduit par D. Masson, Paris, Gallimard, 1967; Jean-Luc MONNERET,
Les grands thèmes du
Coran, Paris, Dervy, 2003, 725 p. ; Pierre RAFFIN, « A la rencontre de l’islam », in La D.C., Hors série, mars 1995, pp.10-21.
2 Maurice BORRMANS, Dialogue islamo-chrétien à temps et à contretemps, Versailles, Éditions Saint Paul, 2002, p. 24.
3 Cette approche, qui semble être majoritaire aujourd'hui, se transmet à travers les écoles et grandes universités coraniques, telles que al-
Azhar au Caire, ou la Qarawiyyin, à Fès, au Maroc. S'appuyant sur le mécontentement des masses, elle pratique une lecture « littéraliste »
3
pragmatique, qui cherche à dégager l'islam des agrégats historiques pour retrouver des
principes religieux et moraux adaptés aux temps, et, enfin, une approche sécularisée, qui
cherche à libérer la religion de l'influence des « religieux », pour mieux épouser les idées de
progrès et de justice
4
. Cette différenciation est source de contradictions et de conflits infra-
islamiques. Avec la fin de la colonisation, les communautés musulmanes ont cherché à
s'organiser et à se regrouper au sein d'organisations supra nationales
5
.
Pour ce faire, je commencerai par présenter le Coran dans ses grandes lignes (1),
avant de nous pencher plus en détail sur la perception qu'a l'islam des croyants
monothéistes non musulmans (2).
* *
1. LE CORAN
Islam et Coran
6
sont indissociables. Texte « incréé », dicté directement par Dieu au
Prophète
7
, « instrument passif de la Révélation »
8
, avec pour mission impérieuse de le faire
connaître au monde, le Coran constitue à la fois la source originelle de l'islam et sa loi
éternelle et imprescriptible. Livre sacré des Musulmans, « le texte coranique est un
sacrement: il apporte la grâce de le croire. Sa naissance fut un miracle »
9
. où, pour les
Chrétiens, Jésus est la Parole éternelle, le Coran revêt quant à lui, la « forme parfaite de la
Parole divine »
10
, ce qui le rend intouchable. Son acceptation en tant que Parole de Dieu
prime sur toute imitation du Prophète.
Après avoir rappelé les origines historiques du Coran (a), je dirai quelques mots sur
Mahomet (b) avant d'en présenter les points fondamentaux (c).
a. Les origines historiques de l'islam
Mahomet est à la Mecque, capitale du Hedjaz, vers 570 et mourut à Médine en
632. Issu de la famille des Hachémites, et de la puissante tribu des Quraïch, il est donc pétri
de la culture arabe fondée sur la sagesse du désert, le nomadisme, le commerce, le sens de
l'honneur et de l'hospitalité, toutes valeurs et traditions ultérieurement intégrées dans la
religion musulmane.
Les Arabes étaient alors idolâtres et polythéistes et la Mecque était déjà un lieu de
pèlerinage en raison de la présence de la Ka'ba, ou cube qui faisait fonction de lieu
d'adoration des dieux, et de la Pierre noire. Les pratiques cultuelles antérieures furent
maintenues par le Prophète après l'avènement de l'islam, mais les idoles furent détruites.
des textes. Les « Frères musulmans » s'inscrivent dans cette mouvance idéologique.
4 C'est la tendance des nationalismes post-coloniaux, tel qu'il fut pratiqué dans l'Égypte de Nasser, ou dans la Turquie d'Ataturk. Elle
promeut un islam plus « laïque » et respectueux des autres cultes.
5 On citera: le Congrès du monde musulman (1926), La Ligue des États arabes (1945), La ligue du Monde islamique (1962), basée à la
Mecque », et qui a pour vocation de propager la foi musulmane, et l'Organisation de la Conférence islamique, fondée à Rabat (Maroc), en
1969. Cette dernière était présidée par Hassan II lorsque ce dernier vint rencontrer le Pape à Rome en 1980.
6 Les références aux sourates, que celles-ci soient simplement évoquées ou citées in extenso, sont données entre parenthèses.
7 Même si la transcription en Français du nom du Prophète revêt des formes différentes, nous nous référerons à lui sous le seul nom de
« Mahomet ».
8 D. MASSON, L'introduction de Le Coran, traduit par D. Masson, Paris, Gallimard, 1967, p. XVII.
9 J. GROSJEAN, Préface de Le Coran, traduit par D. Masson, Paris, Gallimard, 1967 Paris, Gallimard, 1967, p. X..
10 D. MASSON, op. cit., p. XVII.
4
Dans le Hedjaz vivaient également des communautés juives et chrétiennes.
Les principales étapes de la vie du Prophète, consubstantielles au développement de cette
religion peuvent se résumer ainsi:
- Orphelin vers cinq ou six ans, Mahomet est élevé par un oncle. Entré au service d'une
jeune et riche veuve plus âgée que lui, du nom de Khadija, il l'épouse et aura d'elle
quatre filles
11
.
- C'est à l'occasion d'une retraite dont la Tradition le dit avoir été coutumier, dans les
cavernes du mont Hira, à proximité de la Mecque, que Mahomet reçoit sa première
révélation qui constitue la sourate XCVI du Coran.
- Sa femme est la première « croyante » de la nouvelle religion, dont le premier cercle se
constitue difficilement. L'hostilité des Mecquois (VIII, 30), à commencer par celle de sa
propre famille, l'oblige, en 622, à quitter sa ville natale pour aller s'installer à Médine qui
le reconnaît pour son chef et adhère à l'islam. C'est l'An I de l'hégire
12
qui marque le
début officiel de la nouvelle religion et sert donc de référence au calendrier musulman.
On distingue donc la période mecquoise et la période médinoise.
- Médine devient désormais la ville du Prophète. L'islam est à un tournant majeur de sa
jeune histoire, car il dispose désormais d'une base de départ pour les conquêtes à venir.
« Au lien du sang qui fondait toute la vie tribale, va se substituer le lien du pacte religieux,
librement consenti »
13
. Les croyants constituent désormais une communauté de frères
(XVIX, 10). De prophète, Mahomet devient également chef politique de la communauté
nouvelle et, à ce titre, il assume les responsabilités de législateur, de juge et de chef
militaire
14
.
- Après une succession de batailles, gagnées ou perdues, Mahomet réussit à revenir
victorieusement à la Mecque dont la majeure partie de la population embrasse alors la
nouvelle religion.
- L'Arabie tout entière devient musulmane. Suite à une ordalie qui a tourné en leur
défaveur, des chrétiens nestoriens passent un pacte qui permet le maintien de leur culte
en échange du paiement d'un tribut
15
. C'est le début de la dhimmitude.
- En 632, Mahomet accomplit un dernier pèlerinage officiel à la Mecque qui « consacre le
triomphe définitif de l'islam sur le polythéisme: la Communauté des croyants, la 'Humma,
peut dès lors se lancer à la conquête du monde »
16
.
- Mahomet meurt le 8 juin 632. Ses successeurs vont poursuivre son œuvre en pénétrant
l’Europe, jusqu'au coup d'arrêt porté par Charles Martel, à Poitiers en 732, cent ans à
peine après la mort de Mahomet. A la suite d'une conquête aussi foudroyante que
victorieuse qui ne manqua pas de marquer les esprits, l'essentiel du Proche et du
Moyen-Orient d'aujourd'hui se convertit à l'islam, exporté également vers l'Inde et la
Chine.
11 L'une d'entre elles, Fatima, épousera Ali, qui, suite à une guerre de succession, donnera naissance au schisme chiite, présent aujourd'hui
essentiellement en Iran, Iraq, Liban et Royaume de Bahrein.
12 La date officielle retenue en 637 par le calife Omar est le 16 juillet 622.
13 Louis GARDET, cité par D. MASSON, op. cit., p. XXVIII.
14 A cet égard, on notera l'analogie avec les pouvoirs du Roi du Maroc, très étendus, à la fois religieux et politiques. C'est une des grands
caractéristiques de l'islam que de ne pas séparer les différents pouvoirs, tout étant soumis à Dieu dès cette terre.
15 Voir la hadith « La conversion des chrétiens de Najrân (631) » in IBN HICHÂM, La biographie du prophète Mahomet, traduit et
commenté par Wahid Atallah, Paris, Fayard, 2004, pp. 392-394.
16 D. MASSON, op. cit., p. XXXII.
5
- Liées à des querelles de succession, des sectes voient le jour, dont la plus importante est
le chiisme, qui se réclame d'Ali, gendre du Prophète et époux de sa fille préférée
Fatima
17
.
b. La personnalité de Mahomet
La description de la personnalité du Prophète figure dans le Coran lui-même,
telle que Dieu l’a dictée à son « envoyé ». Elle a aussi pour origine des témoignages de sa vie
rapportés par les proches de Mahomet, les fameux hadith-s. Ces sources, qui le parent de
toutes les vertus, sont donc forcément apologétiques. Il est présenté comme pieux, juste,
bon, équitable, humble et simple, énergique et courageux. Il exige de la part de ses
disciples: respect, confiance et obéissance aveugle. Se disant guidé par Dieu, Mahomet est
l’apôtre ardent d'un monothéisme sans équivoque, profondément respectueux de la
Révélation qui est descendue sur lui. Dieu le conduit sur la voie droite et lui inspire les
pratiques religieuses qui sont encore imposées à tous les musulmans notamment la
récitation du Coran et la prière.
Au plan de sa vie privée, après la mort de Khadija, en 622, il pratiqua la polygamie et,
officiellement au moins, il n'eut que quatre femmes, conformément aux prescriptions du
Coran ((XXXIII, 51).
Très important pour ce qui concerne les relations avec les juifs et les chrétiens, la
sourate XXIII, 40 le présente comme le sceau des prophètes, c'est à dire « le dernier en date
et le meilleur des prophètes; celui qui clôt l'ère de la prophétie et qui a été envoyé pour
fonder la religion parfaite (XLVIII, 28) »
18
.
Les ennemis politiques et religieux de la nouvelle religion, les convertis de l'islam au
christianisme, ou encore les historiens soucieux de vérité
19
font une lecture très différente
des mérites supposés de Mahomet, aussi bien comme « Prophète » que comme personne
privée. Certains n'ont pas hésité à accuser celui-ci d'avoir même créé le Coran de toute
pièce. Il n'est pas dans l'objet de cette présentation d'entrer dans cette polémique. Seule
compte en effet la perception que les Musulmans ont de leur Prophète et du Livre que Dieu
lui a confié, car, c'est cette perception que conditionne leur foi et leurs comportements.
c. Les points essentiels du Coran
20
En arabe, Qur'an (Coran) signifie « lecture » ou « récitation ». Il comporte 114
sourates, eux-mêmes composés de versets « dont la descente du Ciel est considérée comme
un don céleste et miraculeux ».
17 Après les schismes initiaux entre sunnites, chiites et khârijites, qui virent le jour peu après la mort du Prophète, les sunnites se sont eux-
mêmes sub-divisés entre les écoles hanafite, chaféite, hanbalite et malékite. C'est cette dernière qui est dominante en Afrique du Nord.
Intransigeant à l'égard des dissidents de l'islam, le Malékisme admet aussi comme source du droit la coutume de Médine, et elle a introduit le
principe de l'utilité générale comme critère de discernement (voir Maurice BORRMANS, op. cit., p. 28).
18 Idem, p. XXXVIII.
19 Dans cet esprit, on lira avec intérêt René MARCHAND, Mahomet, Contre-enquête, Editions de l’Echiquier, Paris, 2006, 507 p.
20 Pour approfondir le sujet, voir François-Paul BLANC, Le droit musulman, Coll. Connaissance du droit, Dalloz, Paris, 1995, pp. 7-14 ;
Mohamed CHARFI, Islam et liberté, Albin Michel, Paris, 1998, pp 63-98 et 104-135 ; Noël J. COULSON, Histoire du droit islamique, Coll.
Islamiques, P.U.F., Paris, 1995, pp. 85-115 et 157-173 ; Nael GEORGES, Les droits des minorités. Le cas des chrétiens en Orient arabe,
Coll. Droit et religion, Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2012, pp. 107-112 ; Henri de WAËL, Le droit musulman :
nature et évolution, Paris, C.H.E.A.M., 1989, coll. Notes africaines, asiatiques et caraïbes, pp. 32-35 ;
Louis MILLIOT et François-Paul
BLANC, Introduction à l’étude du droit musulman, Paris, Dalloz, 2
ème
éd., 2001, pp. 77-159.
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