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OUTILS POUR L’ÉGALITÉ ENTRE LES FILLES ET LES GARÇONS À L’ÉCOLE
FÉMININMASCULIN EN PHILOSOPHIE
Cela permet de comprendre que les problématiques proposées ici sont surtout centrées sur la pensée
du féminin, parce qu’il y a réellement un vide à combler sur ce point. Penser le féminin permet de
poursuivre et d’approfondir, en les distinguant, la réflexion sur le masculin et sur l’homme en général.
Ce premier constat mérite bien entendu d’être nuancé. La philosophie contemporaine ouvre la porte
d’une part à une pensée conduite par des femmes et d’autre part à une élaboration théorique du
féminin, ces deux champs devant être bien entendu distingués. Simone de Beauvoir, en tête, pose
les fondements de cette réflexion, mais pas au point de lui permettre d’entrer dans les auteurs du
programme. On peut également penser à l’analyse de la domination masculine par Bourdieu. Enfin,
on trouve de nombreux textes qui abordent ce sujet dans la philosophie classique (voir ci-après) mais
pour autant, ce n‘est pas cet aspect qui est habituellement mis en avant.
Malgré cela, la difficulté à reconnaître que le féminin, et donc le masculin, est une question philoso-
phique légitime subsiste et met en évidence un problème qui est, lui, proprement philosophique. La
philosophie, telle que Socrate nous a appris à en faire, se fixe comme tâche de repérer, d’analyser et
de dépasser les préjugés, les opinions, la doxa, les stéréotypes, afin de s’approcher autant que faire se
peut de la vérité. Or, les préjugés concernant les femmes et les hommes, leur place et leur rôle social
et politique, leurs rapports, leur valeur, n’ont presque pas été considérés ni même présentés comme
des préjugés. La liste est longue, et assez drôle en un sens, des remarques de philosophes qui disent
le peu de considération qu’ils ont pour les femmes. Tout se passe comme si, implicitement et sans
que cela ne soit interrogé, le masculin était la norme. On pourrait avancer que, si la philosophie n’a
pas créé les stéréotypes, elle ne les a pas non plus neutralisés.
Tout ceci explique sans doute en partie que l’analyse des programmes officiels de philosophie ne fasse
pas apparaître explicitement ces notions, ce qui a pour conséquence de faire reposer son examen sur
la seule volonté de l’enseignant-e. Il y a donc un véritable enjeu intellectuel à regarder l’enseignement
de la philosophie à travers ce prisme parce que les préjugés sur le masculin et le féminin sont encore
très puissants et leurs conséquences très actuelles. L’objectif n’est pas de chercher à faire disparaître
les stéréotypes, tâche impossible puisque nous ne pouvons pas penser sans ces raccourcis. Mais le but
est bien ici, par «l’exercice réfléchi du jugement2» et «une culture philosophique initiale3» dedéve-
lopper chez les élèves un esprit critique qui leur permette d’identifier les stéréotypes du féminin et du
masculin et de leur donner les moyens, les outils et les pistes pour en mesurer l’impact et, peut-être,
parvenir à les identifier, les contrôler et les dépasser.
Puisqu’il ne sert donc à rien de contempler l’absence, il importe plutôt de trouver, dans les notions,
dans les repères et dans les textes, des pistes pour penser le féminin et le masculin, et formuler certains
des problèmes qui se posent: existe-t-il une pensée sexuée? Peut-on penser le féminin et le masculin
en parallèle et de façon symétrique? Ou bien faut-il établir des catégories propres à chaque sexe?
2 Instruction officielles, JO du 6 juin 2003.
3 Idem.