Comment se forment les nuages ? L'expérience du nuage dans une bouteille Camille Risi, Jean-Louis Dufresne, Jean-Yves Grandpeix, Sonia Labetoulle, Geneviève Sèze, Aymeric Spiga But pédagogique : mettre en évidence comment se forment les nuages Public : du CE2 à l'Université : discours adaptable Matériel nécessaire : une bouteille dans laquelle on peut faire varier la pression. Un faisceau de lumière. Allumettes. Site internet : http://www.ipsl.fr/fr/Pour-tous/Espace-pedagogique/Faire-un-nuage-dans-une-bouteille Le but de cette expérience est de comprendre comment se forment les nuages. Pour cela, on forme un « nuage » dans une bouteille. Cette expérience peut convenir pour les primaires, qui apprécient son côté spectaculaire, même s'ils ne maitrisent pas toutes les notions physiques sous-jacentes. Elle peut aussi convenir aux collégiens, aux lycéens et étudiants du supérieur, en classe ou dans le cadre de TPEs ou TIPEs, et au grand public lors de manifestations scientifiques. L'exploitation pédagogique est très adaptable au niveau du public. Montage et déroulement de l'expérience Plusieurs montage de bouteilles existent et nous en présentons ici deux (figure 1), le premier étant le plus simple à réaliser, le second étant le plus simple à utiliser : 1) Montage artisanal : deux bouteilles de soda sont assemblées par leur bouchons de manière hermétique. Les bouchons sont collés ensembles et sont percés d'un trou pour permettre le passage de l'air entre les bouteilles. La bouteille inférieure est celle où on visualise le nuage ; la bouteille supérieure sert, par écrasement, à provoquer la compression et, par relâchement, la détente nécessaires à la formation du nuage. 2) Montage avec tensiomètre médicale: un tensiomètre médicale est fixé sur le bouchon via un tuyau flexible. La poire du tensiomètre sert à faire monter la pression, et la soupape à provoquer la détente. Un montage du même type existe avec une pompe à vélo et une valve montée sur le bouchon, mais à l'usage celle que nous proposons est plus facile d'usage, plus fiable. Une description plus détaillée de ces montages est accessibles via: http:// Figure 1 : Gauche : montage avec une bouteille en verre et son bouchon équipé d'un manomètre, d'une soupape et d'une poire provenant d'un tensiomètre médicale. Droite : montage avec les deux bouteilles de soda reliées entre elles par deux bouchons collés entre eux et percés. Pour voir le nuage, la bouteille doit être traversé par un faisceau de lumière. Il peut consister en un diapo-projecteur, un vidéo-projecteur ou une lampe torche à LED assez puissante. Il faudra être dans un lieu sans lumière directe du soleil, et si possible pas trop éclairé. Le nuage se verra le mieux en s'écartent légèrement de l'axe du faisceau, de fasse ou de dos, et il ne faut pas hésiter à essayer plusieurs angles de vue (figure 1). Pour créer le nuage : - Mettre un fond d'eau à température ambiante dans la bouteille à nuage, suffisamment en avance pour l'ensemble soit à température uniforme. - Augmenter la pression dans la bouteille, en appuyant sur la bouteille du haut pour le montage artisanal, ou en pompant avec la poire pour le montage avec le tensiomètre médicale. - Agiter un peu pour mettre les températures à l'équilibre et pour supprimer la buée éventuellement présente sur les bords de la bouteille. - Diminuer la pression (en relâchant la bouteille ou en dévissant la visse de la soupape, selon le montage) : le nuage se forme alors. On voit les gouttelettes en suspension qui tourbillonnent, puis sédimentent lentement sous forme d'une bruine. - Renouveler autant de fois que désiré. Pour rendre le nuage formé plus visible, on pourra ajouter un peu de fumée (cf. ci-dessous) Exploitation pédagogique L'exploitation de cette expérience dépend du niveau du public. Avant tout, il convient de rappeler qu'un nuage est formé de gouttelettes d'eau ou de cristaux de glace en suspension. La vapeur d'eau, quant à elle, est invisible. Pourquoi un nuage se forme-t-il lorsque la pression dans la bouteille diminue ? L'explication contient deux étapes : premièrement, lorsque la pression diminue, la température diminue. Deuxièmement, lorsque la température diminue, la vapeur d'eau se condense sous forme de gouttelettes. Ceci forme le nuage. Première étape : La température d'un gaz peut diminuer lorsqu'on lui prend de l'énergie, et une façon de le faire est de baisser sa pression (on lui prend de l'énergie mécanique). C'est ce qui se passe dans le cas de notre bouteille. La même chose se passe avec l'air de la bombe à chantilly qui devient froide lorsque l'on s'en sert même si la bombe ne sort pas du réfrigérateur ! Ou, inversement, avec l'air de la pompe à vélo qui est chaud car il est comprimé. Pour les petits, on peut expliquer avec les mains le lien entre pression et température. Pour les grands, cela s'appelle une détente adiabatique. Deuxième étape : à température et pression ambiante, l'eau peut-être sous forme liquide (gouttelettes nuageuses) ou sous forme gazeuse (vapeur d'eau invisible). La quantité maximale d'eau qui peut être sous forme gazeuse dépend de la température et cette relation, dite de Clausius-Clapeyron, sera détaillée dans un prochain article. Lorsque cette valeur maximale est atteinte on dit que l'on est à la saturation. Ainsi, lorsque l'on part d'une situation proche de la saturation, une baisse de la température entrainera la condensation d'une partie de la vapeur sous forme de gouttelettes d'eau, comme dans les nuages. C'est ce qui se passe lorsque l'on baisse la pression, et donc la température, dans la bouteille. Analogie avec les nuages dans la nature Et dans la nature, comment se forment les nuages ? On peut prendre l'exemple des nuages de beau temps, dit cumulus (figure 2a). Lorsqu'il fait beau en été, le sol chauffe et atteint sa température maximale dans l'après-midi. Les parcelles d'air réchauffé par la surface sont moins denses que l'air environnent et s'élèvent. En montant, la pression diminue car la pression à une altitude donnée est associée au poids de la colonne d'air au dessus de cette altitude. La diminution de pression conduit à la diminution de température, et donc à la condensation de la vapeur d'eau lorsque l'on atteint la saturation, comme dans la bouteille. Le nuage se forme alors au sommet de l'ascendance d'air. C'est pourquoi il y a souvent des cumulus les après-midi des jours de beau temps en été. Si l'atmosphère est particulièrement instable ce jour là, la parcelle d'air peut monter beaucoup plus haut, jusqu'à 10-15km d'altitude. Il se forme alors un nuage sur toute l'ascendance qu'on appelle cumulonimbus (figure 2b). Cela correspond à un nuage d'orage, qui se développe souvent en fin d'après-midi l'été. Figure 2 : comment les nuages se forment-ils dans la réalité ? Gauche : formation des nuages de beau temps. A droite : lorsque l'ascendance continue, le nuage peut devenir un orage (à droite). Effet des aérosols Cette expérience peut aussi permettre d'aborder le rôle des aérosols (ou poussières) sur les propriétés des nuages. Pour rajouter des aérosols dans la bouteille, allumer une allumette ou un bâton d'encens et faire entrer un peu de fumée dans la bouteille. Pour enlever les aérosols, répéter l'expérience de formation des nuages plusieurs fois, de façon à ce que la «pluie » dans la bouteille lessive les aérosols. Quand la concentration en aérosols est faible (exemple : comme dans l'air ambiant), les gouttelettes sont suffisamment grosses pour être visibles à l'œil nu (figure 3a). Les gouttelettes sédimentent assez rapidement sous l'action de leur poids. Au contraire, quand la concentration en aérosols est élevée, les gouttelettes sont beaucoup plus fines, même microscopiques. Le nuage dans son ensemble est beaucoup plus brillant. On voit se former de fins filaments d'air plus ou moins nuageux qui matérialisent les mouvements de convection dans le nuage (figure 3b). Ces différences s'expliquent par le fait que les gouttes se forment plus facilement autour de noyaux de condensation, et les aérosols en sont. Ainsi, plus il y a d'aérosols, plus il y a de gouttelettes qui se forment. Le nombre de gouttelettes plus élevé explique que le nuage soit plus brillant. Mais comme la quantité d'eau condensée reste constante, chaque gouttelette est alors plus petite. Dans la nature, les aérosols naturels ou émis par les activités humaines peuvent agir sur les propriétés nuageuses. Plus d'aérosols pourraient conduire à des nuages plus réfléchissants qui pourraient refroidir la Terre. Plus d'aérosols pourraient aussi réduire la pluie. Toutefois, les rétroactions entre nuages et aérosols sont complexes et le rôle des aérosols sur le climat est encore incertain. Néanmoins, au premier ordre, la formation et les propriétés des nuages dépendent avant tout de la circulation atmosphérique: ascendance de l'air, mélange de masses d'air, refroidissement radiatif, etc. Prolongement: Dans le langage courant, les gouttelettes d'eau qui se forment dans l'air sont parfois appelé « vapeur » (par ex. on parle de « vapeur » au-dessus d'une casserole, alors que ce sont des gouttelettes d'eau que l'on voit). De plus, le fait que l'air ambiant contienne de la vapeur d'eau n'a rien d'évident, et une expérience très simple permet de montrer cette présence. Il suffit de prendre un bouteille d'eau qui sort du réfrigérateur, bien froide. On voit apparaitre très rapidement des gouttelettes d'eau qui se forment sur la bouteille. En effet, l'air au contact avec la bouteille se refroidit et lorsque la saturation est atteinte, de la vapeur d''eau se condense sur la bouteille, là où la température est la plus basse. La même chose peut se passer dans des situations de la vie courante: condensation sur la vitre où les murs quand on prend une douche, dans la cuisine, etc. La vapeur d'eau est toujours présente dans l'air, même si on la voit pas, et il suffit de refroidir suffisamment cet air pour qu'elle commence à se condenser. Conclusion Cette expérience permet d'aborder la formation des nuages de manière très simple. Elle peut toutefois être étendue dans le cadre de TPEs ou TIPEs pour étudier les processus microphysiques de manière plus complexe, pour quantifier l'effet des aérosols sur les propriétés radiatives des nuages ou bien d'autres choses encore. Le TIPE de Romain Faucher (http://www.lmd.jussieu.fr/~jldufres/Manip/Formationdesnuages5.pdf) en est un très bon exemple. Figure 3 : les deux types de nuages que l'on peut former en fonction du contenu de l'air en aérosols. Les deux photos ont été prises avec la même résolution. A gauche, lorsque l'air de la bouteille est propre, les gouttes sont visibles à l'œil nu. A droite, lorsqu'on rajoute des aérosols dans la bouteille, les gouttes deviennent beaucoup plus petites. Le nuage devient plus brillant, plus opaque, avec de fins filaments d'air sec qui dessinent des volutes, matérialisant les mouvements convectifs dans la bouteille. Ressources complémentaires: