
Avril ~ Mai 2015 | Québec Science  9
Olivier Bauer 
Professeur agrégé à la faculté de 
théologie et de sciences des reli-
gions de l’Université de Montréal, 
Olivier Bauer est un spécialiste 
reconnu de la ritualité et de la 
transmission de la foi dans la tra-
dition chrétienne. Il est l’auteur de 
plusieurs essais remarqués, dont 
Une théologie du Canadien de 
Montréal 
(Bayard Canada, 2011).
L’iconophobie existe-t-elle aussi dans le chris-
tianisme ?
À la différence du judaïsme et de l’is-
lam, le christianisme est une religion de 
l’image. Le fait que, pour les 
chrétiens, Dieu s’est incarné 
en Jésus-Christ, et du coup 
a pris un visage et une appa-
rence visibles, cela a permis au 
christianisme de se démarquer 
du judaïsme en représentant 
de manière très large et très 
fréquente différentes figures du 
divin, y compris celle de Dieu.
Quand les premières images de figures divines 
sont-elles apparues dans le christianisme ?
Au IIe siècle, l’évêque Irénée de Lyon fut 
le premier théologien chrétien à formuler 
l’idée que Jésus, le Fils, était l’image visible 
du Père. C’est à partir de ce moment que 
Dieu a pris la forme d’un être humain 
dans la tradition chrétienne. Cette af-
firmation d’Irénée de Lyon a légitimé le 
visuel dans le christianisme. Mais ce n’est 
qu’à partir du IIIe siècle que sont appa-
rues les premières images spécifiquement 
chrétiennes, c’est-à-dire des illustrations 
de grands personnages bibliques comme 
il y en avait déjà dans le judaïsme: Adam 
et Ève, Jonas, Noé, Moïse, etc. Ce n’est 
qu’à partir du IV
e
 siècle que Jésus et Dieu 
sont représentés dans des fresques et des 
ouvrages religieux.
Qu’est-ce qui a légitimé, dans le christianisme, 
la représentation de figures divines? 
C’est le fait que Jésus est considéré à la 
fois comme un vrai Dieu et comme un 
vrai homme – ce qui permet donc de le 
représenter. Au VIe siècle, le pape Grégoire 
le Grand utilisa une formule qui devien-
dra célèbre : « Ce que l’écrit procure aux 
gens qui lisent, la peinture le fournit aux 
analphabètes qui la regardent, puisque ces 
ignorants y voient ce qu’ils doivent imiter.» 
S’il y a consensus dans l’islam et le ju-
daïsme pour bannir toute forme de repré-
sentation visuelle de personnages divins, 
ce n’est pas le cas dans le christianisme. 
Même que la question divise les Églises 
depuis des lustres…
Dans la chrétienté, à partir du VIIIe siècle, 
plusieurs courants iconoclastes vont farou-
chement s’opposer à la représentation des 
figures divines. Des images représentant 
Jésus, Dieu et de grands personnages de 
la Bible seront même détruites. Le premier 
conflit majeur, appelé Querelle des images, 
opposa, au VIIIe siècle, l’empire romain 
d’Orient à l’empire romain d’Occident. 
Le second Concile de Nicée statuera d’une 
manière quasi définitive sur cette 
controverse en déclarant officiel-
lement l’iconoclasme – c’est-à-dire 
le rejet de toute représentation 
des figures divines –, contraire à 
la tradition chrétienne.
Y a-t-il toujours des chrétiens icono-
phobes ?
À partir du IX
e
 siècle, l’Église 
chrétienne d’Orient, ou Église 
byzantine, fixe des limites à la production 
d’images et favorise plutôt les icônes. Il 
y a dans cette Église une grande 
méfiance envers la sculpture et 
la statuaire. Ses hérauts consi-
dèrent que, si une image ne fait 
pas d’ombre, elle est acceptable. 
Par contre, en relief ou en trois 
dimensions, elle devient suspecte 
parce qu’elle s’approche trop de 
la statuaire grecque et païenne. 
Les dirigeants de l’Église d’Orient 
craignent que le personnage repré-
senté ne devienne une idole. Aussi 
vont-ils tabler sur l’art des icônes, 
dont la réalisation est rigoureu-
sement codifiée et surveillée par 
la tradition et la communauté. 
D’ailleurs, une icône ne se «des-
sine» pas, elle s’«écrit». Le motif 
ne s’improvise pas. Il n’y a pas de 
place pour la créativité et l’indi-
vidualité de l’artiste dans l’Église 
d’Orient. À l’opposé, dans l’Église 
d’Occident, l’artiste chrétien jouit 
d’une grande liberté.
Quelle est la position du monde protes-
tant face aux images divines ?
Au XVIe siècle, des mouvements 
iconoclastes protestants apparaissent en 
France, aux Pays-Bas et en Écosse. En ce 
qui a trait à la représentation des saints, 
la principale critique des réformistes à 
l’endroit du catholicisme est que, prenant 
figure dans des statues et sur des images, 
les personnages divins risquent de se trans-
former en idoles. Les protestants craignent 
que, en devenant populaires, Jésus, Marie 
et les autres ne se métamorphosent en de-
mi-dieux et ne soient vénérés à la place de 
Dieu. À leurs yeux, ces images sont donc 
pernicieuses. Ils les ont souvent détruites 
et ont toujours refusé d’en décorer leurs 
temples. 
La manière de représenter Jésus-Christ est-elle 
l’objet de différends dans le monde chrétien?
Dans le monde chrétien, l’idée de repré-
senter artistiquement Jésus-Christ est 
largement consensuelle. Les controverses 
portent plutôt sur la manière dont il est 
représenté ! Vous avez d’un côté le Jésus 
grec aux yeux bleus, qui ressemble à un 
surfeur californien à barbe blonde et, de 
l’autre, le Jésus sémite, qui prend les traits 
d’un homme barbu, à la peau brune et aux 
cheveux noirs frisés. Sur les images, c’est 
le Jésus grec qui a gagné. n
QS
C’est l’Église byzantine qui a défini l’art de 
représenter Jésus et tous les saints.
«Jésus est considéré à la fois comme un vrai Dieu et  
comme un vrai homme, ce qui permet de le représenter.»
MasterActusQSavril-mai2015.indd   9 15-03-16   12:23 PM