OBSERVÉS AU MICROSCOPE ÉLECTRONIQUE À BALAYAGE,
les grains de métal des sols lunaires sont couverts de
cratères d’impact. Ils ressemblent, toutes proportions
gardées, à la surface de la Lune. © CPRG
la concentration de l’un des trois. Jusqu’à présent, ces
inclusions réfractaires étaient plus ou moins considé-
rées comme des « anomalies ».
Comme pour l’azote, l’analyse de la composition iso-
topique de l’oxygène du vent solaire n’est pas évidente
dans les roches lunaires. Notre satellite en contient
de grandes quantités incluses dans les silicates de son
manteau et de sa croûte, et bien sûr aussi dans les
minéraux du régolite. Cet oxygène lunaire masque
complètement l’oxygène solaire implanté.
a priori complètement l’oxygène solaire implanté.a priori
Excès d’oxygène-16
Cependant, il se trouve que le sol lunaire contient aussi
des particules de métal de quelques micromètres. La
moitié d’entre elles est d’origine lunaire, le reste étant
des fragments de métal provenant des météorites qui
bombardent la Lune. Ces grains de métal contiennent
très peu d’oxygène intrinsèque. Ils sont donc des cibles
de choix pour détecter et mesurer
l’oxygène du vent solaire qui s’y
est implanté. Les analyses de la
surface de ces grains, que nous
avons effectuées à la sonde ioni-
que, ont montré récemment la
présence d’une composante d’oxygène enrichi en oxy-
gène-16 de 2 % par rapport aux deux autres isotopes 17
[8]
. Cela implique que la composition isotopique
du Soleil et du gaz originel de la nébuleuse est enrichie
en oxygène-16 d’environ 5 %, car nous n’avons sans doute
pas extrait un composant solaire absolument pur.
Ce résultat est spectaculairement proche de la com-
position des inclusions réfractaires, qui témoignent
ainsi de la composition initiale du système solaire.
Ces inclusions réfractaires ne sont donc pas des « ano-
malies ». Il faut sans doute retourner l’argument à la
Terre, à Mars et aux astéroïdes.
Ces déterminations des compositions isotopiques de
l’azote et de l’oxygène du Soleil esquissent une image
du système solaire très différente de ce qui était pré-
cédemment imaginé. L’essentiel des échantillons
solides du système solaire (provenant de la Terre, de
Mars ou des astéroïdes) que nous avons dans les tiroirs
des laboratoires n’aurait pas du tout la composition
isotopique de la nébuleuse à partir de laquelle il s’est
formé. Cela est aussi vrai pour le carbone qui est enri-
chi en carbone-12 d’environ 12 % dans le vent solaire
par rapport à la Terre et aux météorites
[9]
Ces éléments sont très importants pour comprendre
les processus qui ont engendré cette diversité. Il se
peut, par exemple, que certaines réactions fondamen-
tales soient capables de modifier les compositions
isotopiques d’une manière jusqu’à présent inconnue.
De tels effets ont déjà été découverts en ce qui concerne
[10]
de la haute atmosphère terrestre. Plusieurs
scénarios sont à l’étude pour essayer de produire de
tels effets isotopiques lors de la condensation des soli-
des dans le gaz de la nébuleuse primitive. L’un d’entre
eux, proposé initialement par Mark Thiemens, de
l’université de Californie
de l’institut Enrico Fermi
d e l ’u n i v e r s i t é d e
[11]
tion du monoxyde de carbone et du diazote du disque
d’accrétion par un flux intense de lumière UV en pro-
venance du Soleil en formation. Par un effet d’auto-
écrantage de la lumière UV, une dissociation préfé-
rentielle des isotopomères
*
N) peut se produire à une certaine dis-
tance du Soleil. Ce serait la source d’un enrichisse-
ment en oxygène-17, oxygène-18, carbone-13 et azote-
15 des solides formés à cet endroit.
Si tel est le cas, toute la matière constituant les planètes
telluriques a été affectée par ces processus. Cela ouvre
de nouvelles perspectives sur l’importance des proces-
sus d’irradiation dans la formation des premiers soli-
des dans le système solaire, ainsi que sur la dynamique
des grains dans le disque d’accrétion.
M. C., B. M.
ÉCHANTILLONS
Lune, Genesis, Stardust
❚ LES PREMIERS ÉCHAN-
TILLONS de matière extra-
terrestre récoltés in situ
furent les roches lunaires
rapportées par les missions
américaines Apollo et sovié-
tiques Luna. Avec les retours
des missions Genesis en sep-
tembre 2004 et Stardust,
fin 2005, nous possédons
aujourd’hui deux autres
sources d’échantillons dont
les origines sont certaines.
Ces trois sortes de maté-
riaux de nature différente
donneront des indications
sur la composition initiale
du système solaire. Aussi
bien les grains du régolite
lunaire que les ions du vent
solaire ou que les grains
cométaires. Chacun témoi-
gne des processus à l’œuvre
dans le système solaire, à
des distances différentes, en
des temps différents. Une
bonne manière de lire l’his-
toire du système solaire,
grâce aux outils disponibles
dans les laboratoires.
[8] K. Hashizume
et M. Chaussidon,
Nature, 434, 619, 2005.
[9] K. Hashizume et al.,
ApJ., 600, 480, 2004.
[10] M. H. Thiemens
et J. E. Heidenreich,
Science, 219, 1073, 1983.
[11] R. N. Clayton,
Nature, 415, 860, 2002.
❚ Le site du centre
de recherches
pétrographiques
et géochimiques
de Vandœuvre-lès-
Nancy, en Meurthe-
et-Moselle.
www.crpg.cnrs
-nancy.fr/
Nº396
AVRIL 2006
LA RECHERCHE
POUR EN SAVOIR PLUS
Des processus encore inconnus
ont modifié la composition
isotopique du système solaire
*