
II – Quelques éléments historiques sur la place tenue par la famille dans la psychiatrie
A partir du moment où se constitue l’asile, même si certains médecins repèrent déjà des indices de
l’influence que l’entourage peut exercer sur le patient, il ne s’occupe que du malade et du malade
seul. L’internement ne se justifie pas de motifs uniquement d’ordre public et de protection sociale,
il est également « thérapeutique ». Le premier pouvoir qu’il y ait lieu de s’assurer sur le patient
« nerveux », c’est celui que confère la rupture avec le séjour coutumier et avec les relations
familières.
L’opinion de Pinel (6) reflète celle des autres aliénistes : « il est si doux en général pour un malade
d’être au sein de sa famille et d’y recevoir les soins et la consolation d’une amitié tendre et
compatissante, que j’énonce avec peine une vérité triste mais constatée par l’expérience la plus
répétée, la nécessité absolue de confier les aliénés à des mains étrangères et de les isoler de
leurs parents ».
Ainsi Charcot : « Oui, il faut séparer les enfants des adultes, de leur père et mère, dont l’influence,
l’expérience le démontre, est particulièrement pernicieuse ».
La possibilité d’une intervention en direction des familles se trouve stérilisée dans son principe par
l’internement qui rompt le lien familial, ce que regrette Ulysse TRELAT, l’aliéniste le plus sensible
aux rapports aliénation-famille, dans le « Folie Lucide » en 1861.
En 1871, Falret et Laseque publient un des premiers travaux faisant référence au rôle de
« l’interaction » entre des personnes vivant ensemble dans la genèse des troubles psychiatriques
dans « La folie à Deux ». Legrand du Saulle dans son ouvrage sur « le Délire de Persécution »,
met bien en évidence l’électivité presque exclusivement familiale des cas de délire à deux.
Depuis les premiers aliénistes, nombreux sont les psychiatres et les psychanalystes qui se sont
intéressés à l’influence de la famille dans la maladie mentale.
En Allemagne, E. BLEULER et ses élèves ont observé les interactions familiales et émis
l’hypothèse de leur rôle signifiant dans l’étiologie de la schizophrénie. E. KRETSCHMER a étudié
l’entourage des patients atteints de paranoïa sensitive.
Pour S. FREUD : « dans le traitement psychanalytique, la présence des parents est tout
simplement un danger, et un danger auquel on ne sait pas parer (…). En ce qui concerne la famille
du patient, il est impossible de lui faire entendre raison et de la décider à se tenir à l’écart de toute
l’affaire. D’autre part, on ne doit jamais pratiquer une entente avec elle, car on court alors le
danger de perdre la confiance du malade (…). Celui qui sait quelles discordes déchirent souvent
une famille ne sera pas étonné de constater, en pratiquant la psychanalyse, que les proches du
malade sont souvent plus intéressés à le voir rester tel qu’il est qu’à le voir guérir » (8).
Il est pourtant habituel de rappeler que l’analyse du « petit Hans » représentait, dès 1909, la
première approche familiale d’un cas de névrose infantile. Dans la forme pure de la psychanalyse
telle que l’a codifié FREUD, la famille du patient, et plus particulièrement la famille nucléaire,
n’apparaît pas dans sa réalité concrète. Mais, par contre, la famille est le lieu de conflits dont le
paradigme est le conflit oedipien. Il n’est donc pas nécessaire, ni même souhaitable, de demander
à la famille une participation active au traitement.
En 1936, R. LAFORGUE communique à la 9ème conférence des psychanalystes de langue
française, ses travaux sur la « Névrose Familiale », terme employé pour désigner le fait que
« dans une famille donnée, les névroses individuelles se complètent, se conditionnent
réciproquement et pour mettre en évidence l’influence pathogène que peut exercer sur les enfants
la structure familiale, principalement celle du couple parental ».
Pour J. LACAN, « la simple clinique montre, dans beaucoup de cas, la corrélation d’une anomalie
de la situation familiale ». Dans son très important article sur « la famille et les complexes
familiaux », paru en 1938, il montre l’importance des facteurs familiaux dans le déclenchement des
psychoses et leur rôle dans les névroses. Il note la fréquence de la transmission de la paranoïa en