
Etude CNSA «Usagers et outils d’évaluation » –Décembre 2008 5
processus d’évaluation et ses outils sont dans ce cas l’affaire des professionnels. L’éventuelle
implication de l’usager dans ses modalités de prise en charge, sa parole, ses aspirations ne
sont pas prises en compte à cette étape de la prise en charge de la personne. Elles le seront le
cas échéant lors du Conseil de la Vie Sociale de l’établissement, lors de l’élaboration d’un projet
personnalisé ou dans certains cas lors de groupes de parole. Quels sont les sentiments de
l’usager face à cette situation «d’exclusion »? Il est par construction difficile de le savoir
puisque l’usager ne peut s’exprimer sur une situation qui «n’existe pas ». Toutefois l’attitude
et la réaction des «inquiets », second type de notre typologie,tend à démontrer qu’il peut y
avoir des attentes d’information et d’explications sur la démarche d’évaluation et ses outils.
Les «inquiets »
Pas plus informés par les institutions et les professionnels que les «exclus » ils ont cependant
parfois l’opportunité d’accéder à quelques éléments d’information sur l’existence d’outils
d’évaluation. Des questions apparaissent parfois notamment lorsque l’usager entrevoit par
hasard un support d’évaluation qui le concerne et qu’il ne comprend pas. Il peut s’agir d’un
tableau récapitulatif d’un outil d’évaluation affiché ou égaré dans sa chambre ou sa salle de
bain, il peut s’agir également d’un numéro de GIR qui apparaît sur une facture….Ces usagers
informés par inadvertance peuvent être sinon inquiets au moins intrigués. Quelles sont les
modalités de cette évaluation, ses conclusions, ses conséquences ? Pourquoi leur cache-t-on ou
ne les informe-t-on pas de ces éléments ?
Les «dominés »
Contrairement aux personnes «exclues» et «inquiètes » les personnes «dominées » sont,
elles,informées de la situation d’évaluation. Cette information peut être assez vague et floue
(souvent un courrier suite à une demande APA ou PCH) mais la personne est en situation réelle
d’évaluation via un entretien à son domicile, dans un cabinet médical. De fait la séquence
évaluative existe et même si la personne n’en comprend pas toujours les tenants et
aboutissants, elle participe à l’évaluation de ses besoins et peut donc évoquer ce moment. Que
nous apprennent les personnes et l’observation de ces situations ? D’une manière générale les
usagers ont peu de choses à déclarer. Ils vivent de manière relativement passive ce moment
de questionnement. Ils se prêtent de bonne grâce dans la quasi-totalité des cas au jeu de
questions-réponses ou au dialogue que peut initier le professionnel. La séquence n’est pas
désagréable puisqu’il s’agit d’évoquer la vie quotidienne, les difficultés rencontrées.
L’usager est victime d’une relation asymétrique avec les institutions et les professionnels. Peu
informé en amont sur l’objet de l’évaluation il en méconnaît de plus les règles du jeu. Il est
face à une administration ou à des institutions dont il identifie peu les missions et les
responsabilités (les intervenants peuvent être nombreux : Assurance Maladie, services sociaux
du Conseil Général, services d’aide à domicile, services gérontologiques, caisse de retraites,
services sociaux de communes ou d’établissements hospitaliers, équipes pluridisciplinaires des
MDPH….). A cela s’ajoute que la personne est en posture de «demande » (d’une allocation,
d’un droit à compensation ou tout simplement d’une aide), le professionnel et l’institution étant
perçuscomme «donnant » des aides. Tous les éléments sont réunis pour que la personne ne
soit pas dans une posture «d’ayant droit ». Face à cette relation asymétrique la personne ne
peut que faire état de sa satisfaction, on « s’occupe d’elle » et dans certains cas on lui apporte
des aides et des appuis «inespérés ».
Les «éclairés »
Issus fréquemment d’un milieu socio culturel plus favorable que les personnes ressortant des
types précédents, les «éclairés » sont davantage informés des processus et outils d’évaluation
existants. Ils en maîtrisent mieux les enjeux. De plus ils adoptent une posture intellectuelle
plus «combative ». Ils ont conscience d’avoir des «droits », le professionnel et les outils
utilisés étant au service de ces droits. Dans de rares cas les outils en eux-mêmeset les
pratiques des professionnels facilitent l’émergence de ce type d’attitudes (par exemple l’outil
OSE facilite le dialogue entre le médecin et son patient ; de même GEVA,allié à de bonnes
pratiques de professionnels,apparaît comme un facteur de réduction de la relation asymétrique
entre les évaluateurs et les évalués).