
Les verbes sur lesquels nous nous attarderons sont les verbes de déplacement qui décrivent avant
tout un procès5. Les déplacements-transitions seront traités ailleurs.
Un déplacement-procès se définit comme le passage successif par les emplacements adjacents qui
relient un point de départ à un point d’arrivée. Le trajet est la ligne qui relie ces deux points.
Nous distinguons deux grandes classes de verbes de déplacement-procès : la classe des verbes qui
configurent le déplacement (au moyen de la manière de se déplacer ou au moyen de l’espace) et la
classe des verbes qui configurent le trajet (soit grâce à des informations sur la cible, soit grâce à des
informations sur l’espace). Les verbes de ces deux classes peuvent être suivis d’un adjoint temporel
du type pendant x temps. Chaque verbe raffine différemment les concepts de déplacement et de
trajet.
1. CONFIGURATION DU DÉPLACEMENT
1.1. Au moyen de la cible : les verbes de manière de se déplacer
marcher, courir, trotter, glisser, nager, galoper, skier, crawler, claudiquer, clopiner, voler,
pédaler, pagayer, ramer, sautiller, sprinter, rouler, zigzaguer, trottiner, etc.
Les verbes de cette catégorie caractérisent la manière dont la cible effectue le déplacement. La
configuration du déplacement se fait donc grâce à la cible. Ils peuvent être paraphrasés par se
déplacer en…(se déplacer en marchant, en zigzaguant, etc.), ce qui n’est justement pas le cas des
verbes du type se promener (se promener, se balader, voyager, errer, traîner, vadrouiller, *se
déplacer en se promenant, en se baladant, en voyageant, etc.) qui, tout en étant des procès, n’en sont
pas pour autant des verbes de déplacement à proprement parler. Il s’agit plutôt d’activités qui
impliquent des déplacements successifs, entraînant la couverture d’un espace. Ces verbes acceptent
tous un adjoint temporel en pendant ainsi qu’une localisation globale (1) ou encore des bornes (2) :
(1) Il s’est promené pendant 3 heures / dans le parc.
(2) Il s’est promené de (depuis) la ferme au (jusqu’au) moulin.
Ces bornes indiquent le début et la fin de l’activité. Il n'est pas question ici d'un trajet avec un point de
départ ou un point d’arrivée, ni même d'un sous-trajet parcouru d'une certaine façon. Il est d’ailleurs
difficile de mesurer le temps (3) :
(3) ?*Il s’est promené de la ferme au moulin en 1 heure.
Ces verbes d’activité n’acceptent pas la préposition directionnelle vers, ni la mesure de distance sur x
distance6 ; ce qui est possible en revanche avec les verbes de manière de se déplacer (4) – (5) :
(4) Il a marché7 / claudiqué / trottiné vers le moulin.
(5) Il a marché / claudiqué / trottiné sur 5 kilomètres.
En effet, la manière porte sur un mouvement particulier (des jambes, des bras, etc.) dont l’itération
construit le trajet8. Celui-ci est davantage une construction cognitive, perceptuelle qu’un concept
contenu dans le verbe. La notion de trajet permet une complémentation directionnelle ou une mesure
de distance qui correspond à la conservation du mouvement physique dans une direction donnée ou
sur une certaine distance9. Bien sûr, l’ajout de pendant x temps est possible, ainsi que la
complémentation en de … à, la localisation globale et le jusque puisque ces verbes décrivent des
procès :
5 Nous avons utilisé les listes de Boons, Guillet et Leclère (1976), celles de Guillet et Leclère (1992) ainsi que
celles de Gross (1975).
6 On peut cependant avoir une mesure de distance floue sur des kilomètres et des kilomètres ou encore sur
plusieurs kilomètres. On insiste ici sur la couverture de l'espace.
7 Il est à noter que certains de ces verbes correspondent, dans un de leurs emplois, à une activité : marcher,
courir, galoper, glisser, etc. dans leur sens de faire de la marche, de la course, du galop, de la glisse, etc. Dans
ce cas, ils présentent également les caractéristiques de complémentation en accord avec la catégorie des
activités.
8 Les verbes de déplacement sont souvent indifféremment qualifiés de verbes de mouvement ou de verbes de
déplacement. Or, il s’agit de deux concepts différents. Selon Dervillez-Bastuji (1982), le mouvement est une
condition nécessaire au changement de lieu, mais non suffisante. De fait, « vibrer contre le mur » exprime un
mouvement itératif qui n’est qu’un changement de position répété sur un même point d’espace. Par contre,
« sautiller jusqu’au salon » conceptualise une série de mouvements identiques qui exercent des changements
d’emplacements successifs, entraînant un déplacement.
9 Le verbe zigzaguer requiert davantage une mesure de distance floue à cause de l’absence d’identité entre,
d’une part, la portion d’espace sur laquelle les mouvements de gauche et de droite ont eu lieu et d’autre part, le
trajet en ligne brisée effectivement parcouru :
(i) ?Il a zigzagué sur 100 mètres.
(ii) Il a zigzagué sur plusieurs dizaines de mètres.