3 – Pour vivre la Parole au quotidien Fiche n° 26 1. « Que ton règne vienne », prions nous dans le Notre Père. Quel est le sens de cette royauté pour nous ? 2. Comment vivre le salut de Dieu pour moi, aujourd’hui ? « Le bon larron » Lc 23, 35-43 [35]Le peuple restait là à regarder. 4 – Points de catéchèse Amen Ce mot d’origine hébraïque signifie « en vérité » ou « ainsi soit-il ». L’Ancien Testament offre quatorze occurrences de cette formule (Deutéronome 25.15 ; Psaume 106.48, etc). Ce mot a peu à peu pris un caractère liturgique. Au temps du Christ, il était utilisé à la synagogue. L’assemblée (et non le prêtre ou le lecteur) saluait de l’Amen la louange ou la lecture de la loi. De la synagogue, Amen est tout naturellement passé dans le culte chrétien. Dans le langage religieux, Amen souligne l’acceptation de la révélation plus que la révélation elle-même. Parce que l’Amen définit le Christ lui-même, ce mot en conclusion d’une prédication peut aussi être l’expression du désir de confier au Christ le fait que la Parole entendue s’accomplisse dans nos vies. Jésus l’emploie lorsqu’il veut souligner le caractère d’autorité divine de ses paroles. La croix C’était, hélas, un mode de supplice bien banal à l’époque de Jésus (cf la révolte des esclaves sous la conduite de Spartacus ; Néron qui fit crucifier plusieurs milliers de chrétiens de tous âges). Pour tous ceux qui avaient assisté à ce supplice, la croix représentait un objet d’horreur, ce qui a duré plusieurs siècles, jusqu’à l’interdiction de la crucifixion par Constantin vers 320. C’est ce qui explique l’extrême rareté des crucifix dans les premiers siècles ; il faut attendre le 5° siècle pour voir des crucifix, et encore représentent-ils Jésus habillé " posé " sur une croix ; ce n’est qu’à partir du moyen-âge que sont apparus les crucifix tels que nous les connaissons aujourd’hui. Tous les condamnés portaient leur "croix" jusqu’au lieu du supplice ; en réalité ils ne portaient la plupart du temps que la pièce transversale de la croix, le patibulum, celle sur laquelle leurs mains allaient être clouées et dont le poids moyen pouvait atteindre 20 à 30 kilos, charge proprement écrasante pour un condamné qui venait déjà de subir une flagellation. Les condamnés le portaient en travers des épaules, les avant-bras attachés au bois par des cordes. Ce patibulum était fixé sur un pieu vertical fiché en terre : le stipes. Le mot crux désignait au début un simple pieu planté en terre, petit à petit son sens a dévié sur celui du stipes, puis a désigné l’ensemble du bois servant à la crucifixion. Les chefs ricanaient en disant : « Il en a sauvé d'autres : qu'il se sauve lui-même, s'il est le Messie de Dieu, l'Élu ! » [36]Les soldats aussi se moquaient de lui. S'approchant pour lui donner de la boisson vinaigrée, [37]ils lui disaient : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! » [38]Une inscription était placée audessus de sa tête : « Celui-ci est le roi des Juifs. » [39] L'un des malfaiteurs suspendus à la croix l'injuriait : « N'es-tu pas le Messie ? Sauve-toi toi-même, et nous avec ! » [40]Mais l'autre lui fit de vifs reproches : « Tu n'as donc aucune crainte de Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi aussi ! [41] Et puis, pour nous, c'est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n'a rien fait de mal. » [42]Et il disait : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton Règne. » [43]Jésus lui répondit : « Amen, je te le déclare : aujourd'hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. » 1 – Pour goûter la Parole L'épisode qui nous intéresse est un des plus riches sur le thème du pardon que Luc développe beaucoup tout au long de son évangile. Nous sommes au bout de la Passion, déployée aux chapitres 22 et 23, et notre passage est immédiatement suivi par la mort de Jésus. On peut distinguer trois parties dans cette péricope : - v 35-38, la royauté du Christ va être proclamée par toutes les catégories de personnes présentes : le peuple, les chefs et les soldats romains. Cette royauté est montrée pour être mieux moquée. Elle est proclamée trois fois comme l’est le salut, les deux se trouvent ainsi liés. Malgré ce rejet et ces insultes, toutes les formes de royauté du Christ sont décrites : « le sauveur » (Jésus), « l'Elu, le Messie, Christ de Dieu », titre du roi religieux choisi par Dieu pour le peuple élu et enfin « le roi des Juifs », titre politique. On retrouve ici de la part des romains et des chefs juifs, les mêmes tentations que celles au désert au début de l'Évangile : se servir de sa qualité de Fils de Dieu pour lui-même (les soldats -changer les pierres en pain 4,3) ou montrer sa puissance de Messie (les chefs juifs-se jeter du haut du temple 4,9). - v 39-42, on assiste au dialogue entre les deux malfaiteurs au sujet de Jésus. Le mauvais larron reprend les mêmes moqueries que les chefs des prêtres, il réclame un salut temporel : être sauvé de la mort. Les termes « vinaigre » (v36) (Ps 29, 22) et « malfaiteurs » (22,37 citant Is 53,17) sont des termes de l’écriture. Le malfaiteur ajoute une tentation aux deux précédentes. Elle porte sur ce qui est le cœur même de la mission du Christ : apporter le salut à tous les hommes. Comme pour les romains et les chefs des prêtres, le mauvais larron utilise le titre religieux « Messie » (v 39), tandis que le bon parle de Jésus comme « roi » (v 42). La conversion du malfaiteur est un double repentir envers Dieu et envers les hommes, elle a lieu sous nos yeux. Il reprend d'abord son compagnon au nom de la crainte de Dieu puis reconnaît ses fautes. Sa confession se termine par l'affirmation de l'innocence de Jésus. - v 42-43, l'affirmation de la royauté du Christ et surtout son avènement semblent être repoussés par le bon larron à la fin des temps. Jésus reçoit ici et exauce la prière du bon larron. Il corrige cependant solennellement (en l’introduisant par « Amen ») le moment de l'avènement et affirme l'aujourd'hui de l'accomplissement. C'est la mort même de Jésus qui inaugure le salut messianique, le royaume du Christ. La référence au retour au « paradis » signifie à la fois la communion rétablie avec Dieu et l'accès retrouvé à l'arbre de vie (Ap 2, 7). Ainsi Jésus sauve bien le bon larron, non de la croix, mais de la mort véritable en lui donnant part à la vie éternelle. Grâce au bon larron, nous savons que nous sommes sauvés non à cause de nos mérites mais par grâce. 2 – Pour aller plus loin L'aujourd'hui du salut Le mot « aujourd'hui » tient une place remarquable dans l'Évangile de Luc, notamment toutes les fois où apparaît le mot « salut ». C'est aujourd'hui que Dieu nous appelle et qu'il nous sauve. Ainsi Luc a situé la personne et l'œuvre de Jésus au centre de l'histoire humaine et au cœur de l'existence du croyant. Toute une théologie du salut nourrit ainsi son témoignage d'historien, prenant en compte à la fois l'aujourd'hui du Christ, l'aujourd'hui du chrétien et l'aujourd'hui de l'Église. L'aujourd'hui du Christ Le Christ dit et cela a lieu, sa parole est performative, souverainement efficace. Les auditeurs de Jésus et les témoins oculaires de son œuvre, comme le bon larron, ont donc eu conscience de vivre le temps de l'accomplissement de leur salut, de vivre ce temps du salut, d'être sauvés. L'aujourd'hui des chrétiens C'est la promptitude du bon larron, comme celle de Zachée, à répondre à cet aujourd'hui du Christ qui déclenche l'affirmation de l'actualité du salut. C'est bien ce salut qui nous est offert à chaque instant de nos vies pour peu que nous répondions à l'appel et à la conversion que nous demande le Christ. Dieu n'est pas dans le passé ou dans le futur mais bien dans cet aujourd'hui du bon larron, dans notre présent. L'aujourd'hui de l'Eglise La perspective de Luc reste ouverte sur le futur. Pour lui, l'attente de la parousie (cf point de catéchèse de la fiche 17) n'a plus rien de fiévreux. Nul ne saurait dire si elle sera très proche, mais il est sûr qu'elle sera soudaine. Et l'attitude que Jésus attend de ses disciples, ce n'est pas la crainte ni l'impatience, mais la constance, la lutte contre l'assoupissement, et le refus de se laisser envahir par des soucis terrestres (Lc 8, 7. 14), la vigilance. Le temps qui se prolonge risque à chaque instant d'être trop court, et c'est pourquoi le règne de Dieu, dont la consommation est encore à venir, doit être anticipé chaque jour comme la réalité présente du salut : « Le Règne de Dieu est arrivé sur vous », « le Règne de Dieu est parmi vous » (Lc 11, 20 ; 17, 21). Grâce à la présence active de l'Esprit dans l'Église, la venue du Christ, sa mort et sa résurrection ne sont pas des événements lointains, isolés, perdus au milieu du temps à la charnière des deux alliances, mais elles habitent l'aujourd'hui de l'Église et constituent en toute vérité « les événements accomplis parmi nous » (Lc 1, 1). Le jugement particulier La mort met fin à la vie de l'homme comme temps ouvert à l'accueil ou au rejet de la grâce divine manifestée dans le Christ. Le Nouveau Testament parle du jugement principalement dans la perspective de la rencontre finale avec le Christ dans son second avènement, mais il affirme aussi à plusieurs reprises la rétribution immédiate après la mort de chacun en fonction de ses œuvres et de sa foi... CEC 1021