Lettre Ouverte aux futurs députés, sénateurs, gouverneurs, ainsi qu'au prochain Président de la République du Brésil Cette lettre exprime l’opinion des éditeurs indépendants brésiliens, organisés autour de la Libre (Ligue Brésilienne des éditeurs). Les catalogues qui composent nos maisons d'édition sont formés par toutes sortes de livres, quelques uns assez connus, ceux qui normalement sont appelés des "best-sellers" par les journalistes. Pourtant, ce n'est pas grâce à eux que nous nous affirmons. Notre contribution se trouve dans la diversité, et c'est avec l'arme de la Biblio diversité que nous faisons face aux conditions plus difficiles imposées par le Marché. Le marché du Livre traverse un moment de transformations profondes, poussées par le mouvement même du capital financier, mais aussi par l'avènement de nouvelles technologies, qui toutes menacent cette Biblio diversité. Pour cette raison, nous croyons que, dans un pays dont la population avance vers des niveaux croissants d'instruction, en but de réaliser ses nouveaux potentiels de développement, il est de notre devoir d'indiquer les chemins à suivre pour permettre la conservation, la survie et, spécialement, la démocratisation du Savoir, de la Connaissance et des Arts, qui dépendent profondément de cette Biblio diversité. La chaîne du Livre constitue une partie fondamentale de ce processus. Elle englobe non seulement les auteurs, les producteurs (éditeurs, traducteurs, correcteurs, "designers" et illustrateurs, parmi tant d'autres professionnels), mais aussi les distributeurs et les libraires. Il s'agit d'une chaîne complexe et inégale, dans laquelle les petits producteurs sont concurrencés par de grandes entreprises multinationales, liées à des groupes économiques puissants; ces derniers, de par leur propre nature, exercent une forte pression vers « l’appauvrissement » de la Culture, dû à leur taille, leur structure et à leur besoin de marges élevées. Dans ces conditions, la LIBRE propose que le futur gouvernement, qui devra commencer le 1 Janvier 2011, prenne position en faveur de la Biblio diversité, grâce à l'Édition Indépendante, ce qui se traduit par les mesures concrètes qui suivent: 1. Une nouvelle régulation du Marché Éditorial et de la Librairie, avec l'adoption de mesures qui protègent, stimulent et renforcent l'ouverture, le fonctionnement et la professionnalisation de petits éditeurs et, surtout, de petits libraires. 2.Établissement de pourcentages minimums destinés aux "éditeurs petits et moyens" dans tous les achats gouvernementaux de livres pour les bibliothèques, qui doivent utiliser comme critères la qualité et une juste évaluation des titres à acquérir. L’exemple le plus récent, celui de l'achat d'ouvrages pour le Programme National Bibliothèque à l'Ecole, prouve comment le gouvernement a des difficultés pour diversifier ses achats auprès des éditeurs indépendants. Dans un marché pourvu de centaines, et même de milliers d'entreprises, huit groupes ont concentré 54% des titres choisis, grossissant leur participation par l'intermédiaire d’éditeurs "de façade". 3. Renfort du Réseau de Bibliothèques Publiques, qui doivent avoir l'assurance de ressources financières pour garantir une politique d'achats, de conservation et actualisation de leurs fonds, suivant des critères de diversité et de respect aux caractéristiques de chaque région. L'État doit aussi faire obéir les règles relatives à l'existence et à la conservation de bibliothèques dans les établissements d'enseignement privé de niveau primaire, secondaire et supérieur, qui doivent être ouvertes au public en général. Les Bibliothèques privées ou publiques, constituent un Bien Public. 4. Adoption d’une Loi en faveur du Prix Unique du Livre, ainsi que du respect d’une remise Juste, à tous les niveaux de la chaîne du Livre. La Libre défend l'adoption de la Politique de Prix Unique et de Remise Juste en tant qu'éléments garants pour la survie des petites et moyennes librairies, sans lesquelles la distribution des "long-sellers", c'est à dire, des titres de fonds de catalogue, est impossible. Ce sont justement ces titres là, considérés comme des ouvrages de fonds et à rotation lente, qui soutiennent les bases de la Culture à long terme. 5. Récemment, nous avons assisté à l'entrée d'entreprises orientées par des politiques agressives de "marketing", non seulement de grandes chaînes de librairies, mais représentant aussi d'autres secteurs de l'économie, comme par exemple des enseignes de cartes de crédit ou de journaux, qui viennent participer activement au marché du livre; cela établit une concurrence déloyale entre grands et petits libraires, entre grands et petits éditeurs, et détruit à moyen terme la chaîne du livre, donc la biblio diversité. Pour être clairs: quand les petits éditeurs sont obligés de négocier avec les grandes chaînes, les prix promotionnels concédés à l'acheteur final ne sont pas viables pour ces mêmes petits éditeurs, ainsi que pour les petits et moyens libraires. Pour cette raison, le Prix Unique du Livre, appliqué à ce secteur de l'économie, dans lequel la compétition se fait sur des produits culturels qui sont, par définition, différents entre eux, tend à favoriser la réduction du prix final du livre, et de fait la concurrence, et non le contraire. 6. Permettre l'achat de livres dans les librairies avec le " Vale Cultura" ( Bônus offert par les entreprises à leurs employés, comme un bénéfice complémentaire non-monétaire). 7. Transformer en dépense nationale la règle qui exempte de paiement d'impôt immobilier territorial urbain (IPTU) les immeubles occupés par des librairies et des éditeurs. 8. Offrir des garanties pour que la nouvelle Loi des Droits d'Auteur, qui doit être revue, et qui est actuellement au cœur des débats conduits par le MINC (Ministère de la Culture), ne se transforme pas en libéralisation excessive, en conséquence du concept " objectifs didactiques", et ne débouche pas en abus, notamment par l'autorisation d'utiliser des reproductions et photocopies dans les écoles et universités. Au contraire, la nouvelle loi doit protéger les droits des auteurs et des éditeurs contre l'industrie des "apostilas" ( résumés), qui banalise la connaissance et le savoir, et éloigne les étudiants du livre et de la lecture profonde et productive. La Libre croit que le MinC aussi bien que le MEC (Ministère de l'Education) doivent lutter pour l’élimination progressive des "apostilas" comme instrument d'enseignement, et donner toujours priorité au livre. 9. Le Gouvernement doit prendre à sa charge la responsabilité de contrôler la pratique de la reprographie illégale, qui ne paye pas les droits d'auteur aux écrivains, auteurs, et éditeurs, tout en évitant la répétition du modèle Ecad (adopté pour les droits d'auteur de musique). Ce contrôle passe par l'action directe sur les machines photocopieuses, sans pourtant criminaliser les étudiants. Il s'agit surtout de faire respecter les normes relatives à l'existence, la conservation et l'actualisation des bibliothèques dans les écoles et universités, tant publics que privés. 10.Établissement d'un plafond limite pour la participation des entreprises à capital étranger dans le domaine du Livre, comme il existe déjà pour la Presse et la Télévision. 11. Adoption de lignes de crédit spéciales pour les petites et moyennes maisons d'édition, ainsi que pour les librairies, qui puissent offrir comme garantie bancaire leurs fonds en ouvrages. Les crédits concédés doivent permettre le financement d'équipements, projets et de fonds de fonctionnement. 12. Adoption de tarifs préférentiels par la Poste, pour le transport des livres, ce qui rendra moins cher la distribution à l'intérieur du pays. 13. Création immédiate et urgente d'une Chambre du Livre Numérique, avec la participation de tous les secteurs liés à la chaîne du Livre, du Gouvernement et des représentants des universités publiques, de façon à discuter et établir une politique unifiée pour ce domaine; cela permettra d’éviter que les transformations en cours n'aboutissent à la mort des petites et moyennes entreprises de la chaîne du livre qui, comme nous l'avons déjà affirmé, sont les garantes de la biblio diversité, sous les formes les plus diverses sous lesquelles le texte écrit peut se présenter. 14. Une nouvelle Chambre du Livre Numérique aura à faire face à d'énormes défis: le pouvoir économique des fabricants des appareils lecteurs numériques (e-readers), la protection des droits d'auteurs, le contrôle de la reproduction illégale des textes et des éditions, le rôle des librairies dans ce "nouveau monde" numérique, parmi tant d'autres thèmes. La confirmation des tendances de croissance économique et l'augmentation du poids politique du pays dans la scène internationale transforment la production de la chaîne du Livre en priorité d'État et de Gouvernement, car son rôle sera déterminant pour la consolidation des grands projets nationaux. La Libre se met à la disposition de tous ceux qui le désirent pour discuter et approfondir ces questions. Nous sommes certains que notre pays doit marcher vers la diffusion et la démocratisation du Savoir et de la Connaissance, et que cela ne se fera pas sans la participation et le renfort des Éditeurs indépendants nationaux. Cristina Warth, présidente de la Liga Brasileira de Editoras/ Ligue brésilienne des éditeurs Traduction : Milena Duchiade