Dépistage du VIH en médecine générale

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Dépistage de l’infection par le VIH
en médecine générale
Multiplier les propositions de test et
privilégier l’entretien orienté
Henri Partouche et Vincent Renard. CNGE
Contexte épidémique : nécessité d’intensifier et de
diversifier les stratégies de dépistage
Nombre élevé de personnes infectées
méconnaissant leur statut
-  30% [(12% - 50%] des européens vivant avec
le VIH (Hamers FF HIV med 2008)
-  40 000 à 50 000 (Plan national de lutte contre
le VIH/ SIDA et les IST 2010-14)
-  13 000 à 58 000 (Costagliola D. Rev Med
Interne 2008)
-  Nouvelles estimations (Supervie V. Inserm
U943)
Diagnostics à des stades tardifs (Caszein F et al. InVS, BEH nov 2011)
•  Parmi les 6300 personnes ayant découvert leur séropositivité en 2010
– 
– 
– 
64% à moins 500 CD4/ mm et 30% à moins 200 CD4/ mm3
12% à un stade symptomatique non sida, 15% à un stade sida
32% des diagnostics réalisés par les médecins de ville (vs 24% en 2003)
2
Recommandations HAS 2009
Volet 1- Proposition du test de dépistage de l’infection par le VIH à l’ensemble
de la population âgée de 15 à 70 ans, hors notion d’exposition à un risque
de contamination ou caractéristique particulière.
accompagnée d’une information adaptée afin d’obtenir un consentement éclairé et
d’une appréciation de la capacité de la personne à recevoir le résultat du test.
Ø  Impliquant une mobilisation des MG et autres acteurs de santé
Ø  Avec évaluation de l’impact de cette stratégie sur la diminution du retard au dépistage
o 
Volet 2- Propositions ciblées et régulières du test de dépistage
pour certaines populations :
ü 
HSH, hétérosexuels ayant plus d’un partenaire au cours des 12 derniers mois,
UDI, originaires d’une zone de haute prévalence (Afrique sub-saharienne,
Caraïbe, départements Français d’Amérique), personnes en situation de
prostitution, partenaires sexuels de porteurs du VIH
dans certaines circonstances:
ü 
suspicion d’IST, d’hépatite B ou C, de tuberculose,
première prescription de contraception, projet de grossesse, IVG,
viol, incarcération.
3
Position du Collège National des Généralistes
Enseignants
•  En accord avec le volet 2 de la recommandation
–  marge d’amélioration importante
–  intensification et élargissement du dépistage ciblé (populations) ou
orienté (situations)
•  Le volet 1 (dépistage universel) pose problème
–  Évaluation précise de l’impact en soins primaires?
•  Pas d’étude pragmatique en cours à la connaissance des sociétés
scientifiques de MG ou des départements universitaires de MG
•  Statistiques des sérologies réalisées: comment différencier dépistages
systématiques de dépistages orientés, ciblés ou démarches diagnostiques?
–  Le dépistage universel est-il pertinent en soins primaires ?
–  Le dépistage universel est-il faisable en soins primaires ?
4
Est-il pertinent, en soins primaires, de recommander de
proposer un test de dépistage de l’infection par le VIH à
l’ensemble de la population âgée de 15 à 70 ans, hors
notion d’exposition à un risque de contamination ou
caractéristique particulière?
Arguments formels issus des études en faveur d’un
dépistage en routine selon l’HAS 2009
•  Bénéfices cliniques
– 
– 
– 
nombre d’infections par le VIH nouvellement diagnostiquées
Impact sur la précocité du diagnostic
Impact sur l’accès à une prise en charge adaptée
à Quelques études américaines, citées par le CDC
menées dans des environnements de haute prévalence d’infection par le VIH
et de niveau de preuve faible à moyen.
à Conclusion
du groupe de travail de la HAS:
« les données probantes sur les bénéfices cliniques du
dépistage en routine restent limitées. »
6
Arguments issus des études françaises en faveur d’un
dépistage en routine
•  Modélisation médico-économique (Yasdanpanah Y et al, PlosOne 2010).
« la réalisation d’un test de dépistage proposé de manière ponctuelle à
l’ensemble de la population en France améliore la survie comparativement à
la «stratégie actuelle» et est associée à un ratio coût-efficacité
comparable aux autres interventions de dépistage recommandées en
Europe de l’Ouest ».
•  Évaluation du dépistage systématique aux urgences des hôpitaux
de la région parisienne avec des tests rapides
1.  Casalino E, Costagliola D. et al. ANRS (non publié)
6 services 13921 personnes 9072 testées, 63 nouveaux diagnostics
(0,69%) : taux similaire à celui des CDAG parisiens
2.  d’Almeida K, Kierzek G, de Truchis P, et al. Arch Intern Med
2012;172:12-20.
29 des 31 services d’urgences de la région parisienne.
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Impact sanitaire modeste du dépistage non ciblé du VIH dans
29 services d’urgences d’Ile de France
(d’Almeida K, et al. Arch Intern Med 2012)
Résultats principaux
– 
– 
– 
– 
Sur 78 411 sujets éligibles âgés de 18-64 ans
–  test VIH rapide a été proposé à 20 962 (26,6 %)
–  13229 (16,3% des éligibles) ont été testés
Dix-huit patients nouvellement diagnostiqués,
–  0,14 %, (IC95 = 0,08-0,22) des personnes effectivement testées
–  0,086% des personnes à qui on a proposé le test (18 / 20962) (intention
de tester)
–  0,023% des personnes éligibles au dépistage (18 / 78411)
De plus parmi eux:
–  17 appartenaient à un groupe à haut risque,
–  12 avaient été précédemment testés,
–  Stade tardif pour 8 (symptomatiques ou taux de lymphocytes CD4 inférieur à
350/µL) et 4 ont été hospitalisés
–  Seulement 12 patients sur 18 ont donné suite au dépistage
Causes de refus du test
–  41% test déjà effectué l’année précédente
–  35 % perception de ne pas être à risque d’infection HIV
–  24% autres: crainte du résultat, c’est pas le bon moment..
8
Quelles conclusions tirer de cette étude?
1. 
Impact clinique du dépistage systématique non mis en évidence dans
cette étude pour les critères suivants:
• 
• 
Impact sur les diagnostics précocse
Découverte de nouveaux cas ne relevant pas du dépistage ciblé / orienté
3. 
Nombre d’infections nouvellement diagnostiquées : que donnent les
extrapolations des résultats à la population française des 18-64 ans ?
– 
à partir du taux de 0,14% des testés
• 
56 000 (Yasdanpanah Y et al Arch Intern Med 2012)
• 
25 500 en tenant de la spécificité de l’Ile de France
–  8 millions de personnes de 15 à 64 ans en Ile de France (Insee 2010 )
–  44% des nouveaux cas diagnostiqués en France (BEH 2011)
à partir du taux de 0,023% des éligibles au dépistage
• 
4 200 en tenant de la spécificité de l’Ile de France
• 
Avec taux de rendu optimal (test rapide)
• 
Population des urgences différente
–  Motifs de soins
–  Critères socio-démographiques (Drees 2003)
– 
9
Quel serait l’impact du dépistage universel en
médecine générale en France?
à  Études pragmatique en « médecine générale »
nécessaires
•  évaluant le nombre absolu de sujets infectés par le VIH non
préalablement connus
•  Évaluant le nombre de sujets supplémentaires dépistés
comparativement à une démarche de dépistage ciblé/
orienté.
•  et décrivant les caractéristiques socio-démographiques,
cliniques et viro-immunologiques des cas diagnostiqués
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La proposition du test de dépistage de l’infection
par le VIH à l’ensemble de la population âgée de 15
à 70 ans, est-elle applicable en médecine générale?
Réalité du dépistage actuel
2010 : nombre de sérologies effectuées en France stable depuis 2006
5 millions (soit 77/1000 habts) dont 8% en CDAG
(Cazein F. InVS, BEH 2011)
Obstacles connus : étude européennes (non françaises) ou américaines
(Deblonde J. Eur. J. Public Health 2010)
Patients
à  Pb d’accès au dépistage?
à  Déni, peur du résultat, de la maladie, de la perte de confidentialité, de la
stigmatisation, méconnaissance des traitements et de leur gratuité..
à  impossibilité pour certains patients d’identifier les risques auxquels ils ont
été exposés.
Professionnels de santé
•  Difficultés à mettre en œuvre le dépistage ciblé vécu comme anxiogène et
parfois stigmatisant
•  Manque de temps, processus du consentement vécu comme pénible,
manque d’habilité, de connaissances, autres tâches prioritaires…(Burke RC
AIDS 2007)
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Les médecins généralistes français sont réticents au
dépistage systématique
1.  Enquête Baromètre Santé : pratiques et opinions de médecins
généralistes en matière de prévention (Gautier A el. Adsp 2010)
• 
• 
• 
• 
• 
Échantillon représentatif de 2000 MG (11/2008-1/2009)
Dernier test de dépistage du VIH : 58,2% à la demande du patient; 34% à
l’initiative du médecin, 7% dans le cadre d’un protocole de dépistage
Test systématiquement proposé dans le cadre d’une IST 72,9%, aux personnes
originaires de pays de forte endémie 34,8%, aux personnes connaissant un
changement de vie affective 23,5%
63% des MG ne sont pas disposés à proposer un test aux personnes sans
facteur de risque apparent et n’ayant pas fait de test depuis longtemps
Proposition de dépistage du VHC et VHB: aux usagers de drogues IV ou
nasales 73,1% et 76,6% respectivement; aux personnes tatouées 21,7% (VHC) et
aux personnes originaires d’un pays d’endémie 38,6% (VHB ).
2.  Pialoux et al. Poster JNI 2011
• 
Sur 315 MG ayant répondu à une enquête via internet 56% sont réticents
invoquant la difficulté de convaincre le patient et 44% reconnaissent qu’ils ne sont
pas convaincus eux-mêmes de l’intérêt d’un dépistage systématique.
3.  Pas de données qualitatives correctes en France
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Patients vivant avec le VIH, non dépistés, ayant consulté
en médecine générale. Combien? pourquoi?
•  Aspects quantitatifs : mesurer les occasions manquées de
dépistage:
•  Études anglaises et irlandaises chez les patients nouvellement
diagnostiqués.
•  76% des Africains nouvellement diagnostiqués à Londres avaient vu leur
GP dans l’année. (Burn FM, AIDS 2008)
•  Étude française ANRS en cours. (Ysadanpanah Y et al)
•  Nécessité d’études qualitatives en médecine générale
1. 
2. 
3. 
4. 
Représentations des patients consultant en médecine générale
Représentations des MG
Données spécifiques aux soins primaires
Données liées à l’organisation du système de santé
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Dépistage universel de l’infection par le VIH en médecine
générale: quel temps, quel investissement?
Quelques caractéristiques de l’exercice de la médecine générale
–  Gestion concomitante de plusieurs demandes ou problèmes
émergents dans une consultation
–  Démarche centrée sur le patient : faire partager une
problématique pour laquelle il n’est a priori pas demandeur ou
pas concerné
–  Une démarche de prévention est rarement monothématique
(principe de globalité)
–  Suivi au long cours qui implique une relation stabilisée sans
rupture
–  Aspects relationnels et éthiques
–  Expliquer le pourquoi et le comment de procédures qui requièrent
l’accord du patient exclut une prescription sur la base d’un accord
présumé et non explicite (dit « opt out screening »)
•  Respect du principe d’autonomie : droit du patient de décider pour
lui même. Respect de la confidentialité
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Il faut multiplier les propositions de test et
privilégier l’entretien orienté
–  Développer des outils de dépistage simples tenant compte des
caractéristiques comportementales et démographiques des patients
–  Réagir devant les « situations » à prévalence élevée du VIH (> 0,1%)
observées en ville : IST, dysplasie du col, pneumopathies, candidose, perte de
poids inexpliquée etc….
–  Aborder facilement la sexualité en consultation
•  44% des MG d’Anvers s’intéressent à la sexualité de leur patient
(Verhoeven V. Parctice 2003)
•  95% des patients suisses trouvent normal de s’occuper de sexualité en
consultation (Meystre-Agustoni, Swiss Med Weekly2011)
–  Repérer les circonstances favorisant la proposition de test :
•  consultations d’adolescents, demande de bilan, de certificats de sport,
nouveau patient, frottis, désir de grossesse, contraception, IVG, retard de
fécondité, voyage, rupture sentimentale, isolement etc….
–  Autres propositions issues de la recherche en médecine générale++
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Conclusion
•  Nécessité d’évaluer, en médecine générale, la faisabilité et
l’impact du dépistage du VIH en population générale hors notion
de risque d’exposition ou de contamination, avec des méthodes
quantitatives et qualitatives validées.
•  En attendant de disposer de davantage de données
scientifiques solides, le CNGE ne recommande pas le dépistage
universel comme le préconise la HAS.
•  Il recommande de renforcer la stratégie de dépistage ciblée en
saisissant toutes les occasions de proposer aux patients, si les
conditions de la consultation l’autorisent, un test ELISA
classique et le cas échéant, un dépistage des autres infections
sexuellement transmissibles.
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