DOSSIER PEDAGOGIQUE
La Balade du grand macabre
Michel de Ghelderode
Distribution
Mise en scène : Stephen Shank
Avec
Avec
Philippe Allard : Sire Goulave
Didier Colfs : Videbolle
Jessica Gazon : Jusemina
Eric Breton le Veel : Basiliquet
Peter Ninane : Adrian
Françoise Oriane : Salivaine
Michel Poncelet : Porprenaz
Pascal Racan : Nékrozotar
Jean-François Rossion : Aspiquet
Une production de DEL Diffusion et du Théâtre Royal des Galeries
Dates : du 12 au 16 septembre 2006
Lieu : Aula Magna
Durée du spectacle : 1h10 – entracte – 1h
Réservations : 0800/25 325
Contact écoles :
Adrienne Gérard
0473/936.976 – 010/47.07.11 – [email protected]
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I. L’auteur, Michel de Ghelderode
Celui qui allait devenir Michel de Ghelderode est né le 3 avril 1898, rue de l’Arbre
Bénit, à Ixelles, comme quatrième enfant d’une famille modeste flamande. Son véritable nom
était Adémar Adolphe Martens. Le pseudonyme “de Ghelderode” qu’il s’est choisi viendrait
de “Ghelrode”, un village situé entre Louvain et Aarschot.
De 1906 à 1914, Adémar Martens fait ses études en français à l’institut Saint-Louis,
collège catholique de Bruxelles. Il vit dans une ambiance religieuse qui le terrifie, et lorsqu’il
perdra la foi en Dieu à l’adolescence, il continuera à croire aux puissances du Mal.
On m’a trop souvent menacé naguère, mes parents et les prêtres, et ma
vie s’est édifiée sur la peur (…) Le prêtre clamait dans l’oratoire où l’on nous
rassemblait le soir, pareils à des coupables. Et nous baissions le front. Un vent
glacial nous frôlait la nuque et nous redoutions que la porte s’ouvrît et que
quelqu’un d’invisible vînt appréhender l’un de nous.
L’existence du diable est certaine, il suffit de regarder autour de soi. Dieu
se manifeste rarement.
Son père, employé aux archives du Royaume, lui donne le goût de l’histoire,
particulièrement pour les époques du Moyen Âge, de la Renaissance et de l’Inquisition.
Je me sens vraiment le contemporain de ces gens du Moyen Âge ou de
la pré-Renaissance. Je sais d’eux comment ils vivent et connais chacune de
leurs occupations. Je suis familier de leur cerveau et de leur cœur comme de
leur logis et de leur boutique.
De sa mère, il retiendra les légendes et histoires des petites gens racontées au coin
du feu.
Au cours de l’hiver 1914-15, une grave maladie (le typhus) l’oblige à garder la
chambre. Il écrit. Il griffonne quelques poèmes et se familiarise avec les écrivains de son
pays. La lecture de Charles De Coster (né dans la même rue que lui!) va le pousser vers la
littérature.
En 1918, à l’âge de 20 ans, il publie ses premières oeuvres: trois contes et une
première pièce de théâtre, La Mort regarde à la fenêtre. Après son service militaire, il
travaille comme vendeur à la librairie Lebègue, où il fait la connaissance de Jeanne-
Françoise Gérard, qu’il épousera en 1924. En 1923, il entre comme archiviste à la Maison
communale de Schaerbeek.
En 1925, c’est la création en néerlandais du Mystère de la Passion, la première de
ses pièces pour marionnettes. Ensuite, sa production théâtrale s’intensifie: il commence à
être joué de plus en plus fréquemment, surtout en Flandre. Le “Vlaamsche Volkstooneel”,
une compagnie flamande qui se veut populaire et d’avant-garde lui commande une série de
pièces. Celles-ci, écrites en français, sont aussitôt traduites et créées en néerlandais.
Pour le VVT, il a écrit Pantagleize, La Balade du Grand Macabre (1934), Barrabas
et Sortie de l’acteur (à la mémoire du comédien-vedette de la troupe, Renaat Verheyen).
Ghelderode cesse d’écrire pour le théâtre et redevient conteur. Il publie Sortilèges en
1941. Son état de santé s’altère considérablement: l’asthme l’éreinte de plus en plus.
Après la guerre, Ghelderode est découvert par les Français, en particulier avec la
création de Fastes d’enfer. Paris connaîtra dès lors quelques années de “ghelderodite
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aiguë”. Le théâtre de Ghelderode est publié chez Gallimard et commence à être joué dans le
monde entier. Ghelderode est heureux de ce qui lui arrive, mais l’énergie créatrice l’a quitté.
Il écrit une pièce encore, sur commande, pour un grand spectacle en plein air à
Woluwé : Marie la Misérable.
Ghelderode passe la fin de sa vie dans la même solitude qui a marqué son enfance.
Il se croit oublié de tous, ignorant que des amis se mobilisent auprès de l’Académie
suédoise, afin que le prix Nobel de littérature lui soit décerné. Michel de Ghelderode meurt à
Schaerbeek, le premier avril 1962.
Ghelderode, c’est le diamant noir qui ferme le collier de poètes que la
Belgique porte autour du cou. Ce diamant noir jette des feux cruels et nobles. Ils
ne blessent que les petites âmes. Ils éblouissent les autres. Jean Cocteau
II. De l’édition à la scène, un long cheminement
La première édition de La Balade du Grand Macabre paraît le 15 décembre 1935,
mais l’ouvrage est publié à 300 exemplaires “non destinés au commerce” ; Roland Beyen
précise “que le dramaturge n’en distribua qu’une cinquantaine à des amis et à des critiques
et qu’il brûla le reste dans son poêle pendant et après la guerre, pour se chauffer”.
La pièce devait ensuite figurer, en 1943, dans le troisième et dernier volume du
Théâtre complet, paru à Bruxelles, aux Editions du Houblon.
Après l’oubli relatif où est tombée l’œuvre de Ghelderode durant les années qui ont
suivi la Libération, on sait que cette œuvre fait l’objet d’un intérêt nouveau en France, une
fois découvert par les théâtres parisiens. C’est ainsi que les Editions Gallimard commencent
en 1950 à publier son Théâtre, qui comportera du vivant de l’écrivain cinq volumes (le
sixième ne devant paraître qu’en 1982). La Balade du Grand Macabre appartient au
deuxième volume, qui paraît en 1952. A cette date, la pièce n’a encore jamais été
représentée.
Sa création sur la scène aura lieu en France, d’abord assez discrètement à Lyon, en
février 1953, dans une mise en scène de Roger Planchon -encore peu connu à cette
époque-, puis en octobre 1953, à Paris, au Studio des Champs-Elysées, dans une mise en
scène de René Dupuy. Ce dernier, craignant d’effrayer le public avec le mot “macabre”, a cru
devoir changer le titre de la pièce, qui devient, en dépit de l’opposition de l’auteur, La Grande
Kermesse. Cette création parisienne, qui a lieu au moment de la plus grande vogue du
dramaturge, entraînera un grand nombre de réactions des critiques, favorables ou non à
l’œuvre. A partir de là, la carrière de la pièce sera fulgurante : jouée à Stockholm dès le mois
de mai 1954, elle sera traduite dans de nombreuses langues, et représentée dans un grand
nombre de pays d’Europe, notamment en Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas, en Pologne.
Plusieurs fois reprise en Belgique, tant en Flandre dans une adaptation néerlandaise
qu’en Belgique francophone, La Balade du Grand Macabre est l’une des pièces les plus
jouées de Ghelderode.
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III. Le spectacle
Créé en plein air dans les ruines de l’abbaye de Villers-la-Ville en juillet 2006, le
spectacle a ensuite été retravaillé pour être adapté en salle. Il a alors été présenté au
Festival de Théâtre de Spa, mi-août 2006, avant d’être accueilli à l’Aula Magna de Louvain-
la-Neuve. Il poursuivra sa route au Théâtre Royal des Galerie en novembre 2006.
Le résumé de la farce
Dans la principauté de Breugellande, un homme, qui se fait appeler Nékrozotar,
tombe du ciel, effraye un ivrogne et annonce la fin du monde. Serait-ce l’Ange du Mal
débarquant pour faucher les vivants ? A la cour du Prince Goulave, monarque bégayant, à la
merci de ministres corrompus, on se prépare au désastre. Aux yeux des habitants de
Breugellande, tout va sombrer. D’ailleurs, une comète d’apocalypse était prédite. Nékrozotar
–notre grand macabre- sympathise avec quelques-unes de ses futures victimes: le
débonnaire Porprenaz, le philosophe astronome Videbolle et Salivaine, sa redoutable
compagne. Il se produit en effet un cataclysme météorique… Que deviendra le visionnaire
qui se croyait l’incarnation de la Mort ?
Le mot du metteur en scène
La rencontre avec Michel de Ghelderode
(…) J’avais quinze ans, je crois, lorsqu’un rideau s’ouvrit sur un arbre, dans la petite
salle culturelle de la place de Genval, à côté de la vieille Eglise… C’est alors qu’une fenêtre
s’est ouverte sur un monde qui était le mien. Je n’étais plus seul. Il y avait des couleurs
ocres, brunes, rouges et noires, des tons vieux rose, terre de Sienne. Il y avait des odeurs
d’automne, de vin, de fromage, de sueur, des parfums de cave, de vieux os et de femme. Il y
avait des cloches, des clochettes, et encore des cloches. Il y avait un ivrogne heureux. Il y
avait un homme solitaire mi-cadavre mi-bouffon, venu d’ailleurs et tombé de cet arbre de vie.
Il annonçait la mort imminente de la planète entière. Il y avait aussi un philosophe qui portait
une jupe, un ravi, qui regardait les étoiles, battu par une femme qui gueulait l’impuissance
des hommes. Un roi bégayeur et gourmand entouré de ministres usurpateurs, alourdis par
leurs mensonges et leurs charges, impotentes et affamés de pouvoir. Et puis aussi… un
ivrogne heureux…
Voilà des gens qui connaissaient la peur, le désarroi, l’abandon, le faux, le
mensonge, la tromperie, les excès, l’amour et la mort qui n’avaient pas peur de le dire et qui
se trouvaient par la magie du théâtre flottant dans la grâce, légers, aériens, et drôles. Non,
chantait cette farce, il n faut pas avoir peur de la mort. Elle est là, mais elle meurt aussi.
Gérard Vivane avait monté La Balade du grand macabre avec Georges Bossair dans
le rôle de Nékrozotar, et Suzy Falk dans le rôle de Salivaine. J’en étais le spectateur
stupéfait. Je ne serais plus jamais le même. Il y a eu avant le Grand Macabre et il y a eu
l’après.
Et puis il y avait l’auteur de cette farce, qui semblait sentir dans sa chair l’identité
indéfinie, intangible, brumeuse comme le pays lui-même dont il était issu ; l’identité trouble
de ceux qui y vivent, de tous ceux, en fait, qui vivent sur cette planète. Et puis il y avait son
regard, perçant, ironique et triomphant. Il y avait Michel de Ghelderode, notre Shakespeare,
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mais qui n’est pourtant pas tragique, lui. Non, Michel de Ghelderode n’est pas grec : chez lui
aucune tentative de se surpasser, aucun vol trop prêt du soleil, aucune noyade fatale.
Comme Breughel qui se rit de la chute d’Icare, et refuse d’en faire un cas (il en fait plutôt un
événement insignifiant au milieu de la vie qui se poursuit, les champs qui se labourent, les
ouvriers qui dorment), Ghelderode aussi sait que, quoi que l’on veuille, on se retrouve
toujours dans la merde et quand on y est ce ne sera qu’un grand rire qui nous en relèvera,
nous remettra debout avec un souffle nouveau.
Jouer Ghelderode n’est pas un cadeau, c’est une grâce accordée en abondance,
foisonnante, ruisselante, débordante et généreuse. Jouer Ghelderode, c’est entrer dans le
plus beau de l’être humain, dans ce qu’il a de plus laid, de plus noble, de plus traître, de plus
plat, de plus exalté, de plus fin et de plus grossier, de plus tendre et de plus violent. C’est
pénétrer, à coup de hache, dans la solitude de nos fissures, de nos blessures d’hommes et
de femmes et y trouver l’esprit, l’âme, et le cœur.
La particularité de Villers-la-Ville
Cet été 2006 voit ma septième participation à un spectacle à Villers avec La Balade
du Grand Macabre de Michel de Ghelderode. Shakespeare fut mon premier parcours
initiatique dans ce lieu théâtral d’été. 1995 : Hamlet à Villers-la-Ville. Oui, c’est comme
comédien que j'ai atterri dans cet endroit unique dans le paysage théâtral belge... Il n’y a pas
une masse d’endroits où, dans l’esprit du théâtre populaire de tous les temps (théâtre
antique, mystère, commedia, ou chambre de rhétorique), le comédien ou la comédienne,
sous le soleil couchant ou la lumière des étoiles, peut crier nos morts à tous, soupirer nos
amours à tous, hurler nos brisures à tous, ou faire éclater des rires gras dans un souffle
commun avec un millier de personnes en attente de ces cris, de ces soupirs, de ces rires
que nous connaissons tous. Villers-la-Ville est un de ces endroits, avec la cour des Papes en
Avignon, avec Shakespeare in the Park à New York, avec l’Opéra de Santa Fe... Qu’on aime
la démarche ou qu’on la haïsse, Villers est incontournable, et peut s’afficher sans honte avec
ces lieux mythiques. C’est un privilège d’avoir les jambes qu’il faut (des centaines de
kilomètres marchés chaque été entre loges et plateaux, de plateau à plateau, sur les
plateaux) ! C’est un privilège d’avoir le souffle qu’il faut, et se découvrir la puissance d’une
voix qui peut faire taire les oiseaux ou faire sangloter au vingtième rang ! C’est un privilège
que de tisser, chaque soir, le fil ténu d’une histoire qui déferle ou rebondit, qui se glisse et
s’immisce tout en tendresse et pudeur entre les plateaux agrippés aux vieux murs et un
millier de personnes en attente dans la douceur d’un soir d’été, le froid, la pluie ou le soleil
couchant. Quoiqu’on en dise, c’est un privilège, une jouissance.
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