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III. Le spectacle
Créé en plein air dans les ruines de l’abbaye de Villers-la-Ville en juillet 2006, le
spectacle a ensuite été retravaillé pour être adapté en salle. Il a alors été présenté au
Festival de Théâtre de Spa, mi-août 2006, avant d’être accueilli à l’Aula Magna de Louvain-
la-Neuve. Il poursuivra sa route au Théâtre Royal des Galerie en novembre 2006.
Le résumé de la farce
Dans la principauté de Breugellande, un homme, qui se fait appeler Nékrozotar,
tombe du ciel, effraye un ivrogne et annonce la fin du monde. Serait-ce l’Ange du Mal
débarquant pour faucher les vivants ? A la cour du Prince Goulave, monarque bégayant, à la
merci de ministres corrompus, on se prépare au désastre. Aux yeux des habitants de
Breugellande, tout va sombrer. D’ailleurs, une comète d’apocalypse était prédite. Nékrozotar
–notre grand macabre- sympathise avec quelques-unes de ses futures victimes: le
débonnaire Porprenaz, le philosophe astronome Videbolle et Salivaine, sa redoutable
compagne. Il se produit en effet un cataclysme météorique… Que deviendra le visionnaire
qui se croyait l’incarnation de la Mort ?
Le mot du metteur en scène
La rencontre avec Michel de Ghelderode
(…) J’avais quinze ans, je crois, lorsqu’un rideau s’ouvrit sur un arbre, dans la petite
salle culturelle de la place de Genval, à côté de la vieille Eglise… C’est alors qu’une fenêtre
s’est ouverte sur un monde qui était le mien. Je n’étais plus seul. Il y avait des couleurs
ocres, brunes, rouges et noires, des tons vieux rose, terre de Sienne. Il y avait des odeurs
d’automne, de vin, de fromage, de sueur, des parfums de cave, de vieux os et de femme. Il y
avait des cloches, des clochettes, et encore des cloches. Il y avait un ivrogne heureux. Il y
avait un homme solitaire mi-cadavre mi-bouffon, venu d’ailleurs et tombé de cet arbre de vie.
Il annonçait la mort imminente de la planète entière. Il y avait aussi un philosophe qui portait
une jupe, un ravi, qui regardait les étoiles, battu par une femme qui gueulait l’impuissance
des hommes. Un roi bégayeur et gourmand entouré de ministres usurpateurs, alourdis par
leurs mensonges et leurs charges, impotentes et affamés de pouvoir. Et puis aussi… un
ivrogne heureux…
Voilà des gens qui connaissaient la peur, le désarroi, l’abandon, le faux, le
mensonge, la tromperie, les excès, l’amour et la mort qui n’avaient pas peur de le dire et qui
se trouvaient par la magie du théâtre flottant dans la grâce, légers, aériens, et drôles. Non,
chantait cette farce, il n faut pas avoir peur de la mort. Elle est là, mais elle meurt aussi.
Gérard Vivane avait monté La Balade du grand macabre avec Georges Bossair dans
le rôle de Nékrozotar, et Suzy Falk dans le rôle de Salivaine. J’en étais le spectateur
stupéfait. Je ne serais plus jamais le même. Il y a eu avant le Grand Macabre et il y a eu
l’après.
Et puis il y avait l’auteur de cette farce, qui semblait sentir dans sa chair l’identité
indéfinie, intangible, brumeuse comme le pays lui-même dont il était issu ; l’identité trouble
de ceux qui y vivent, de tous ceux, en fait, qui vivent sur cette planète. Et puis il y avait son
regard, perçant, ironique et triomphant. Il y avait Michel de Ghelderode, notre Shakespeare,