remet pas en question cette différenciation entre essence réelle et essence nominale; il tente
pourtant d’établir que l’essence réelle des choses demeure inconnaissable et que la seule
manière d’appréhender un individu, un substance particulière, passe par la connaissance des
essences nominales.
L’argument majeur pour soutenir cette thèse repose sur la différence qui existe dans
l’entendement entre l’expérience des existences réelles et individuelles par idées simples et la
connaissance de l’essence de ces individus. D’abord, l’expérience donne à l’entendement des
idées simples, concept sur lequel je reviendrai un plus loin dans ce texte. Les différentes
données de l’expérience, les idées simples, permettent à l’esprit de constater des
ressemblances entres les choses particulières et de former des idées complexes et générales
désignant des classes d’objets partageant plusieurs qualités (II.xi.9). C’est là qu’on peut
comprendre l’impossibilité pour Locke, que Leibniz remet en question, d’une connaissance
des essences réelles, soit des substances. La connaissance se manifeste surtout par idées
générales exprimant l’essence nominale des choses. Par exemple, ayant perçu une similitude
entre différents objets rouges, l’entendement forge l’idée générale de rougeur rendant possible
une connaissance de l'essence de ce concept. Les idées abstraites formées par l’entendement
sont les essences des genres et des espèces (III.iii.12); c’est à partir de ces idées qu’une
connaissance trouve alors sa possibilité. C’est pourquoi Locke affirme que rien n’est essentiel
aux individus, sauf leurs appartenances à divers genres ou espèces, leurs conceptions par
idées générales : « […] take but away the abstract ideas by which we sort individuals, and
rank them under common names, and then the thought of anything essential to any of them
instantly vanish. » (III.vi.4). Par l’expérience, on observe des ressemblances entre choses
singulières, mais une connaissance de l’essence des individus repose nécessairement sur des
idées générales et donc seule leur appréhension par essences nominales peut se réaliser;
comme ces essences nominales sont forgées par l’entendement, elles ne se traduisent pas en