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Le terme de bois mort concerne toutes les parties de l’arbre : les branches et les racines, l’écorce, ainsi 
que les parties mortes des arbres encore vivants. La nécromasse la plus importante est évidemment 
celle  stockée dans les  troncs,  qui peut représenter    dans certaines forêts tempérées des valeurs de 
l’ordre de plusieurs centaines de tonnes à l’hectare. Ces quantités considérables de bois mort sont des 
réservoirs  de  matière  organique,  qui  ne  seront  restitués  à  l’écosystème  que  graduellement,  sauf 
événements  tels  que  le  feu.  La  transformation  de  la  matière  organique  en  matière  minérale  est  en 
effet  très  graduelle,  et  ce  d’autant  que  le  climat  est  froid,  le  sol  acide  et  les  espèces  résistantes 
chimiquement.  Le  stockage  à  long  terme  évite  le  lessivage  par  fortes  pluies,  contrairement  à  la 
fertilisation artificielle, contribuant à augmenter la résilience de la forêt après de fortes perturbations, 
lorsque beaucoup de bois mort est à terre. 
 
Le  bois  mort  accumule  aussi,  entre  nombreux  éléments,  azote  et  carbone,  grâce  à  une  activité 
bactérienne durant la décomposition. 215 tonnes de bois mort accumulés dans un hectare de forêt 
contiennent près de 300 kg d’azote. L’arbre mort accumule aussi de grandes quantités d’eau, lors des 
épisodes de pluie et lors du processus de décomposition des tissus. Cette capacité varie bien entendu 
avec l’espèce et le climat (la capacité est plus grande en climat humide), mais tous les troncs finissent 
par être gorgés d’eau. Ces troncs peuvent donc être considérés comme des réservoirs d’eau et  un 
modérateur du microclimat forestier. Ces propriétés sont particulièrement importantes dans les sols 
rocheux les sols peu profonds ou les milieux arides.  
  
Le bois mort est essentiellement composé de cellulose (40-60%), hémicellulose (25-35%), lignine (21-
30%).  Il  s’y  adjoint  des  composés  secondaires  tels  que  résine,  cire,  tanins,  alcaloïdes.  Ces 
caractéristiques physiques et chimiques des bois varient   cependant avec l’espèce (densité du bois, 
métabolites secondaires de résistance aux pathogènes, résistance à la friction), et elles déterminent 
ainsi le destin  de l’arbre : de  son  vivant, sa  vulnérabilité aux  attaques pathogènes ou au  climat, sa 
résistance  à  l’invasion.  Ces  mêmes  propriétés  déterminent  aussi  quelles  espèces  vont  l’envahir  et 
quel  sera  le  temps  de  sa  décomposition.  En  forêt  tempérée,  la  décomposition  totale  d’un  arbre, 
qu’elle intervienne à la suite d’une mort rapide ou durant un long processus de sénescence, s’étend 
sur des dizaines d’années, voire des siècles. 
 
Les  arbres  sénescents  servent  de  refuge  et  d’abri  pour  la  reproduction  à  un  très  grand  nombre 
d’espèces,  qui  disparaissent  lorsque  les  forêts  sont  artificialisées.  Les  plus  typiques  sont  pour  les 
cavicoles  primaires  et  secondaires,  les  chauves-souris.  Les  souches  d’arbres  morts  servent  de 
reproduction au loup, de nourriture à l’ours s’il trouve des nids d’hyménoptères.  
Les  qualités  fonctionnelles  des  bois  sénescents  et  morts  expliquent  les  pertes  de  biodiversité 
considérables quand elles ne sont pas prises en considération dans la gestion forestière.  
 
 
Annik Schnitzler 
Laboratoire Interdisciplinaire des Environnements continentaux (LIEC). UMR 7360 CNRS 
Université de Lorraine