81
Delphine Cezard
LES CAHIERS DE L’IDIOT
I
e
tacle du corps, et cela réserva naturellement à la femme un rôle de
premier plan dans ses spectacles » (Auguet, 1974 : 25). Sa présence
d’écuyère ne tranchait pas avec cette force dont elle devait jouir et
Tristan Rémy donne un exemple bien parlant : « Antoinette Loyal,
dite Léris Loyal, l’ écuyère, mimait la femme ivre au cours d’un
numéro d’acrobatie à cheval […]. Mais les protagonistes de cette
pantomime équestre étaient vêtus bourgeoisement. Leur ivresse
au champagne étant une ivresse de riche sans traits communs avec
l’ ébriété du pochard à trognes rouge. » (Rémy, 2002 : 265) Le rôle
clownesque de la femme reste très limité, son ivresse par exem-
ple restant une ivresse maîtrisée, sans dégradation ni altération de
son image sociale de femme scandaleusement belle. Cependant, le
contexte appelant à ce qu’ un clown ne se présente plus seul, les
femmes se sont immiscées parmi les clowns. C’ est ainsi par exem-
ple que Madame de Cairoli deviendra « comédienne » (Ibid. : 280)
auprès de son mari. La femme clown ne l’ a pas été de son gré dans
cet exemple ainsi que celui de Mademoiselle Flora Fernando, qui
« accepta de devenir clownesse » (Ibid. : 344). On observe d’ailleurs
que les rares femmes ayant pu devenir Augustes se défendaient de
le voir comme une vocation, donnant plutôt l’ impression d’y être
contraintes. Ce fait révèle qu’ il n’ était pas acquis qu’ une femme puisse
endosser ce rôle et leur permettait en contrepartie de se préserver des
critiques que cela pourrait susciter. Colette Cosnier-Hélard dans son
article Le Clown et la demoiselle engage une rétrospective tout à fait
éclairante : « C’ est en 1928, qu’ est mentionnée celle qui est sans doute
la première femme clown, Yvette Damoiseau-Spiessert, qui apparaît
dans le trio Léonard au cirque Pinder, et dont on nous dit : « Son
grimage outrancier, ses grosses lunettes, sa défroque d’Auguste la
camouait si bien que le fait demeura à peu près inconnu du public ».
Retenons le mot « camoufler », comme s’il avait été indispensable de
taire qu’ une femme avait revêtu cette défroque grotesque, comme
s’il importait surtout qu’ elle se f it oublier ». On précise aussi qu’ elle
était f ille de directeur et quand on lui demandait pourquoi ce goût
pour la clownerie, elle répondait « pour suivre [son] mari » (Cos-
nier-Hélard dans Vigouroux-Frey, 1999 : 68). Il est impossible de