sujet4 », en vue de dégager ensuite leur articulation philosophique
primordiale. On comprend mieux, dès lors, son exhortation à la
lecture de romans, si l’on considère que la forme romanesque
constitue à ses yeux l’authentique terrain nourricier dont dispose la
philosophie pratique aujourd’hui, le lieu de confluence cardinal des
legomena, c’est-à-dire l’espace de cristallisation de « ces échantillons des
manières communes de penser qui sont la matière première de la
philosophie pratique5 ».
Que le lecteur ait l’indulgence d’excuser cette digression
d’ouverture, car celle-ci, bien loin d’avoir pour simple vocation
d’offrir aux développements qui suivront le lit commode d’une
justification a priori, répond surtout de la nécessité de mettre au jour
nos postulats les plus essentiels. Or ces postulats, il ne revient pas
seulement à Descombes, mais aussi à Philippe Sabot d’en avoir
admirablement formulé la trame. Ce dernier, en effet, a su si bien
énoncer la thèse d’un décloisonnement du philosophique et du
littéraire – dans le sillage notamment de Jacques Derrida – que nous
avons préféré le citer longuement plutôt que de prendre le risque
d’une paraphrase indigne de son original :
Il faut […], écrit Sabot, accepter que les textes littéraires
reçoivent le statut de véritables opérateurs théoriques, en
tant qu’ils procèdent, de manière absolument singulière, à
l’élaboration ou à la réélaboration de certaines questions
philosophiques ou de certains philosophèmes. Le nouage
du philosophique et du littéraire n’est donc pas ici la
composition artificielle de deux formes de discours
hétérogènes qu’il serait possible de séparer et de rendre à
leur pureté constitutive (la Littérature, ou le littéraire, d’un
côté, la Philosophie, ou le philosophique, de l’autre), mais
bien l’opération des textes littéraires eux-mêmes, en tant
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4 Descombes, V. (1987), Proust, Philosophie du roman, p. 18. Cf. Aristote,
Éthique à Nicomaque, notamment au début du livre VII.
5 Ibid, p. 17.