www.physifolies.fr La supraconductivité, qu’est-ce que c’est? Un métal conducteur standard comme le cuivre possède une résistance électrique. C’est sous l’action de cette résistance qu’un fil parcouru par un courant s’échauffe: c’est l’effet Joule. Au contraire, les matériaux supraconducteurs ont une résistance électrique nulle : ils ne s’échauffent jamais sous l’action d’un courant électrique. Ils sont également capables d’exclure les champs magnétiques, avec comme conséquence spectaculaire la lévitation magnétique. Une question de température… C’est en 1911 que Gilles Holst, étudiant en physique sous la direction du physicien néerlandais Heike Kamerlingh Onnes, découvre que le mercure refroidi à une température de –268,8°C (4,2 K) perd brutalement toute résistance électrique. On comprendra très vite que tout supraconducteur possède une L’effet Meissner (a) (b) température critique TC: en dessous de TC, il est supra-conducteur ; au dessus, il ne l’est plus. En 1933, les physiciens allemands Walter Meißner et Robert Ochsenfeld découvrent qu’un échantillon supraconducteur soumis à un champ magnétique extérieur expulse celui-ci : c’est l’effet Meissner. L’effet Meissner est illustré ci-contre: dans un matériau normal (schéma a), le champ magnétique est le même à l’intérieur et à l’extérieur. Un supraconducteur repousse les lignes de champ (schéma b) et va ainsi léviter dans le champ magnétique. En 1957, les physiciens américains John Bardeen, Leon Cooper et John Schrieffer élaborent la théorie BCS, qui explique pour la première fois la provenance de la supraconductivité. Il aura fallu près de 40 ans pour qu’une explication satisfaisante de la supraconductivité soit trouvée. Il s’agit en fait d’un phénomène quantique d’appariement des électrons. En mars 1986, après 75 ans de recherches, le supraconducteur ayant la température critique la plus élevée est le niobiure de Germanium (Nb3Ge). Elle est encore de TC = –250°C (23,3K). Pour atteindre des températures aussi basses, on utilise l’hélium liquide, coûteux et très contraignant. Les applications industrielles de la supra-conductivité s’en trouvent donc très ralenties. Des supraconducteurs à haute température En avril 1986, le physicien suisse Karl Müller et le physicien allemand Johannes Georg Bednorz élaborent un nouvel alliage à base de lanthane, dont la température critique monte à 35 K. C’est le début d’une nouvelle ère : moins d’un an plus tard, le seuil des –196°C (77K) était franchi. –196°C, c’est la température de l’azote liquide, beaucoup moins chère à produire et bien plus facile à manipuler que l’hélium liquide. Les supraconducteurs entrent dans l’ère industrielle ! température 5 prix Nobel pour la supraconductivité ! oxydes de cuivre, de mercure de baryum et de calcium -133°C (140K) 1913: prix Nobel de physique à Heike Kamerlingh Onnes pour ses recherches sur les propriétés de la matière à basse température, qui menèrent, entre autres, à la production de l’hélium liquide. oxydes de cuivre, de thallium de baryum et de calcium -153°C (120K) oxydes de cuivre, de bismuth de strontium et de calcium -173°C (100K) oxydes de cuivre, d’yttrium et de baryum -193°C (80K) 1972: prix Nobel de physique à John Bardeen, Leon Neil Cooper et John Robert Schrieffer pour la théorie qu’ils ont développée conjointement sur la supraconductivité, appelée maintenant la théorie BCS. YBaCuO azote liquide 1973: prix Nobel de physique à Leo Esaki, Ivar Giaever et Brian David Josephson pour leurs découvertes expérimentales concernant l’effet tunnel dans les semiconducteurs et les supraconducteurs. -213°C (60K) oxydes de cuivre, de lanthane et de baryum -233°C (40K) -253°C (20K) -273°C (0K) 1910 1920 niobiure de germanium germanate d’étain nitrate de niobium niobium mercure plomb 1930 1940 1950 1960 1987: prix Nobel de physique à J. Georg Bednorz et K. Alexander Müller pour leur importante percée dans la découverte de la supraconductivité dans les céramiques. 1970 1980 1990 2003: prix Nobel de physique à A.A. Abrikosov, V.L. Ginzburg et A.J. Leggett pour leurs contributions innovantes à la théorie des supraconducteurs et des superfluides. 2000 Des supraconducteurs à température ambiante ? Les chercheurs continuent à rechercher le moyen d’obtenir de la supraconductivité à température ambiante. En septembre 2012, des physiciens de Leipzig, en Allemagne, annoncent des résultats très encourageants avec du graphite dopé, qui montre des signes de supraconductivité jusqu’à des températures supérieures à 100°C. À suivre… Les trains à lévitation magnétique www.physifolies.fr Ça ressemble à de la science-fiction, et pourtant, les trains à lévitation magnétique existent déjà ! Le Transrapid a été développé en Allemagne. Il utilise la lévitation magnétique standard, sans supraconducteur. Une ligne commerciale, le SMT (Shanghai Maglev Train) de 30 km est exploitée depuis 2004 entre Shanghai et son aéroport (7mn 20s à la vitesse maximale de 431 km/h). Le Limino, à Aichi, près de Nagoya, au Japon, est le premier maglev urbain, une sorte de métro qui desservait l’exposition universelle de 2005. Il compte 9 stations sur 8,9 km de long et une vitesse de pointe de 100 km/h. Le JR-Maglev japonais est encore en phase de test. Il fonctionne aussi sur le principe de la lévitation magnétique standard, avec des électroaimants supraconducteurs refroidis à l’hélium liquide. Il détient le record de vitesse pour un train (581 km/h). Actuellement, la ligne expérimentale, d’une cinquantaine de kilomètres de long, devrait à terme être intégrée dans une liaison Tokyo-Osaka. De nombreux autres projets existent ou ont existé dans le monde. Citons la liaison entre l’aéroport de Munich et le centre-ville, la liaison Londres-Glasgow, la liaison entre le sud de la Californie et Las Vegas. Les projets les plus ambitieux concernent des Vactrains: ce sont des maglevs qui circuleraient dans des tunnels basse pression. Dans ces conditions, le frottement de l’air ne limite plus la vitesse des trains, qui pourraient circuler jusqu’à 8000 km/h. Le projet le plus avancé est le Swissmetro, réseau de tunnels qui relieraient les principales villes suisses à 500km/h. Le projet le plus futuriste est un tunnel transatlantique qui mettrait Paris à moins d’une heure de New-York tout en supprimant la pollution engendrée par les avions. Mais ce n’est pas pour demain… La lévitation des aimants Quand on pose un aimant au dessus d’un autre aimant, il ne lévite pas: soit il tombe sur le coté, soit il se retourne et vient se coller à l’autre aimant: la lévitation d’un aimant sur un autre est instable. On peut cependant faire léviter un aimant sur un électro-aimant (ou l’inverse) en ajustant en permanence le champ magnétique délivré par l’électro-aimant. Par exemple, dans le cas du globe en lévitation, plusieurs électro-aimants situés dans la base ajustent leur champ magnétique de façon à ce que le globe soit toujours ramené vers sa position centrale: on parle d’équilibre dynamique. La lévitation des supraconducteurs L’effet Meissner, lui, permet de faire léviter des supra-conducteurs au dessus d’aimants, et même de les « piéger » dans le champ magnétique: on parle alors d’ancrage. Dans ce cas, le supraconducteur ne tolère plus la moindre variation du champ magnétique. En mettant des supra-conducteurs dans un train, et en créant une piste où le champ magnétique ne varie pas le long de la piste, on peut donc faire léviter le train au dessus de la voie. Si le train lévite, il n’a plus aucun contact ni frottement avec la voie, et il faut donc peu d’énergie pour le faire avancer. En fait, seule la résistance de l’air va limiter sa vitesse. Le système de lévitation Les aimants au néodyme utilisés dans les rails produisent un champ de 1,2 T. Le Nord et le Sud des aimants sont orientés de façon à ce que les lignes de champ « enveloppent » le supraconducteur contenu dans la locomotive. Avantages des Maglev par rapport aux trains traditionnels Ils ne polluent pas le long de leur trajet. Ils sont plus rapides. Leur exploitation revient beaucoup moins cher. Un système de propulsion ? L’effet Meissner permet seulement de faire léviter le train, mais encore faut-il le faire avancer ! On peut donc prévoir de rajouter un moteur traditionnel. Comme il n’y a que le frottement de l’air, il n’aura pas besoin d’être puissant. Mais il y a plus astucieux: comme il y a déjà des aimants dans la voie, on va utiliser un mode de propulsion magnétique. Pour cela, on remplace certains des aimants permanents par des électroaimants, dont on inverse la polarité au passage du train. Sur notre train, on pourrait monter le dispositif suivant : électro-aimants aimant On a rajouté un aimant sur la locomotive et des électroaimants sur la voie. Avant le passage du train, les électroaimants sont à l’arrêt. cellule photoélectrique Inconvénients des Maglev par rapport aux trains traditionnels À cause de leur vitesse, ils sont extrêmement bruyants: à 500 km/h, le JR Maglev génère pratiquement le même niveau de bruit qu’un avion (un petit jet). L’origine du bruit est exclusivement lié au déplacement et au frottement de l’air sur le train. Les infrastructures sont extrêmement coûteuses à mettre en place, et ne seront donc rentabilisées qu’à très long terme. La cellule photoélectrique permet de détecter le passage de la locomotive, qui déclenche l’allumage des bobines de l’électroaimant. Celui-ci est conçu pour générer un champ magnétique qui repousse l’aimant rajouté sur la locomotive: celle-ci est donc accélérée www.physifolies.fr L’un des inconvénients majeurs des énergies renouvelables comme le solaire ou l’éolien, c’est qu’ils produisent parfois de l’énergie quand on n’en a pas besoin, et inversement. Mais si l’on pouvait transporter l’électricité sur de longues distances, on trouverait toujours du vent et du soleil quelque part pour produire l’énergie nécessaire aux régions froides et obscures. C’est pour cette raison que les projets de super réseaux électriques se développent, notamment en extrême orient, aux États-Unis et en Europe. Pourquoi des lignes haute tension ? Fermes solaires Photovoltaïque Éolien Hydro-électrique Biomasse Géothermique La puissance transportée par une ligne électrique est proportionnelle au courant électrique et à la tension. puissance = courant x tension Par exemple, pour une tension de 220 Volts et un courant de 1 Ampère, l’énergie transportée est de 220 Watts. 220 Watts = 1 Ampère x 220 Volts Les producteurs d’électricité comme EDF doivent transporter le maximum de puissance dans une ligne électrique pour ne pas multiplier les infrastructures. Ils peuvent choisir entre des lignes à haut courant ou des lignes à haute tension. Pour alimenter 100 000 foyers (soit 200 MégaWatts), il faudrait: Haut courant (moyenne tension) : 200 MW = 6700 A x 30 kV Haute tension : 200 MW = 526 A x 380 kV Mais les lignes s’échauffent sous l’action du courant et de la résistance. La puissance de la chaleur produite par effet Joule est proportionnelle à la résistance et au carré du courant électrique. Puissance chaleur = résistance x courant2 Les câbles de cuivre ou d’aluminium utilisés dans les lignes haute tension ont une résistance d’environ 0.05 Ohms/km, soit 5 Ohm pour 100 km. La puissance dissipée sous forme de chaleur au bout de 100 km serait donc: Haut courant (moyenne tension) : 5 x 67002 = 224 MW Haute tension : 5 x 5262 = 1,4 MW Dans un transport à haut courant, toute l’énergie électrique a été transformée en chaleur avant même d’atteindre les 100 km. Et en fait, sous l’action de cette chaleur, les fils auraient fondu depuis longtemps! Sur les lignes haute tension utilisées par EDF, on a quand même perdu 1,4 MW au bout de 100 km, soit près de 1% de l’énergie totale! Et la température des câbles peut s’élever jusqu’à 80°C! On voit donc l’intérêt d’utiliser des supraconducteurs avec une résistance nulle, et donc aucune perte d’énergie! Des câbles électriques sans pertes Des électroaimants géants Les supraconducteurs permettent d’envisager de nombreuses économies en matière de transport d’énergie, par rapport aux lignes haute tension traditionnelles. Tout d’abord, il n’y a plus de pertes d’énergie dues à l’échauffement des câbles (effet Joule). Mais aussi, comme les câbles ne chauffent plus, on peut les rapprocher les uns des autres, et envisager des lignes haute tension souterraines moins encombrantes. Un électroaimant, c’est tout simplement un ensemble de bobines de fils électriques. Sa puissance est proportionnelle au nombre de spires de la bobine et au courant qui le traverse. Un électroaimant puissant nécessite donc un courant élevé, mais un courant élevé fera fondre le fil : on a donc recourt aux supraconducteurs. Dans la plupart des cas, il s’agit encore de supraconducteurs à basse Mais la première chose à faire est de construire des câbles. Or les température, refroidis à l’hélium liquide car la technologie des HTS supraconducteurs à haute température (HTS) sont des céramiques : on est trop récente pour avoir déjà pénétrer ces marchés. réalise en fait des rubans que l’on vient enrouler sur une âme métallique: Les appareils d’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) utilisent des électroaimants supraconducteurs développant une induction typique de 3 Tesla (ci-contre). Le nouvel anneau de collision de particules du CERN, le LHD, fait 27 km de long (cidessous). Il est situé près de Genève, à cheval sur la France et la Suisse. Ses électroaimants ont nécessité 7000 km de câble supraconducteur flux d’azote liquide isolant électrique âme métallique creuse conducteur HTS (phase) conducteur HTS (neutre) cryostat câble supraconducteur. Ils seront traversés par des courants de 40 000 A, pour produire des champs de 10 T. L’un des détecteurs associés, le CMS, détient le record du monde: 4 Tesla sur un volume de 460 m3. L’énergie stockée serait capable de soulever la tour Maine-Montparnasse de 2 m, ou de satelliser un homme sur la station spatiale internationale ! gaine Des câbles supraconducteurs pour transporter du courant. Si les câbles des lignes haute tension sont remplacés par des fils supraconducteurs, la résistance s’annule et il n’y a donc plus de perte d’énergie. Les compagnies d’électricité s’intéressent donc de plus en plus aux supraconducteurs. En 2007, un tronçon supraconducteur de 600 m a pour la première fois été intégré à un réseau électrique urbain, à Long Island, près de New York. Le câble est refroidi en permanence à une température de –198°C avec un flux continu d’azote liquide. La liaison est triphasée et transporte 600 MW (138 kV, 2400 A). Vous avez dit Tesla ? Le Tesla est l’unité de mesure du champ magnétique. À Lille, le champ magnétique terrestre vaut 58 µT. Les valeurs ci-contre donne la masse qui peut être soulevée avec un aimant de 1,4 cm de diamètre. 1T 1,2 T 4T 10 T 6,1 kg 8,8 kg 98 kg 612 kg www.physifolies.fr La résistance électrique Dans un métal, l’électricité consiste en un déplacement d’électrons au travers du réseau constitué par les atomes qui composent le métal. Si les atomes sont immobiles (et donc la température égale à 0 K) et en l’absence d’impuretés, les électrons se déplacent librement. En présence d’impuretés (des atomes cassent la maille du réseau) ou lorsque les atomes vibrent, les électrons peuvent entrer en collision avec des atomes. Leur énergie est transformée en chaleur : une partie de l’électricité est perdue, transformée en chaleur ; c’est la résistance. La structure du cuivre L’effet Joule P = R I2 En chauffant, le métal rougit, puis blanchit. P : puissance en watt (W) R : résistance en ohm (Ω) I : intensité en ampère (A) Le corps noir Quand on chauffe un corps, il émet de la lumière dont la couleur dépend de la température. 30 °C infrarouge 10 µm 20 µm 30 µm 1000 °C 2 µm 4 µm 6 µm 3000 °C 0.5 µm 1 µm 1.5 µm Pour voir l’infrarouge, on utilise une caméra thermique