Plus inquiétant peut-être: la réjouissance collective trouve également écho chez des
citoyens qui n'ont pas de proximité avec la nébuleuse fondamentaliste... du moins en
apparence. Sur la toile, des internautes musulmans ne cachent pas leur satisfaction :
«Bien fait pour Charlie Hebdo», «Charlie l'a cherché», etc.
Un corpus à sens multiples
De nombreux musulmans se sont levés après les carnages de Paris pour dénoncer ces
actes et souligner que ce n'est pas l'Islam.
De nombreux jihadistes agissent en justifiant leurs actes par l'islam. 'Tuez, Dieu vous le
commande!', c'est un peu l'injonction de Ben Laden, de Baghdadi, de Zawahiri.
Farid Benyettou, prédicateur notoire responsable de l'endoctrinement des Frères
Kouachi et de Amedy Coulibaly (auteurs des actes terroristes perpétrés à Paris), était
connu auprès de ses proches pour sa «connaissance du Coran».
Le problème, c'est que chacun interprète l'Islam à sa manière. Il existe bien dans
l'Islam, comme dans les autres religions du livre, un corpus violent. Selon qu'il est
interprété par les uns ou par les autres, il n'aura pas le même sens. Certains diront qu'il
est contextualisé, historicisé, et d'autres qu'il est valable en tous lieux et toutes époques.
Alors, l'islam est-il une religion de paix et de tolérance, comme l'affirme une grande
majorité des musulmans, ou au contraire une religion sanguinaire comme l'affirment ses
détracteurs ainsi que les terroristes qui s'en réclament? Cette violence est-elle légitime,
licite? Est-elle un devoir? Où se situe la vérité? Pourquoi une interprétation unique ne
s'est-elle pas imposée?
Dans Sourate at-Tawbah (9, Le Repentir)-29: «Combattez ceux qui ne croient ni en
Allah ni au Jour dernier, qui n'interdisent pas ce qu'Allah et Son messager ont interdit et
qui ne professent pas la religion de la vérité, parmi ceux qui ont reçu le Livre, jusqu'à ce
qu'ils versent la capitation par leurs propres mains, après s'être humiliés.»
Mais dans une autre sourate: «Celui qui tuerait un homme non coupable d'un meurtre
ou un délit sur la terre, c'est comme s'il avait tué tous les hommes. Et quiconque fait don
de la vie à un homme, c'est comme s'il faisait don de la vie à tous les hommes.»
(Coran:5/32).
La Tradition elle-même ouvre la voie à d'innombrables interprétations. La jurisprudence
musulmane, communément appelée «ijtihad», est abondamment alimentée par l'école
religieuse du Madhab Hanbalite, en référence à l'imam Ahmad Ibn Hanbal (né à Bagdad
en l'an 780). Ce référentiel a servi de base à l'élaboration de ce qu'on appelle le droit
musulman dans plusieurs pays de la péninsule arabique.
Contrairement aux trois autres courants Malikite, Chaféite et Hanafite, le hanbalisme
prône une lecture rigoriste des textes coraniques et du Hadith. Et c'est là tout le problème
de l'intégrisme: une approche puritaine, textuelle, non historicisée, non contextualisée, de
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