Scénario pour la production d`électricité à partir de gaz naturel

Verband der Schweizerischen Gasindustrie
Association Suisse de lIndustrie Gazière
Scénario pour la production d’électricité à partir de gaz naturel
Synthèse
- l’abandon progressif de l’énergie nucléaire pour produire de l’électricité nécessite une so-
lution intégrant un recours accru au gaz naturel, ce qui requiert notamment une actuali-
sation des objectifs de la politique climatique et un coup d’arrêt au mouvement
d’électrification du pays;
- les défis touchant à l’acquisition, à la capacité des réseaux, au temps de construction, à
la sécurité de l’approvisionnement et à la protection du climat sont connus, déjà résolus
ou peuvent l’être en temps utile ;
- le gaz naturel se pose en complément des énergies renouvelables, car il n’implique pas
de contraintes démesurées du point de vue des infrastructures et des finances, il est très
flexible dans son utilisation et, surtout, il peut délivrer de la puissance lorsque d’autres
énergies ne sont pas en mesure de le faire (absence de vent, obscurité, pics de
consommation) ;
- l’efficacité énergétique, la protection du climat et la sensibilité de l’opinion font qu’il faut
privilégier le couplage chaleur-force, soit la production et l’utilisation simultanée
d’électricité et de chaleur (cogénération), par rapport aux grandes centrales à cycle com-
biné à gaz. Il ne sera toutefois pas possible de se passer complètement des grandes
centrales ;
- les milieux politiques et l’économie gazière ont pour mission d’élaborer et de lancer un
large programme de mesures et de promotion du couplage chaleur-force dans toutes les
catégories de puissance.
Aspects stratégiques
1. La question de la place que doit occuper le nucléaire à lavenir en Suisse est dordre poli-
tique; il appartient aux instances investies de la légitimité démocratique dy répondre.
L’économie gazière ne fait pas de propositions formelles à ce niveau.
2. Dans lhypothèse dun abandon partiel ou total de lénergie nucléaire, il est irréaliste de
vouloir remplacer lensemble de la production énergétique perdue par une mesure ou
une technologie unique. Et comme il nest guère possible ni dailleurs souhaitable sous
l’angle écologique – d’importer davantage délectricité (atomique)1 à des conditions éco-
nomiques acceptables, il faut parallèlement:
- consentir de nouveaux efforts pour économiser lénergie;
- continuer daccroître lefficacité énergétique;
- trouver des sources alternatives dénergie primaire.
3. Au fond, la politique énergétique cherche actuellement ses marques dans un triangle
formé par les trois pôles suivants et entre lesquels il convient de trouver un équilibre:
- risques liés au nucléaire et perception sociale de ces risques;
- émissions de CO2 à court et moyen terme;
1 Au-delà des considérations touchant à loffre et au marché, des incertitudes et des coûts élevés sont asso-
ciés à la gestion de possibles congestions à la frontière par le biais de mises aux enchères.
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- baisse du niveau de vie en raison du prix élevé de lélectricité et des incertitudes gre-
vant lapprovisionnement.
4. Les objectifs climatiques de la Suisse ont jusquici été fixés en admettant tacitement que
le nucléaire jouait un rôle important dans la production électrique, étant entendu que ce
secteur énergétique némettait pas de CO2 en Suisse2. Le fait de changer la donne
concernant limportance accordée au nucléaire, a sur la politique climatique des implica-
tions quil convient dintégrer dans une perspective davenir.
5. Pour réussir le passage à une production délectricité sans atome et sans émissions de
CO2, il faut progressivement ouvrir l’accès le plus économique possible aux énergies re-
nouvelables, tout en évitant de multiplier les transferts dapplications vers l’électricité.
L’électrification de la Suisse (par lencouragement des pompes à chaleur ou de la mobili-
té électriques, p. ex.) ne pourra être reprise que lorsque la production de courant sera
maîtrisée tant qualitativement que quantitativement conformément aux objectifs poli-
tiques et que les réseaux électriques seront à même de supporter la charge supplémen-
taire attendue3.
Rôle du gaz naturel
6. Les réflexions ci-après s’appuient sur le scénario politique le plus probable: les centrales
nucléaires en service sont exploitées jusquà la fin de leur durée de fonctionnement pré-
vue, mais aucune autorisation pour une nouvelle centrale n’est accordée dans les deux
décennies à venir.
- Cela signifie quen 2020 environ (fourchette: 2018-2023), il faudra trouver une substi-
tution pour la production de Mühleberg, Beznau I et II, et les contrats à long terme
avec les centrales françaises (soit environ 20 % de la production délectricité actuel-
le).
- Une nouvelle tranche de 20 % de la production électrique actuelle devra être rempla-
cée aux alentours de 2040 (fourchette: 2035-2045), lorsque Gösgen et Leibstadt se-
ront mises hors service.
7. Au besoin, léconomie gazière suisse est en mesure d’assurer les livraisons énergétiques
pour une part supplémentaire de la production électrique.
8. Le réseau de gaz naturel suisse est ainsi dimensionné que le transport de quantités sup-
plémentaires ne pose pas de problème notable. A elle seule, la conduite Transitgaz
transporte un volume de gaz naturel équivalant à six fois la consommation suisse. Du
point de vue purement physique, des importations supplémentaires de gaz naturel en
Suisse sont déjà possibles aujourdhui. L’éventuel renforcement de conduites de trans-
port régionales et la construction de dérivations sont de manière générale réalisables à
brève échéance. Ces dernières années, léconomie gazière suisse a constamment déve-
loppé, renforcé et optimisé son réseau pour répondre au mieux à la demande et aux be-
soins des clients. Les conduites de gaz naturel sont enterrées et ne portent donc pas at-
teinte au paysage.
2 Comme on le sait, sous le régime du protocole de Kyoto, les importations délectricité et les émissions liées
à la production des barres de combustible ne sont pas prises en considération, quand bien même le principe
n’est objectivement pas approprié.
3 Un exemple: en Suisse, les lave-vaisselle et les lave-linge sont systématiquement raccordés à la conduite
d’eau froide (alors que tous les appareils modernes peuvent aussi être raccordés à la conduite deau chau-
de). Il sensuit que leau est chauffée à lélectricité, ce qui représente le poste le plus important de la
consommation énergétique de ces appareils. Comparée avec une alimentation par le système deau chaude
sanitaire du bâtiment, cette option sollicite excessivement les réseaux et se révèle notamment beaucoup
plus nocive pour le climat que le chauffage de leau par un système solaire thermique.
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9. Afin notamment de garantir la flexibilité et la masse critique nécessaire, il sera indispen-
sable de construire quelques centrales à cycle combiné à gaz axées essentiellement sur
la production délectricité. Il faudra dans la mesure du possible récupérer la chaleur rési-
duelle, ce qui toutefois se fait au détriment de la production de courant, vu que le rende-
ment électrique diminue. Il sensuit que leffort principal doit viser les groupes de coupla-
ge chaleur-force axés essentiellement sur la production de chaleur. Ces systèmes per-
mettent un rendement global très élevé (et sont donc plus respectueux du climat), sans
compter quils sont nettement mieux accueillis par le public que les grandes installations.
10. Contrairement à lénergie nucléaire, les centrales à gaz naturel ne produisent pas
d’énergie en ruban, mais en principe en charge moyenne. Lexploitation de ces installa-
tions nest donc pas axée sur la maximisation de la production de courant, mais sur la
couverture optimale des excédents de demande. Elles permettent donc, sans subir de
désavantage économique, de répondre au problème de limportant excédent des impor-
tations de courant en hiver, sans pour autant devoir gérer un excédent de loffre durant
les mois dété.
Gaz naturel et énergies renouvelables
11. Les centrales à cycle combiné à gaz peuvent, contrairement aux centrales nucléaires,
adapter rapidement leur production de courant sans grande incidence sur le coût unitaire
de production de lénergie. Elles se posent donc en complément idéal aux énergies re-
nouvelables dont la production est irrégulière, à limage du solaire et de l’éolien.
12. Les installations de couplage chaleur-force (CCF) se combinent très bien avec les cen-
trales à bois et les usines dincinération des déchets, par exemple, en intégrant efficace-
ment ces énergies renouvelables dans la chne de production délectricité (et de cha-
leur).
13. Un réseau de gaz naturel géré de manière active ouvre des perspectives intéressantes
pour le courant vert:
- grâce à une utilisation accrue du biogaz, le couplage chaleur-force décentralisé est
encore plus respectueux du climat. Pour soutenir cette option, lASIG a lancé en
2010 un programme de promotion du biogaz qui vise à multiplier par six la production
de biogaz à moyen terme4;
- la production de biogaz à partir du bois nest pas encore une réalité concrète en
Suisse. La faisabilité a été prouvée en Autriche avec une installation pilote à Güs-
sing, projet dans lequel le PSI a joué un rôle moteur5. Des projets prêts à être lancés
existent aussi bien en Allemagne quen Suisse romande, mais ils ont été mis en veil-
leuse en raison du cadre étatique défavorable;
- en Allemagne, le stockage de lénergie solaire et éolienne excédentaire qui ne peut
pas être injectée dans le réseau électrique pour des raisons déquilibre de tension
est déjà à lessai («gaz solaire et éolie). Léconomie gazière suisse vient de lancer
un projet similaire avec lAgence des énergies renouvelables et de lefficacité énergé-
tique (AEE)6. Des projets analogues sont aussi en cours dans le domaine de la mobi-
lité7.
4 Le financement est assuré par léconomie gazière à raison de contributions annuelles de lordre de 3 millions
de CHF.
5 Les travaux ont notamment été soutenus par lAssociation Suisse de lIndustrie Gazière.
6 La méthanisation du «Syngas» obtenu par ce processus se fait selon les mêmes principes que pour le Syn-
gas tiré du bois.
7 V. projet «Audi Balanced Mobility» (Tages-Anzeiger, édition du 17 mai 2011).
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14. Comme linvestissement initial pèse dun poids relativement limité dans le coût total des
centrales à cycle combiné à gaz, il est possible de lamortir dans un temps relativement
court. Ces centrales peuvent donc être rapidement mises hors service sans poser de
problème économique majeur, lorsque les énergies renouvelables seront disponibles en
plus grande quantité. Après le démontage dune centrale à cycle combiné à gaz, le ter-
rain ne reste pas en friche et est immédiatement utilisable à dautres fins. Il va sans dire
que le principe vaut tout autant pour le couplage chaleur-force. Vu que lutilisation du gaz
naturel ne génère pas de contraintes matérielles (ni financières) disproportionnées, elle
se présente comme une solution de transition idéale vers un possible avenir énergétique
du tout-renouvelable.
Sécurité de lapprovisionnement
15. Nous navons à ce jour en Suisse pas de réserves notables de gaz naturel. L’essentiel
du gaz naturel que nous achetons provient de gisements situés dans des pays économi-
quement et politiquement stables par le biais de producteurs et de fournisseurs à la fois
puissants et fiables.
16. Environ deux tiers de la consommation suisse de gaz naturel provient dEurope occiden-
tale (UE et Norvège). Grâce à une diversification bien pensée, léconomie gazière suisse
garantit un approvisionnement sûr du pays. Jamais encore la Suisse na pâti de quelque
difficulté dapprovisionnement que ce soit ou dune interruption des livraisons de gaz na-
turel.
17. Grâce à de nouvelles techniques dextraction, les réserves mondiales de gaz naturel ont
augmenté de plusieurs multiples ces dernières années et devraient être suffisantes pour
les 200 à 250 prochaines années. Les Etats-Unis, jusquici principal pays importateur de
gaz naturel, sont devenus le plus grand producteur de gaz naturel du monde et n’ont plus
besoin dimporter. Avec pour conséquence quune très importante offre de gaz naturel
est garantie pour des années. Larrivée de nouveaux pays producteurs, la multiplication
des transports de gaz naturel liquéfié (GNL) par méthanier ainsi que la construction de
nouveaux gazoducs8 font que dimportants pays producteurs ou de transit perdent de
leur influence géopolitique.
18. Même abstraction faite de loffre excédentaire qui se profile pour plusieurs années, la
Suisse est dans une situation enviable pour ce qui est de lapprovisionnement en gaz na-
turel. Cela tient notamment au fait quune importante conduite de transport traverse notre
pays et que, au cœur du dense réseau européen, la Suisse est proche des principaux
stockages de gaz naturel du continent. La sécurité de lapprovisionnement en gaz naturel
est encore accrue du fait quun grand nombre de gros clients dits interruptibles peuvent
au besoin commuter sur le mazout. Dans la perspective dun engagement accru du gaz
naturel pour la production d’électricité, il serait par ailleurs possible daméliorer encore la
situation en passant des accords avec les pays voisins et/ou avec lUE.
19. Grâce à des contrats de livraison à long terme, les importateurs suisses de gaz naturel
peuvent aussi bénéficier des capacités de stockage des fournisseurs en amont.
Capacités
20. Une première analyse réalisée par Swissgas révèle que, sur le seul poste de Wallbach
(point dinjection de Transitgaz à la frontière allemande), une capacité de 1,5 GW sur une
capacité de sortie ferme dAllemagne de 22 GW n’est pas utilisée; cette capacité est tou-
tefois déjà réservée par dautres acteurs du marché. Il faut encore attendre pour appré-
8 Le gazoduc Nordstream (Russie-Allemagne via la mer Baltique) sera mis en service avant la fin de lannée. Il
est à noter que le pilotage de lexploitation de la conduite (dispatching) se fait à Zoug.
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cier limpact de la nouvelle réglementation allemande concernant la libération de capaci-
s contractuelles. A Rodersdorf (frontière française), on estime la capacité de sortie fer-
me réservable à environ 1 GW (sur quelque 10 GW). De plus, la possibilité existe, aux
points dentrée de Wallbach et Rodersdorf, dacheter du gaz naturel aux acteurs du mar-
ché disposant de capacités de sortie, le prix dépendant de la situation du moment sur les
marchés concernés.
21. Des capacités dont lordre de grandeur équivaut à la consommation de deux à trois cen-
trales à cycle combiné à gaz sont déjà disponibles aujourdhui dans la conduite Transit-
gaz pour la production délectricité à partir de gaz naturel. Compte tenu des plans
d’extension déjà arrêtés (notamment reverse flow sur la conduite Transitgaz), des solu-
tions peuvent être proposées en temps utile pour tous les scénarios rationnels.
22. Les réseaux régionaux suisses sont finement maillés et disposent globalement dune ca-
pacité suffisante. Selon le choix des sites, des renforcements des réseaux locaux pour-
raient se révéler nécessaires.
Protection du climat
23. Il va sans dire que la Suisse ne doit pas abandonner l’objectif de réduction des émissions
de CO2. Il faut donc trouver des pistes qui permettent de compenser les quelque 4 mil-
lions de tonnes de CO2 découlant de la production supplémentaire de courant à partir de
gaz naturel.
24. Tout un éventail de mesures de compensation peuvent être réalisées sur la base
d’applications au gaz naturel:
- remplacement de chauffages à mazout par des chauffages (électrogènes) à gaz na-
turel (-25 % de CO2);
- alimentation au biogaz à titre complémentaire de chauffages à gaz conventionnels et
électrogènes et de groupes chaleur-force (-100 % CO2);
- substitution du gaz naturel et du biogaz à l’essence pour des véhicules à moteur
(-33 % CO2).
En 2009, la part des énergies fossiles à la consommation énergétique totale de la Suisse
était denviron deux tiers, et la part du gaz naturel à la consommation fossile sinscrivait à
18 %. A ce niveau-là, le remplacement des produits pétroliers par du gaz naturel conduit
déjà à une réduction annuelle des émissions de 2,5 millions de tonnes de CO2. Même si
les produits pétroliers ne peuvent pas être remplacés par le gaz naturel dans tous les
domaines9, force est de constater quil reste ici un très gros potentiel de réduction des
émissions de CO2, et quil peut être exploité à court et moyen terme à des conditions
économiques.
25. Il ne sera toutefois pas possible de sortir du nucléaire tout en réduisant les émissions de
CO2 en Suisse dans les proportions et selon le calendrier prévus sans conséquences
économiques dramatiques pour le pays. Il est donc impératif que le Parlement revienne
sur la décision prise avant Fukushima de reconnaître exclusivement les réductions réali-
sées sur sol suisse dans le cadre de la loi sur le CO2.
Mise en œuvre
26. Les milieux politiques doivent définir une stratégie concrète pour la production électrique
future et mettre en place les conditions générales nécessaires, faute de quoi le secteur
énergétique ne consentira pas d’investissements d’envergure. Pour offrir un cadre ap-
proprié, les pouvoirs publics doivent notamment:
9 Régions périphériques non desservies par le réseau de gaz naturel, kérosène, etc.
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