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LE FIL D’ARIANE : UN OUTIL FAVORISANT LA RÉSILIENCE EN RÉADAPTATION
Numéro spécial : Psychologie positive
Jocelyn Chouinard, neuropsychologue et coordonnateur de recherche clinique
Centre de réadaptation Estrie
Gabriel G. Mélançon, étudiant et Lucie Mandeville (PhD), professeure
Université de Sherbrooke
Adresse
Département de psychologie
Faculté des lettres et sciences humaines
Université de Sherbrooke
2500 boulevard Université, Sherbrooke,
Québec Canada, J1K-2R1
Fax : Canada 819-821-7925
Lucie.mandeville@usherbrooke.ca
LE FIL D’ARIANE : UN OUTIL FAVORISANT LA RÉSILIENCE EN
RÉADAPTATION
Résumé
Concept fort de la psychologie positive, la résilience est le résultat d’un processus
adaptatif d’une personne qui maintient un niveau de fonctionnement relativement stable
et sain après avoir été exposée à l’adversité. Deux facteurs clés favorisent la résilience : la
spiritualité et la recherche de sens. Dans le prolongement des études récentes sur le sujet,
le Centre de réadaptation Estrie s’est intéressé à la résilience chez les patients ayant vécu
un traumatisme. Adhérant à la philosophie Planetree, le Centre de réadaptation Estrie
s’est s'interrogé sur la façon d'intégrer la résilience dans ses modes d'intervention actuels.
Cela l’a amené à construire un outil, le Fil d’Ariane permettant de donner un sens à la
trajectoire de vie du patient, afin d’orienter ensuite ses objectifs de réadaptation. Ce guide
d’entrevue s’inspire de l’approche narrative, en privilégiant la spiritualité et la recherche
de sens. Cet article discute de la résilience et présente le Fil d’Ariane.
Mots-clés : Psychologie positive, résilience, spiritualité, recherche de sens, réadaptation
Abstract
Key concept of positive psychology, resilience is the result of an adaptative process of a
person who maintains stability and healthy functioning after having been exposed to
adversity. This paper explores two key factors related to resilience: spirituality and search
for meaning. In the wake of some recent studies on the subject, the Centre de
réadaptation Estrie is interested in the patient’s resilience following traumatism from a
car accident. Wondering how to integrate resilience into its current intervention
strategies, the Centre de Réadaptation Estrie created a tool called “Fil d’Ariane”, whose
purpose is to bring meaning to the patient’s life and to orient the rehabilitation’s
objectives. "Fil d'Ariane" is an interview guide inspired by the narrative approach and
based on spirituality and search for meaning. This article talks about resilience and
presents the tool “Fil d’Ariane”.
Keywords: positive psychology, resilience, spirituality, search for meaning, rehabilitation
[Le fil d’Ariane : un outil favorisant la résilience en réadaptation]
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Depuis la fin des années 90, la psychologie positive s’intéresse à un sujet depuis
longtemps négligé en se posant des questions au sujet du «meilleur» chez les personnes
(
Joseph & Linley, 2005
). Sans négliger l’apport des études sur la maladie mentale et
l’intervention curative, elle prétend qu’il est nécessaire de revisiter l’ensemble des
domaines (neuropsychologie, psychologie du veloppement, psychologie sociale, etc.)
de la discipline afin de favoriser une compréhension plus complète et intégrée de
l’expérience humaine (
Seligman, 2002
). Cette perspective « positive » permet de prévenir et
de traiter différentes problématiques psychologiques, mais plus encore, elle permet de
favoriser la croissance des personnes et des communautés. Partant de l’étude des gens
sains, créatifs et productifs elle propose d’apprendre quoi « faire » au lieu de se demander
quoi « ne pas faire » (
Quale & Shanke, 2010
).
La résilience
Plusieurs études ont été conduites afin de décrire et de comprendre les aptitudes qui
contribuent au bien-être psychologique, notamment comment des personnes ayant fait
face à l’adversité continuent de s’épanouir (
Ehde, 2010
). En ce sens, la résilience est
considérée comme une force positive et elle représente un concept central de la
psychologie positive (
Linley & Joseph, 2004; Pan & Chan, 2007; Yates & Masten, 2004
)
1
.
L’étude de la résilience s’est initialement penchée sur les enfants à risque de développer
une psychopathologie suite à des conditions défavorables en termes d’héritage
biologique, de conditions périnatales, d’environnement ou de circonstances (
Richardson,
2002
). Les chercheurs ont été surpris de constater que la plupart de ces enfants se
développaient relativement bien malgré les conditions d’adversité (
Masten, Cutuli, Herbers, &
Reed, 2009
), suggérant qu’ils soient « invulnérables » ou « résilients ». De nombreuses
recherches ont été conduites sur le sujet permettant de conclure que la résilience n’est pas
l’exception, mais plutôt la norme chez les enfants qui font face à l’adversité (
Bonanno,
1
La résilience constitue un élément important des premiers chapitres de l’ouvrage de Peterson et Seligman
(2004), elle n’est toutefois pas retenue dans leur classification des forces du caractère.
2004
). Devenu un domaine largement étudié en psychologie, elle s’est ensuite intéressée
au même phénomène chez l’adulte.
La définition de la résilience
Plusieurs auteurs s’entendent pour dire que la résilience est le résultat d’un processus
adaptatif (
Kent & Davis, 2010).
Selon ces auteurs, ce processus adaptatif est composé d’une
interaction dynamique positive entre différentes caractéristiques individuelles (flexibili
cognitive, altruisme, spiritualité, recherche de sens, etc.) et des conditions externes
favorables (support des pairs, programmes sociaux, institutions religieuses, etc.).
Présentée plus loin, l’histoire de Mathilda illustrera l’importance du soutien affectif dans
l’émergence et le développement de la résilience. De plus, il est précisé que les
caractéristiques individuelles ne sont pas fixes, mais peuvent plutôt être apprises et
développées (
White, Drive, & Warren, 2008
).
La résilience signifie qu’une personne ayant été exposée à l’adversité peut maintenir un
niveau de fonctionnement relativement stable et sain (
Bonanno, 2004
). Une personne qui
fait preuve de résilience n’est pas à l’abri d’une certaine forme de détresse (
Quale &
Schanke, 2010
), elle peut vivre un déséquilibre face à l’adversité qui demeure toutefois
transitoire. D’autre part, une personne résiliente dans une situation adverse peut ne pas
l’être dans une autre, ou pour la même situation survenant à un autre moment de sa vie
(
Lepore & Revenson, 2006
).
Ladversité est ici définie comme une situation stressante et perturbatrice (
Quale & Schanke,
2010
), aussi appelée «événement traumatisant » (Bonanno, 2004). L’éventail de situations
est très large, comme l’indiquent Yates et Masten (2004), elles peuvent être ponctuelles et
aigues (ex : désastre naturel, viol) ou chroniques (ex : abus sexuels répétés, pauvreté).
Elles peuvent provenir de l’environnement (ex : décès d’un enfant, situation de guerre) ou
survenir chez la personne (ex : cancer, handicap physique). Par ailleurs, Janoff-Bulman
(2006) propose l’idée qu’une expérience d’adversité ne serait pas déterminée en fonction
de l’ampleur des conséquences externes et observables qu’elle a sur la personne et sur
[Le fil d’Ariane : un outil favorisant la résilience en réadaptation]
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son environnement, mais plutôt sur la désorganisation de ses schémas fondamentaux,
c’est-à-dire ce qui constitue la façon dont elle se représente le monde et elle-même.
Le concept de résilience ne doit pas être confondu avec un autre qui lui est proche: la
récupération. Bonanno (2004) précise que la récupération constitue une étape du
processus d’adaptation, alors qu’une personne constate que son fonctionnement normal
est altéré suite à l’adversité, la conduisant à vivre une certaine forme de dysfonction. Cet
état demeure ainsi durant un certain temps jusqu’à ce que la personne retrouve son état
psychologique initial précédant l’événement. À cette différence près, la résilience
empêche non seulement d’éprouver une dysfonction psychologique, mais permet de vivre
des émotions positives et des expériences satisfaisantes. De plus, la personne intègre
l’événement adverse dans ses schémas fondamentaux de manière à éviter la
désorganisation.
Une personne confrontée à l’adversité peut non seulement faire preuve de résilience, elle
peut se servir de cette occasion pour améliorer son fonctionnement psychologique à un
niveau supérieur à ce qui prévalait avant l’événement (
Linley et Joseph ; 2004
). Ce
phénomène appelé la croissance post-traumatique correspond à une reconfiguration
positive et améliorée des cognitions, des croyances et des comportements en réaction à
l’adversité (
Ehde, 2010; Lepore & Revenson, 2006; Tedeschi & Calhoun, 2004
). Quoique la
résilience se distingue généralement de la croissance post-traumatique, Lepore et
Revenson (2006) prétendent que cette dernière est un type de résilience, car la
reconfiguration schématique positive qui survient alors permet à la personne de s’adapter
à l’adversité.
Selon Ehde (2010), la croissance post-traumatique peut se manifester par une plus grande
appréciation de la vie, une redéfinition des priorités, un approfondissement des relations
interpersonnelles significatives, ainsi qu’un changement positif sur le plan spirituel et la
découverte d’un nouveau sens à sa vie. Ces deux derniers facteurs sont très importants
lorsqu’il est question de résilience.
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