1Conception d’un algorithme de gestion du bruit basée sur des preuves cliniques
CONCEPTION D’UN ALGORITHME DE
GESTION DU BRUIT BASÉE SUR DES
PREUvES CLINIqUES
par Justyn Pisa, Matthew Burk, Elizabeth Galster
Dans le monde de l’appareillage auditif, la
conception basée sur des données probantes
est une composante essentielle du processus
de développement d’un produit. Elle a pour
objectif : (1) d’assurer que le produit est fiable et
fonctionne comme prévu et (2) d’assurer que le
produit fournit un bénéfice réel et mesurable pour
les utilisateurs. De ce point de vue, un algorithme
de gestion du bruit réussi doit améliorer, pour
l’utilisateur de l’aide auditive, le confort subjectif
de l’audition dans un environnement bruyant
sans dégrader l’intelligibilité objective de la
parole.1,2 Même si ces objectifs semblent clairs,
de précédentes itérations d’algorithmes de
gestion du bruit ont éprouvé certaines difficultés
à remplir ces objectifs.
Les algorithmes de première génération ont
tenté d’appliquer, à des niveaux de sortie
relativement élevés, une réduction générale du
gain sur du «bruit» à large bande et non modulé.3
Bien que ces premiers algorithmes étaient
capables d’améliorer le confort subjectif face à
des niveaux élevés de bruits environnementaux,
ils présentaient deux inconvénients majeurs :
des constantes de temps plus lentes et un
manque de spécificité. Par conséqent, ils étaient
incapables de réduire le gain sur le bruit sans
diminuer simultanément le gain sur la parole.4
La deuxième génération d’algorithmes a tenté
de corriger ce problème en utilisant des
constantes de temps plus rapides et en variant les
niveaux de sortie sur lesquels était appliquée la
réduction du gain sur le bruit.5 Ces algorithmes
ont eu un succès limité car les chercheurs
éprouvaient des difficultés à démontrer une
amélioration de la compréhension de la
parole dans un environnement bruyant ou une
préférence des utilisateurs pour ces types de
réduction du bruit dans le monde réel.6-8
Depuis qu’une troisième génération
d’algorithmes a commencé à se développer,
les fabricants essaient diverses méthodes
pour améliorer leur performance. Cependant,
prouver l’efficacité de ce type de technologie
reste difficile.9,10 Bien que certaines études ont
montré une amélioration du confort et de la
qualité du son1,11 et que d’autres ont démontré
objectivement une amélioration ou une absence
d’altération de la compréhension de la parole
dans un environnement bruyant, la question
de savoir si ils sont véritablement bénéfiques
pour les utilisateurs est loin d’être résolue.11,12
Toutefois, étant donné le potentiel grandissant
des algorithmes de troisième génération
pour améliorer les bénéfices du patient, les
laboratoires Starkey ont développé un système
d’adaptation au bruit qui agit rapidement, le
Voice iQ.
Voice iQ a initialement été développé dans le
centre de recherches Starkey Hearing Research
Center (SHRC) à Berkeley (Californie). L’objectif
était la création d’un algorithme de réduction
du bruit suffisamment rapide pour réduire le
gain durant les pauses de la parole sur une large
bande de niveaux de sortie, tout en remplissant
le double objectif de maintenir le confort
d’écoute sans réduire l’intelligibilité de la parole
2Conception d’un algorithme de gestion du bruit basée sur des preuves cliniques
dans un environnement bruyant. Afin d’estimer
le rapport signal/bruit, le système détecte et
surveille en permanence les caractéristiques
spectrales et temporelles à la fois de la parole et
des niveaux de bruit. L’adaptation rapide au gain
est appliquée aux sources de bruit non modulé
durant les pauses de la parole, même lorsque
les niveaux de sortie sont plus bas. Voice iQ
lance l’adaptation du gain à un rapport signal/
bruit de +5 dB et atteint son potentiel maximal
de réduction de gain à un rapport de signal/bruit
de 0 dB, tentant d’optimiser la performance à
mesure que l’environnement sonore devient
plus difficile.
OBJECTIFS DE L’ÉTUDE
Une recherche préliminaire menée au centre
de recherche SHRC a confirmé l’efficacité de
la gestion rapide du bruit en démontrant que
l’algorithme fonctionnait comme cela avait été
conçu en laboratoire. Il a été recommandé par la
majorité des malentendants qui ont participé à
différents essais dans leurs environnements.
Une fois que le projet a été transféré au siège
social de Starkey à Eden Prairie (Minnesota), des
essais cliniques supplémentaires sur des patients
malentendants ont été menés pour affiner
davantage les paramètres de l’algorithme et
évaluer s’il procurait un bénéfice au patient, dans
un environnement sonore réel pour différents
modèles d’ aides auditives et de degrés de perte
auditive.
Dans le tout dernier essai clinique, les auteurs ont
évalué les effets de Voice iQ sur la compréhension
de la parole dans un environnement bruyant, sur
la tolérance subjective vis-à-vis du bruit lors de
l’écoute de la parole et sur la performance de
l’aide auditive dans des environnements sonores
du monde réel.
MÉTHODES DES ESSAIS CLINIQUES
Participants
Nous avons mené un essai clinique sur une
période de 8 à 10 semaines auprès de 44 adultes
atteints de différents degrés de perte auditive
(Schéma 1). Les participants de l’étude (15
femmes, 29 hommes) étaient âgés de 22 à 78 ans
avec un âge moyen de 59,7 ans. Les participants
étaient à la fois des nouveaux utilisateurs et des
utilisateurs expérimentés d’aides auditives. Les
cinq modèles d’aides auditives utilisés pour cette
étude étaient l’intra-auriculaire conduit (ITC),
l’écouteur déporté (RIC) à la fois en configuration
ouverte (115/50) et en configuration fermée
surpuissante (131/71), le contour (BTE) pile 13
avec tube classique et le mini-contour pile 312
avec tube fin. Tous les participants de l’étude ont
été appareillés bilatéralement et ont participé à
au moins quatre sessions en laboratoire.
Appareillage
La formule d’appareillage
brevetée de Starkey, eSTAT, a été
utilisée pour l’appareillage initial
de chaque dispositif étudié. Nous
avons réalisé des mesures in vivo
avec l’ Audioscan Verifit sur tous
les appareillages afin d’évaluer
la réponse en fréquences de
l’appareillage initial calculé (c’est-
à-dire, le premier appareillage) par
eSTAT. Afin d’évaluer l’audibilité
pour les sons faibles et le confort
pour les sons élevés, nous avons
réalisé des mesures in vivo en
Schéma 1. Perte d’audition moyenne pour tous les participants de
l’étude (+/- 1 écart type-ET).
3Conception d’un algorithme de gestion du bruit basée sur des preuves cliniques
utilisant le Signal Vocal International de Test
(ISTS pour International Speech Test Signal) 13
à 50, 65 et 75 dB en temps réel et un balayage
en sons purs (pure-tone sweep) à 85 dB SPL. Les
dispositifs testés ont été réglés lors de chacune
des sessions en laboratoire en fonction des
rapports des patients sur la performance et le
confort liés à l’utilisation de ces dispositifs dans
leurs environnements sonores habituels.
En moyenne, les pressions «oreille appareillée»
(REAR pour Real Ear Aided Response) des aides
auditives testées était égales ou supérieures
à celles des aides auditives personnelles des
patients. Lors de chaque test en environnement
réel, les aides auditives ont été programmées
avec l’ensemble des traitements de signaux
Audioscape c’est-à-dire: Voice iQ, bruit du
vent et bruit de machines, directionnel InVision
et suppresseur de larsen PureWave Feedback
Eliminator.
RÉSULTATS
Test objectif
Après que les participants aient porté les aides
auditives étudiées pendant environ 3 semaines,
nous avons utilisé le test de compréhension dans
le bruit (HINT Hearing in Noise Test)14 pour évaluer
objectivement leur capacité à comprendre
la parole dans un environnement bruyant. La
passation du test HINT comprenait
des listes de 20 phrases présentées
selon un azimut de 0° avec un
bruit vocal pondéré généré à 65
dBA délivré par sept haut-parleurs
entourant les sujets. Le test a été
mené avec 4 programmations :
(1) mode omnidirectionnel avec
Voice iQ désactivé, (2) mode
omnidirectionnel avec Voice iQ
activé, (3) mode directionnel
avec Voice iQ désactivé et (4)
mode directionnel avec Voice
iQ activé. Le score HINT le plus
bas est synonyme de la meilleure
performance.
Nous avons traité les données à l’aide d’une
analyse de variance à mesures répétées
(RMANOVA) avec la correction de Bonferroni
pour les comparaisons multiples.
Le Schéma 2 montre la moyenne des résultats au
test HINT (en dB de rapport signal/bruit) selon
les quatre conditions du test. Il n’y avait pas de
différence significative des scores moyens du
rapport signal/bruit entre les deux conditions
omnidirectionnelles, ni entre les conditions
directionnelles (p>0,05).
Les scores moyens du rapport signal/bruit de
-3,26 dB et de -3,24 dB pour les conditions
omnidirectionnelle et directionnelle plus
Voice iQ respectivement, ont représenté
une amélioration significative (p<0,001) par
rapport aux conditions omnidirectionnelles
d’approximativement 2,6 dB. L’absence de
différence significative entre les conditions de
Voice iQ activé et Voice iQ désactivé, dans les
conditions omnidirectionnelle ou directionnelle,
suggère que la directionnalité, et non pas
Voice iQ, était responsable de l’amélioration de
la compréhension de la parole dans le test HINT.
Comme indiqué dans l’introduction, l’objectif de
l’algorithme de gestion du bruit est d’améliorer
le confort de l’écoute dans un environnement
bruyant sans dégrader la compréhension de la
parole.
Schéma 2. Moyenne des résultats au test HINT pour chacune des
conditions du test (+/- 1 ET).
4Conception d’un algorithme de gestion du bruit basée sur des preuves cliniques
Ces découvertes ont démontré que Voice
iQ a satisfait à cet objectif de ne pas affecter
de manière indésirable l’intelligibilité de la
parole que ce soit dans les configurations de
microphone omnidirectionnel ou directionnel.
Test subjectif
Outre l’évaluation de la compréhension de la
parole grâce au test HINT, nous avons évalué
le confort ressenti dans un environnement
bruyant. Pour cette évaluation, nous avons
utilisé le test de niveau de bruit acceptable
(ANL Acceptable Noise Level)15,16 en utilisant les
mêmes conditions d’appareillage que pour le
test HINT. Comme le bénéfice potentiel apporté
par l’effet directionnel était l’intérêt de ce test, la
réalisation de l’ANL a été modifiée en présentant
le signal de la parole selon un azimut de 0° et le
bruit vocal pondéré selon un azimut de 180°.
Les participants avaient reçu la consigne de
régler le volume de leur aide auditive au niveau
le plus confortable (MCL Most Comfortable
Level) pour la parole et le niveau de bruit de fond
le plus tolérable (BNL tolerable Back-ground
Noise Level) pour le bruit lié au discours en
cours. Les résultats ont été obtenus à partir de la
moyenne de deux tests pour chaque condition
d’appareillage. Le BNL a été soustrait du MCL
afin d’obtenir un ANL moyen du sujet.15 Un score
ANL plus bas signifie une tolérance pour des
niveaux de bruit plus élevés lors d’une écoute
attentive du signal de parole. Nous avons traité
les données à l’aide d’une analyse de variance à
mesures répétées (RMANOVA) avec la correction
de Bonferroni pour les comparaisons multiples.
Le Schéma 3 montre la moyenne des résultats
de l’ANL (dB) dans les quatre conditions du test.
Les scores moyens de l’ANL allaient de + 2 dB
dans la condition omnidirectionnelle à
- 1,33 dB dans la condition directionnelle plus
Voice iQ.
Malgré un haut degré de variabilité individuelle,
l’amélioration de 3,33 dB dans la condition
directionnelle plus Voice iQ par rapport à la
condition omnidirectionnelle était significative
(p<0,001). La tendance illustrée par le Schéma 3
suggère une augmentation du confort subjectif
dans un environnement bruyant en utilisant
l’algorithme Voice iQ par rapport aux conditions
omnidirectionnelle et directionnelle.
Performance dans le monde réel
Afin de mesurer la performance de Voice
iQ dans un contexte réel et d’évaluer le
bénéfice pour l’utilisateur dans la vie, nous
avons demandé aux participants de remplir
le formulaire C d’un questionnaire appelé
Échelle des résultats subjectifs du
dispositif (DOSO Device Oriented
Subjective Outcome Scale).17 Le
formulaire C est une évaluation
en 24 questions, concentrée sur
les signaux de la parole et l’effort
d’écoute afin de tenter de mesurer
le bénéfice obtenu en portant
les dispositifs étudiés dans divers
environnements sonores.
Les participants devaient noter la
performance des appareils auditifs
à l’aide d’une échelle de sept
points où la valeur 1 correspond
à une mauvaise performance et
la valeur de 7 à une excellente
performance dans diverses
Schéma 3. Moyenne des résultats du test ANL pour chacune des
conditions du test (+/- 1 ET).
5Conception d’un algorithme de gestion du bruit basée sur des preuves cliniques
situations sociales. Les participants ont évalué la
performance de leurs propres aides auditives au
début de l’essai clinique tandis qu’ils ont évalué
les aides auditives étudiées à la fin de l’étude.
Le Schéma 4 récapitule la moyenne des
performances des aides auditives personnelles
des participants et des appareils étudiés.
Ces résultats moyens ont montré que les
dispositifs étudiés surpassaient les dispositifs
personnels des participants dans divers
scénarios du monde réel, comme l’ont indiqué
les scores significativement plus élevés des
dispositifs étudiés (sous-échelles d’effort
d’écoute (Listening Effort) et signaux de la parole
(Speech Cues) (p<0,001), à l’aide du test de rang
de Wilcoxon).
DISCUSSION
Comme Voice iQ a été conçu en gardant à
l’esprit les besoins des personnes atteintes
d’une perte auditive, les objectifs de cette étude
étaient de valider la performance de l’algorithme
de réduction du bruit et de mesurer le bénéfice
pour le patient dans sa vie. Les principales
découvertes de cet essai clinique ont révélé
que :
L’addition d’un algorithme de
réduction du bruit à action rapide
comme Voice iQ n’a pas affecté
défavorablement l’intelligibilité de
la parole comme l’a mesuré le test
de compréhension de la parole
dans le bruit (HINT).
Voice iQ a significativement
amélioré le confort subjectif dans
un environnement bruyant comme
l’ a mesuré le test du niveau de
bruit acceptable (ANL).
De manière significative, les
participants ont donné une note
plus élevée à la performance des
aides auditives Voice iQ, mesurée
dans leur vie, qu’à celle de leurs propres aides
auditives.
Les résultats de cet essai clinique indiquent
que Voice iQ répond aux objectifs qui étaient
de fournir un algorithme de réduction du bruit
à action rapide capable à la fois d’identifier
et de réduire le gain sur le bruit indésirable
durant les pauses d’une conversation. En
conséquence, les nouveaux utilisateurs et les
utilisateurs expérimentés d’aides auditives ont
démontré l’existence d’une amélioration de
la tolérance au bruit sans diminution de leur
capacité à comprendre la parole. En outre,
comparativement à leurs propres aides auditives,
les participants ont signalé un bénéfice accru
dans des environnements du monde réel
comparativement à leurs propres aides auditives.
Dans de futurs essais cliniques, les chercheurs
des laboratoires Starkey continueront à évaluer
la performance de l’algorithme d’adaptation au
bruit Voice iQ afin de confirmer les découvertes
actuelles et répondre aux questions, aujourd’hui
sans réponse, de la recherche. Par exemple, la
recherche tentera de déterminer les préférences
de l’utilisateur pour divers préréglages
d’adaptation du gain proposés dans le logiciel
d’appareillage Inspire.
Schéma 4. Moyenne des résultats du test DOSO (effort d’écoute et
signaux de parole) pour les aides auditives des participants (cercles
gris) comparées aux aides auditives de test Voice iQ (cercles verts)
(+/- 1 ET).
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