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II. – Or, en dépit de tous ces contrôles sévères et implacables, auxquels étaient
soumis tous les agents publics, Athènes ne fut pas pour autant épargnée de différents
scandales économiques et politiques. Un assez grand nombre de cas d’hommes politiques –
orateurs et autres – accusés de corruption et de pots-de-vin, sont rapportés, notamment,
dans les discours des orateurs attiques, durant une période – Ve et IVe siècles av. notre ère
– où Athènes connaissait un essor démocratique et culturel.
Un cas de condamnation pour corruption, datant du Ve s. av. notre ère, est celui de
Callias, qui avait conclu la célèbre paix avec les Perses. Cet incident – connu à travers le
témoignage de Démosthène1 – montre que les Athéniens ne toléraient en aucun cas le
phénomène de la corruption, en le considérant comme une très grave menace pour leur
cité. C’est pourquoi, bien que les entretiens du chargé de la mission diplomatique, Callias,
aient abouti à un résultat, ils n’hésitèrent pas à le condamner pour un tel acte.
Au IVe s. av. notre ère, on peut citer de nombreux cas de membres de délégations
diplomatiques qui furent accusés de corruption. C’est à une telle affaire que se réfèrent
deux discours célèbres, ceux d’Eschine et de Démosthène, sous le même titre Sur
l’ambassade infidèle. Eschine, au moment de sa reddition des comptes (ses euthynai),
semble avoir été accusé par Démosthène et Timarque pour la conduite répréhensible, dont
il avait fait preuve en tant qu’ambassadeur en 396 av. notre ère2.
Une autre affaire de corruption, celle d’Harpale qui nous est connue à travers un
discours d’Hypéride3 et trois discours de Dinarque4, a peut-être été le plus grand de tous les
scandales politiques ayant secoué Athènes à cette époque. Y étaient impliqués une série de
personnages publics5. Harpale, trésorier d’Alexandre le Grand, avait fui Babylone en
janvier 324 av. notre ère et s’était réfugié à Athènes, après avoir emporté du trésor royal
d’Alexandre 5000 talents en or et 30 navires6. Après maintes négociations, il fut autorisé,
l’été 324 av. notre ère, à pénétrer avec la flotte des 30 navires dans le port du Pirée, ce qui
suscita de nombreuses réactions dans les milieux macédoniens. Antipatros et Olympias,
mère d’Alexandre, demandèrent aux Athéniens l’extradition immédiate d’Harpale, mais les
Athéniens votèrent, sur proposition de Démosthène, qu’Harpale soit emprisonné et que ses
fonds soient mis sous séquestre sur l’Acropole7. Or, peu de temps après, Harpale s’évada
1 Démosthène, De l’ambassade infidèle (19), 273-275.
2 P. MAZON, « De la procédure suivie par Démosthène dans l’affaire de l’ambassade », Mélanges Glotz, t. II,
1932, p. 566; D. MACDOWELL,The Law in Classical Athens, London 1978, p. 171.
3 Hypéride, Contre Démosthène (1).
4 Dinarque, Contre Démosthène (1), Contre Aristogiton (2), Contre Philoclès (3).
5 E. BADIAN, « Harpalus », JHS 81 (1961), p. 16-43, spéc.. 31-36.
6 Diodore de Sicile, 17.108. 6-8.
7 Hypéride, Contre Démosthène (1) 8-9 ; Dinarque, Contre Démosthène (1), 89-90.