Les juristes et les Etats musulmans rencontrent donc une sérieuse difficulté à souscrire sans réserve aux
textes sur les droits humains fondamentaux3, approuvés dans le cadre des Nations-Unies. Le droit à la
liberté de religion est limité, pour eux, par l’interdiction, sous peine de mort, de quitter l’islam, inter-
diction contenue dans un
hadith
qui fait encore autorité. La Déclaration universelle des Droits de
l’Homme (de décembre 1948) affirme le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, impli-
quant le droit de manifester sa religion ou sa conviction, et celui d’en changer (art. 18) ; cependant, la
Déclaration de 1981 sur l’Elimination de toutes les formes d’intolérance et de discrimination fondée sur
la religion ou la conviction ne mentionne plus explicitement le droit de changer de religion ou de con-
viction : hypocrisie typiquement onusienne, consistant à dire les choses sans les dire…
Une autre divergence importante entre les cultures occidentale et musulmane porte sur le statut
juridique de la femme. Les théoriciens musulmans modernes avancent qu’en islam la femme est
ontologiquement l’égale de l’homme. Il n’en reste pas moins que son statut est inférieur en droit et que
beaucoup de jeunes musulmanes se battent (pacifiquement) pour faire annuler ces discriminations,
même dans les Etats musulmans.
Certains juristes et théoriciens musulmans contemporains, comme Mohamed Talbi, prônent une révision
radicale de telles divergences en matière de droits humains.
Ils reconnaissent la valeur pleinement universelle des droits humains proclamés dans le cadre des
Nations-Unies, en effaçant – si l’on peut dire – les dispositions divergentes du droit musulman comme
devant être justifiées seulement dans le contexte historique des débuts de l’islam ou provenant, en fait,
de traditions culturelles au sein desquelles est né l’islam.
Les divergences en matière de droits humains fondamentaux se cristallisent dans l’opposition qui existe
entre certaines dispositions de la loi islamique (chari’a) et la loi civile4. Ceci pose parfois de vrais
problèmes de conscience aux fidèles musulmans. Par ailleurs, certaines règles contenues dans la
chari’a
heurtent la conscience des occidentaux, par exemple en matière de châtiments corporels (comme la
lapidation, héritée d’ailleurs de traditions anciennes du Proche-Orient)5.
La différence essentielle entre les systèmes juridiques islamique et occidental est que la
chari’a
a pour
source primaire l’autorité divine, révélée dans le Coran et la
Sunna
de Mahomet, alors que la loi civile
est fondée sur un contrat social laïc, propre à chaque Etat. Une difficulté particulière réside dans le fait
que la loi islamique est, en fait, largement élaborée au cours des siècles par des juristes qui doivent se
livrer à un travail d’interprétation des sources sacrées pour répondre aux besoins de gestion de la
société. Ils ne s’inspirent pas seulement des sources islamiques, mais aussi des coutumes en vigueur dans
la société arabe antérieure. Il y a d’ailleurs quatre écoles juridiques reconnues, qui présentent des diver-
gences assez marquées. Il existe donc une marge d’interprétation et d’adaptation possible de la
chari’a
.
En fait, le Coran lui-même ne contient que 6% de normes de vie.
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Cahier
Université de Paix - octobre 2008
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