À la recherche des interactions entre électrons dans les conducteurs

Transport électronique quantique
Le transport électronique dans les métaux ou les
semiconducteurs des puces électroniques standards est
généralement très bien décrit par une théorie ne prenant
en compte que les interactions entre les électrons et le
réseau cristallin d’atomes, et pas les interactions entre
électrons qui sont pourtant des particules chargées.
Plutôt que de simples électrons, les briques de base du
transport électronique dans le modèle des liquides de
Fermi sont des quasi-électrons. Leur charge est la charge
élémentaire de l’électron e pour l’accélération par le
champ électrique et leur masse effective m* est le plus
souvent réduite par rapport à la masse m des électrons
dans le vide. Les quasi-électrons interagissent peu entre
eux car la charge négative de l’électron est en perma-
nence étroitement écrantée au cœur du conducteur par
un nuage chargé positivement. Ce nuage provient d’une
diminution locale de la densité électronique en présence
des noyaux atomiques du réseau cristallin chargés posi-
tivement. Lorsque la taille des conducteurs est fortement
réduite les interactions prennent d’autant plus d’impor-
tance que le confinement rend les distances inter-élec-
troniques plus petites et que l’écrantage de la charge
électronique n’est plus aussi efficace. Les interactions
résiduelles entre quasi-électrons peuvent toutefois être
prises en compte comme des petites perturbations dans
Les porteurs de charge dans les conducteurs électriques sont généralement bien décrits par des particules
électroniques pratiquement libres malgré l’interaction de Coulomb. Ce n’est pas le cas dans les conducteurs
unidimensionnels où l’effet des interactions est exacerbé par le confinement et où des phénomènes
spectaculaires comme la séparation du spin et de la charge de l’électron apparaissent. Afin de sonder
les interactions dans un conducteur unidimensionnel, nous avons réalisé une expérience dans le régime
de l’effet Hall quantique. Une technique spectroscopique donnant accès à la distribution en énergie des
électrons du conducteur unidimensionnel mis hors d’équilibre révèle les transferts d’énergie qui résultent
des interactions.
À la recherche des interactions
entre électrons dans les
conducteurs unidimensionnels
Article proposé par :
A. Anthore, [email protected]
H. le Sueur, Helene.le-S[email protected]
C. Altimiras, C[email protected]
U. Gennser, Ulf.G[email protected]
D. Mailly, Dominique.M[email protected]
F. Pierre, F[email protected]
Laboratoire de Photonique et de Nanostructures, UPR 20, CNRS/Univ. Paris Diderot, Marcoussis
La dualité onde-corpuscule implique que les élec-
trons dans les conducteurs sont décrits à la fois par
des particules et par des ondes. Cette dualité se
manifeste particulièrement dans les circuits de petite
taille, lorsqu’une ou plusieurs dimensions sont compa-
rables à la longueur d’onde électronique. Il se produit
alors des résonances électroniques, de manière analogue
aux résonances acoustiques dans une pièce de petite taille.
Augmenter le confinement dans ces circuits a aussi pour
effet d’augmenter les interactions entre électrons, ce qui
peut bouleverser profondément la nature des états électro-
niques dans le conducteur. Les conséquences sont parfois
spectaculaires : bien que les électrons soient un des
constituants élémentaires de la nature, indivisibles, ils
apparaissent dans les conducteurs unidimensionnels
comme si leur composante de charge et leur composante
de spin étaient séparées. En général, les interactions enri-
chissent considérablement la palette de phénomènes phy-
siques en créant des états de la matière corrélés et en
intriquant les degrés de liberté en présence. De plus, les
interactions sont responsables de la perte de cohérence
quantique, en brouillant la phase quantique d’un électron,
par exemple, par le couplage à son environnement. De ce
fait, elles jouent un rôle essentiel en physique mésosco-
pique, à la frontière entre le monde macroscopique décrit
par la mécanique classique et le monde microscopique
décrit par la mécanique quantique.
51
Mécanique quantique À la recherche des interactions entre électrons dans les conducteurs unidimensionnels
53
système électronique est d’y injecter de l’énergie en excès.
Une façon précise de caractériser la relaxation vers l’équi-
libre est de mesurer la probabilité d’occupation des états
électroniques en fonction de leur énergie notée f(E). En
particulier, à l’équilibre, le système aura tendance à mini-
miser son énergie totale et les états de plus haute éner-
gie ne seront pas occupés. Hors équilibre, si l’injection
d’énergie est suffisante, ces mêmes états seront occupés.
Lors de la relaxation vers l’équilibre due aux interactions,
des transferts d’énergie auront lieu pour dépeupler les
états de plus haute énergie. Observer la façon dont f(E)
se déforme pour converger vers une fonction d’équilibre
fournit donc des informations sur les mécanismes d’inte-
raction, par exemple à travers d’éventuelles fuites d’éner-
gie hors du système électronique sondé, mais aussi sur la
nature des excitations électroniques.
Encadré Canaux de bord unidimensionnels de l’effet Hall quantique
L’effet Hall quantique se produit dans les conducteurs
bidimensionnels faiblement désordonnés soumis à un fort
champ magnétique perpendiculaire. Ce phénomène se
manifeste par l’existence de plateaux de la résistance de Hall
en fonction du champ magnétique, établis à des fractions
entières du quantum de résistance
Rh
e
K=/ 25,8
2k
(figure E1a). Dans ce régime, le courant se propage le long
des bords, dans des canaux considérés comme la réalisation
quasi idéale de conducteurs unidimensionnels balistiques.
Ceci se comprend intuitivement au vu des trajectoires
électroniques classiques (figure E1b, haut). Sous l’influence
du champ magnétique B, les électrons au cœur du conduc-
teur suivent des orbites circulaires de très petite taille – typi-
quement 10 nm pour B = 10 T
– à la fréquence cyclotron
wc = eB/m*. Avec des électrons si localisés, on s’attend à ce
que le cœur de l’échantillon soit un mauvais conducteur. Au
contraire, les électrons proches du bord rebondissent contre
les parois, se propageant ainsi de proche en proche le long
du bord de manière chirale, c’est-à-dire selon une direction
unique qui dépend du bord de l’échantillon.
La mécanique quantique a pour effet de discréti-
ser l’énergie cinétique associée aux orbites cyclotrons en
niveaux dits de Landau qui sont espacés par l’énergie
ω
c
(figure E1b, bas). Dans cette image, le régime de l’effet Hall
quantique correspond à la situation où l’énergie de Fermi EF,
en dessous de laquelle tous les niveaux électroniques sont
occupés, est située entre deux niveaux de telle sorte que les
niveaux de Landau sont tous soit entièrement remplis d’élec-
trons, soit entièrement vides au cœur de l’échantillon. En
conséquence, il n’existe pas au cœur de l’échantillon d’exci-
tations électroniques de basse énergie (proche de EF) contri-
buant au transport. Les seules excitations électroniques de
basse énergie sont portées par les canaux de bord situés au
croisement entre EF et un niveau de Landau courbé sur les
bords par le potentiel de confinement. Il y a donc autant de
canaux de bord co-propageants que le nombre n de niveaux
de Landau remplis au cœur de l’échantillon. Comme les
canaux suivent des lignes équipotentielles unidimension-
nelles et comme la rétro-diffusion de la charge est rendue
impossible par la chiralité, chacun contribue en parallèle
comme un canal unidimensionnel parfaitement balistique
de conductance universelle 1/RK. Ce modèle simple per-
met de décrire l’effet Hall quantique entier sans prendre en
compte les interactions.
Figure E1 (a) Haut : photographie optique d’une barre de Hall typique et schéma électrique. Bas : résistance de Hall RHall = VHall/I et résistance longitu-
dinale RL = VL/I mesurée en fonction du champ magnétique sur un gaz bidimensionnel d’électrons. (b) Haut : plan bidimensionnel d’électrons. Les lignes
continues représentent les trajectoires classiques au cœur de l’échantillon et sur les bords. Les tirets représentent les canaux de bord. Bas : énergie des
niveaux de Landau en fonction de la position y dans le gaz bidimensionnel.
Mécanique quantique
À la recherche des interactions entre électrons dans les conducteurs unidimensionnels
52
peu de conducteurs purement unidimensionnels qui
soient faciles à connecter électriquement pour sonder le
transport. De plus, il faut que ces conducteurs soient très
peu désordonnés : à une dimension, le moindre défaut
est incontournable, ce qui rend les matériaux très faci-
lement isolants. Les nanotubes de carbone sont d’excel-
lents candidats comme conducteur unidimensionnel
et ont soulevé un intérêt majeur depuis les années 90.
Cependant la plupart des mesures de transport dans ces
systèmes sont dominées par les effets de longueur finie
et les reprises de contact, donnant accès à la physique à
zéro dimension ou à celle des contacts tridimensionnels
plutôt qu’à la physique unidimensionnelle. Les canaux de
bord de l’effet Hall quantique dans les gaz bidimension-
nels d’électrons (voir encadré), faciles à connecter et moins
sensibles au désordre, sont des composants modèles pour
étudier les excitations électroniques en régime de trans-
port purement unidimensionnel. Ils ont été utilisés dans
l’expérience décrite ci-dessous, où une technique spec-
troscopique permet de sonder l’effet des interactions via
les transferts d’énergie qu’elles génèrent.
Spectroscopie hors-équilibre
des canaux de bord de l’effet Hall
quantique
Une manière directe de sonder expérimentalement
les interactions est de mettre le système électronique
hors d’équilibre et d’observer son retour vers l’équilibre.
En général le plus simple pour mettre hors d’équilibre le
la plupart des cas et le modèle des liquides de Fermi
reste valable.
Cette description simple en terme de quasi-électrons
libres est mise à mal dans les conducteurs unidimension-
nels, plus étroits que la longueur d’onde électronique. Ceci
se comprend intuitivement en réalisant qu’un électron
essayant de se propager doit repousser ses voisins le long
du conducteur à cause des interactions électron-électron.
Ce n’est pas le cas dans les conducteurs de plus grande
dimensionnalité où les électrons voisins peuvent facile-
ment se contourner. Puisque le déplacement d’un électron
individuel est impossible dans un conducteur unidimen-
sionnel, les excitations électroniques sont de nature collec-
tive. De plus, le couplage entre électrons et trous (absence
d’électron) unidimensionnels de spin opposés et de même
impulsion donne lieu à des excitations électroniques col-
lectives portant soit une charge et aucun spin soit un spin
et aucune charge. Ces deux types d’excitations se propagent
à des vitesses différentes car les interactions entre élec-
trons affectent essentiellement la vitesse des excitations de
charge. En conséquence, la charge et le spin d’un électron
injecté dans un conducteur unidimensionnel s’éloignent
progressivement, on parle de séparation spin-charge. Plus
généralement, le modèle de Tomonaga-Luttinger décrit les
propriétés de transport des excitations électroniques de
petite énergie dans ces systèmes.
Bien que les prédictions théoriques existent depuis
plus de 50 ans quant aux excitations électroniques dans
les conducteurs unidimensionnels, ce n’est que très
récemment qu’elles ont commencé à être mises en évi-
dence expérimentalement. Il existe en effet dans la nature
Figure 1 Dispositif expérimental. Gauche : représentation de l’échantillon en perspective. Le gaz bidimensionnel d’électrons (gris clair) créé à l’interface entre deux
semiconducteurs GaAs et AlGaAs est enterré à 105 nm en dessous de la surface. Les grilles (roses) sont posées à la surface et isolées galvaniquement du gaz d’élec-
trons. Polarisées négativement, elles définissent des zones interdites pour les électrons du gaz bidimensionnel (gris foncé). Le chemin des canaux de bord chiraux
en présence d’un champ magnétique de 4,25 Tesla est représenté par des lignes noires et orienté par des flèches. Les interconnexions entre canaux de bord sont
représentées par des lignes pointillées. La reprise de contact vers les canaux de bord se fait par l’intermédiaire de contacts ohmiques (jaunes). Les principales sources
de tension sont indiquées. Les fonctions de distribution en énergie des états électroniques attendues dans les canaux de bord sont représentées dans les encadrés.
Droite : image au microscope électronique de l’échantillon.
Mécanique quantique
À la recherche des interactions entre électrons dans les conducteurs unidimensionnels
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système électronique est d’y injecter de l’énergie en excès.
Une façon précise de caractériser la relaxation vers l’équi-
libre est de mesurer la probabilité d’occupation des états
électroniques en fonction de leur énergie notée f(E). En
particulier, à l’équilibre, le système aura tendance à mini-
miser son énergie totale et les états de plus haute éner-
gie ne seront pas occupés. Hors équilibre, si l’injection
d’énergie est suffisante, ces mêmes états seront occupés.
Lors de la relaxation vers l’équilibre due aux interactions,
des transferts d’énergie auront lieu pour dépeupler les
états de plus haute énergie. Observer la façon dont f(E)
se déforme pour converger vers une fonction d’équilibre
fournit donc des informations sur les mécanismes d’inte-
raction, par exemple à travers d’éventuelles fuites d’éner-
gie hors du système électronique sondé, mais aussi sur la
nature des excitations électroniques.
Encadré Canaux de bord unidimensionnels de l’effet Hall quantique
L’effet Hall quantique se produit dans les conducteurs
bidimensionnels faiblement désordonnés soumis à un fort
champ magnétique perpendiculaire. Ce phénomène se
manifeste par l’existence de plateaux de la résistance de Hall
en fonction du champ magnétique, établis à des fractions
entières du quantum de résistance Rhe
K=/ 25,8
2k
(figure E1a). Dans ce régime, le courant se propage le long
des bords, dans des canaux considérés comme la réalisation
quasi idéale de conducteurs unidimensionnels balistiques.
Ceci se comprend intuitivement au vu des trajectoires
électroniques classiques (figure E1b, haut). Sous l’influence
du champ magnétique B, les électrons au cœur du conduc-
teur suivent des orbites circulaires de très petite taille – typi-
quement 10 nm pour B = 10 T
– à la fréquence cyclotron
wc = eB/m*. Avec des électrons si localisés, on s’attend à ce
que le cœur de l’échantillon soit un mauvais conducteur. Au
contraire, les électrons proches du bord rebondissent contre
les parois, se propageant ainsi de proche en proche le long
du bord de manière chirale, c’est-à-dire selon une direction
unique qui dépend du bord de l’échantillon.
La mécanique quantique a pour effet de discréti-
ser l’énergie cinétique associée aux orbites cyclotrons en
niveaux dits de Landau qui sont espacés par l’énergie
ω
c
(figure E1b, bas). Dans cette image, le régime de l’effet Hall
quantique correspond à la situation où l’énergie de Fermi EF,
en dessous de laquelle tous les niveaux électroniques sont
occupés, est située entre deux niveaux de telle sorte que les
niveaux de Landau sont tous soit entièrement remplis d’élec-
trons, soit entièrement vides au cœur de l’échantillon. En
conséquence, il n’existe pas au cœur de l’échantillon d’exci-
tations électroniques de basse énergie (proche de EF) contri-
buant au transport. Les seules excitations électroniques de
basse énergie sont portées par les canaux de bord situés au
croisement entre EF et un niveau de Landau courbé sur les
bords par le potentiel de confinement. Il y a donc autant de
canaux de bord co-propageants que le nombre n de niveaux
de Landau remplis au cœur de l’échantillon. Comme les
canaux suivent des lignes équipotentielles unidimension-
nelles et comme la rétro-diffusion de la charge est rendue
impossible par la chiralité, chacun contribue en parallèle
comme un canal unidimensionnel parfaitement balistique
de conductance universelle 1/RK. Ce modèle simple per-
met de décrire l’effet Hall quantique entier sans prendre en
compte les interactions.
Figure E1 (a) Haut : photographie optique d’une barre de Hall typique et schéma électrique. Bas : résistance de Hall RHall = VHall/I et résistance longitu-
dinale RL = VL/I mesurée en fonction du champ magnétique sur un gaz bidimensionnel d’électrons. (b) Haut : plan bidimensionnel d’électrons. Les lignes
continues représentent les trajectoires classiques au cœur de l’échantillon et sur les bords. Les tirets représentent les canaux de bord. Bas : énergie des
niveaux de Landau en fonction de la position y dans le gaz bidimensionnel.
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peu de conducteurs purement unidimensionnels qui
soient faciles à connecter électriquement pour sonder le
transport. De plus, il faut que ces conducteurs soient très
peu désordonnés : à une dimension, le moindre défaut
est incontournable, ce qui rend les matériaux très faci-
lement isolants. Les nanotubes de carbone sont d’excel-
lents candidats comme conducteur unidimensionnel
et ont soulevé un intérêt majeur depuis les années 90.
Cependant la plupart des mesures de transport dans ces
systèmes sont dominées par les effets de longueur finie
et les reprises de contact, donnant accès à la physique à
zéro dimension ou à celle des contacts tridimensionnels
plutôt qu’à la physique unidimensionnelle. Les canaux de
bord de l’effet Hall quantique dans les gaz bidimension-
nels d’électrons (voir encadré), faciles à connecter et moins
sensibles au désordre, sont des composants modèles pour
étudier les excitations électroniques en régime de trans-
port purement unidimensionnel. Ils ont été utilisés dans
l’expérience décrite ci-dessous, où une technique spec-
troscopique permet de sonder l’effet des interactions via
les transferts d’énergie qu’elles génèrent.
Spectroscopie hors-équilibre
des canaux de bord de l’effet Hall
quantique
Une manière directe de sonder expérimentalement
les interactions est de mettre le système électronique
hors d’équilibre et d’observer son retour vers l’équilibre.
En général le plus simple pour mettre hors d’équilibre le
la plupart des cas et le modèle des liquides de Fermi
reste valable.
Cette description simple en terme de quasi-électrons
libres est mise à mal dans les conducteurs unidimension-
nels, plus étroits que la longueur d’onde électronique. Ceci
se comprend intuitivement en réalisant qu’un électron
essayant de se propager doit repousser ses voisins le long
du conducteur à cause des interactions électron-électron.
Ce n’est pas le cas dans les conducteurs de plus grande
dimensionnalité où les électrons voisins peuvent facile-
ment se contourner. Puisque le déplacement d’un électron
individuel est impossible dans un conducteur unidimen-
sionnel, les excitations électroniques sont de nature collec-
tive. De plus, le couplage entre électrons et trous (absence
d’électron) unidimensionnels de spin opposés et de même
impulsion donne lieu à des excitations électroniques col-
lectives portant soit une charge et aucun spin soit un spin
et aucune charge. Ces deux types d’excitations se propagent
à des vitesses différentes car les interactions entre élec-
trons affectent essentiellement la vitesse des excitations de
charge. En conséquence, la charge et le spin d’un électron
injecté dans un conducteur unidimensionnel s’éloignent
progressivement, on parle de séparation spin-charge. Plus
généralement, le modèle de Tomonaga-Luttinger décrit les
propriétés de transport des excitations électroniques de
petite énergie dans ces systèmes.
Bien que les prédictions théoriques existent depuis
plus de 50 ans quant aux excitations électroniques dans
les conducteurs unidimensionnels, ce n’est que très
récemment qu’elles ont commencé à être mises en évi-
dence expérimentalement. Il existe en effet dans la nature
Figure 1 Dispositif expérimental. Gauche : représentation de l’échantillon en perspective. Le gaz bidimensionnel d’électrons (gris clair) créé à l’interface entre deux
semiconducteurs GaAs et AlGaAs est enterré à 105 nm en dessous de la surface. Les grilles (roses) sont posées à la surface et isolées galvaniquement du gaz d’élec-
trons. Polarisées négativement, elles définissent des zones interdites pour les électrons du gaz bidimensionnel (gris foncé). Le chemin des canaux de bord chiraux
en présence d’un champ magnétique de 4,25 Tesla est représenté par des lignes noires et orienté par des flèches. Les interconnexions entre canaux de bord sont
représentées par des lignes pointillées. La reprise de contact vers les canaux de bord se fait par l’intermédiaire de contacts ohmiques (jaunes). Les principales sources
de tension sont indiquées. Les fonctions de distribution en énergie des états électroniques attendues dans les canaux de bord sont représentées dans les encadrés.
Droite : image au microscope électronique de l’échantillon.
Mécanique quantique À la recherche des interactions entre électrons dans les conducteurs unidimensionnels
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tracées en fonction de dV et de la tension de grille VG,
pour une transmission du contact ponctuel quantique
réglée à t 0,4. Les parties claires correspondent aux
bords de marche des fonctions de distribution en éner-
gie. On peut voir deux bords de marche similaires dont
la distance en tension de grille VG, et donc en énergie, est
proportionnelle à dV. La figure 3b présente les fonctions de
distribution en énergie extraites des données brutes pour
différentes tensions dV. Lorsque les deux canaux se ren-
contrant au niveau du contact ponctuel quantique sont à
la même tension, la fonction de distribution mesurée est
une fonction de Fermi à la température de 43 mK, proche
de la température dans le réfrigérateur à dilution où est
fixé l’échantillon. Quand on augmente dV, la fonction de
distribution prend la forme d’une double marche dont la
hauteur (0,4) et la largeur ( edV) obéissent aux prédic-
tions théoriques sans interactions.
Pour observer le retour progressif de la distribution
électronique vers l’équilibre, la distance entre la création
Figure 2 Spectroscopie d’états électroniques hors-équilibre. (a) Schéma d’une boîte quantique couplée à deux canaux de bord. La boîte quantique est définie dans le
gaz bidimensionnel à l’aide de grilles couplées électrostatiquement (en vert et violet). Les courants ID et IS circulent dans les canaux de bord rouge et bleu. Le courant
Iboîte mesuré est le courant traversant la boîte quantique. Les dimensions de cette boîte quantique sont suffisamment petites pour que l’espacement entre niveaux
électroniques discrets soit plus grand que la gamme d’énergie explorée. Il n’y a alors qu’un seul niveau électronique discret actif. (b) Description schématique de la
spectroscopie des fonctions de distribution en énergie fD,S(E) dans les électrodes de drain (D) et source (S) avec un seul niveau électronique discret d’énergie Eniv(VG)
dans la boîte quantique. La distribution en énergie dans le drain est supposée hors d’équilibre avec une forme de double marche tandis que la distribution en énergie
dans la source est ici une fonction de Fermi d’équilibre. (c) Lorsque la boîte quantique est très faiblement couplée à la source et au drain (régime tunnel séquentiel),
le courant électrique Iboîte la traversant est directement proportionnel à fS(Eniv) fD(Eniv). Les fonctions fD,S(E) sont obtenues en balayant Eniv par effet de champ
avec la tension VG. Sur la gamme d’énergie sondée, on a ∂∂EVe
GG
niv/
η
, où hG est un bras de levier qui dépend du couplage capacitif grille-boîte quantique.
(d) La transconductance Iboîte/VG, signal mesuré dans l’expérience, est proportionnelle à (fS fD)/E.
Figure 3 Test expérimental de la technique de spectroscopie hors équilibre. Pour pouvoir ignorer l’effet des interactions le long du canal de bord, la longueur
de propagation est ici très courte (0,8 mm). (a) Données expérimentales de conductance différentielle de la boîte quantique Iboîte/VG représentées en échelle de
couleur (le sombre correspond à un signal faible et le clair à un signal négatif) en fonction de VG la tension de grille de la boîte quantique, et de dV différence de
tension entre les deux canaux de bord mélangés au niveau du contact ponctuel pour générer en sortie une fonction de distribution électronique hors équilibre. (b)
Symboles : fonctions de distribution f (E) mesurées en fonction de l’énergie E des états électroniques pour différentes tensions de polarisation du contact ponctuel
quantique dV. Les fonctions de distribution sont obtenues en intégrant sur VG les données expérimentales de la figure de gauche aux valeurs de dV indiquées par les
tirets colorés. La conversion entre la tension VG et l’énergie E se fait grâce à une calibration indépendante. La ligne noire correspond à la fonction de Fermi calculée
à une température T = 43 mK.
Mécanique quantique
À la recherche des interactions entre électrons dans les conducteurs unidimensionnels
54
Le système électronique que nous avons sondé de cette
manière est un canal de bord du régime de l’effet Hall
quantique (voir encadré). Ces canaux guidant le courant
électrique le long des bords de l’échantillon sont générale-
ment considérés comme des conducteurs unidimension-
nels parfaitement balistiques. En effet, sous l’influence du
champ magnétique, le courant ne s’y propage que dans
un seul sens et, en conséquence, l’inévitable désordre rési-
duel ne peut pas entraîner une rétro-diffusion du courant
dans le canal. Dans ces canaux de bord, il est prédit que
les porteurs de charge vérifient le principe d’exclusion de
Pauli, qui stipule qu’un même état quantique peut être
occupé au plus par un fermion. Le remplissage des états
accessibles à ces porteurs, qui sont quantifiés par leur
caractère ondulatoire, combiné à la taille finie du circuit,
se fait donc par énergie croissante et l’énergie du dernier
niveau occupé à température nulle est appelée énergie de
Fermi EF. A l’équilibre à une température T, la probabi-
lité d’occupation des états électroniques, aussi appelée
fonction de distribution en énergie, est alors une fonction
de Fermi fE eEE
FkBT
()=1/(
1)
()/
+kB est la constante
de Boltzmann. Hors d’équilibre, cette distribution peut
prendre des formes très différentes.
En pratique, le dispositif utilisé pour obtenir le régime
de l’effet Hall quantique est un gaz bidimensionnel
d’électrons formé à l’interface de deux semiconducteurs
dAlGaAs et de GaAs de très grande pureté, réalisés par
épitaxie par jets moléculaires. Le nombre de canaux
le long de chaque bord du gaz d’électrons est contrôlé
par la valeur du champ magnétique B (voir encadré).
L’échantillon mesuré est représenté sur la figure 1. Le gaz
bidimensionnel est séparé de la surface de l’échantillon
par 105 nm de matériaux isolants. Pour établir un contact
électrique avec les canaux au bord du gaz bidimension-
nel, on fait diffuser un alliage d’or et de germanium au
travers de la couche isolante (en jaune sur la figure 1). Le
chemin suivi par les canaux de bord est ensuite défini en
appliquant une tension négative à des grilles métalliques
déposées à la surface de l’échantillon : une tension suf-
fisamment négative repousse le gaz d’électrons présent
sous la grille, ce qui forme des bords artificiels le long des-
quels se propagent les canaux.
Pour mettre un canal de bord hors équilibre, nous
mélangeons les populations électroniques de deux canaux
de bord portés à des potentiels électriques différents au
moyen d’une petite constriction (voir figure 1, panneau de
gauche). Cette petite constriction, appelée contact ponc-
tuel quantique, réalise l’équivalent électronique d’un sépa-
rateur de faisceau optique. Elle est réalisée au moyen de
deux grilles métalliques en regard situées au dessus du
gaz bidimensionnel d’électrons (voir figure 1, panneau
de droite). En appliquant une tension de polarisation de
plus en plus négative aux grilles, une zone confinée de
plus en plus étroite entre les deux grilles est formée par
répulsion électrostatique. La probabilité de transmission
t des canaux de bord incidents à travers le contact ponc-
tuel quantique peut être complètement ajustée avec la ten-
sion de grille, entre 1 (passant) et 0 (fermé). Dans chaque
canal de bord provenant directement d’un contact élec-
trique polarisé à une tension V, le système électronique
est à l’équilibre thermique : la distribution en énergie
électronique y a la forme d’une fonction de Fermi, c’est-
à-dire une marche arrondie à cause de la température T
sur une largeur d’environ kBT et décalée en énergie par
le potentiel électrochimique appliqué –eV. L’énergie de
chaque état électronique transférée à travers la constric-
tion est constante. En conséquence, la distribution en
énergie dans les canaux de bord sortant est simplement la
somme des deux fonctions de Fermi incidentes pondérées
par les probabilités de transmission t et de réflexion 1t
pour que les canaux de bord incidents aboutissent dans le
canal sortant considéré. Il en résulte une distribution en
énergie en forme de double marche en sortie du contact
ponctuel quantique (voir figure 1, panneau de gauche),
très différente d’une fonction de Fermi à l’équilibre.
Le deuxième élément clé est la possibilité de mesurer
la fonction de distribution en énergie des électrons dans
un canal de bord. Pour cela nous utilisons une boîte quan-
tique, c’est à dire une zone très confinée du gaz bidimen-
sionnel d’électrons, comme filtre passe bande en énergie
(voir figure 2 ). En effet, le caractère ondulatoire des élec-
trons associé aux petites dimensions entraîne une quan-
tification de l’énergie des niveaux électroniques dans la
boîte quantique, de façon analogue à la quantification des
niveaux dans un atome. Lorsque la boîte quantique est fai-
blement couplée à des canaux de bord, les seuls électrons
qui peuvent la traverser sont ceux qui ont l’énergie d’un
des niveaux discrets. Dans l’expérience, la boîte quantique
est suffisamment petite pour qu’un seul niveau d’éner-
gie Eniv soit accessible dans la gamme d’énergie explorée.
Dans ce cas, le courant Iboîte à travers la boîte quantique
est directement lié à la probabilité de présence f(Eniv) d’un
électron à l’énergie Eniv. L’énergie Eniv est modulable par
effet de champ en modifiant la tension VG appliquée à
une grille métallique couplée capacitivement au niveau
discret de la boîte. Afin d’obtenir la distribution en éner-
gie f(E), il suffit alors de mesurer
IV
Gboîte
()
en balayant VG.
Relaxation en énergie
des états de bord
Afin de démontrer la validité de la spectroscopie
hors d’équilibre décrite ci-dessus, nous avons d’abord
mesuré la fonction de distribution suffisamment près
du contact ponctuel quantique d’injection pour pouvoir
ignorer les interactions survenant lors de la propaga-
tion jusqu’à la boîte quantique de mesure. Dans ce cas,
nous nous attendons donc à observer une fonction de
distribution en forme de double marche dont la hauteur
des marches est donnée par la transmission du contact
ponctuel quantique – caractérisée indépendamment – et
la distance entre marches est définie par la tension dV
entre canaux de bord. La figure 3a présente en échelle de
couleur des données expérimentales brutes
Gboîte/,
proportionnelles dans cette gamme d’énergie à f/E,
Mécanique quantique
À la recherche des interactions entre électrons dans les conducteurs unidimensionnels
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tracées en fonction de dV et de la tension de grille VG,
pour une transmission du contact ponctuel quantique
réglée à t 0,4. Les parties claires correspondent aux
bords de marche des fonctions de distribution en éner-
gie. On peut voir deux bords de marche similaires dont
la distance en tension de grille VG, et donc en énergie, est
proportionnelle à dV. La figure 3b présente les fonctions de
distribution en énergie extraites des données brutes pour
différentes tensions dV. Lorsque les deux canaux se ren-
contrant au niveau du contact ponctuel quantique sont à
la même tension, la fonction de distribution mesurée est
une fonction de Fermi à la température de 43 mK, proche
de la température dans le réfrigérateur à dilution où est
fixé l’échantillon. Quand on augmente dV, la fonction de
distribution prend la forme d’une double marche dont la
hauteur (0,4) et la largeur ( edV) obéissent aux prédic-
tions théoriques sans interactions.
Pour observer le retour progressif de la distribution
électronique vers l’équilibre, la distance entre la création
Figure 2 Spectroscopie d’états électroniques hors-équilibre. (a) Schéma d’une boîte quantique couplée à deux canaux de bord. La boîte quantique est définie dans le
gaz bidimensionnel à l’aide de grilles couplées électrostatiquement (en vert et violet). Les courants ID et IS circulent dans les canaux de bord rouge et bleu. Le courant
Iboîte mesuré est le courant traversant la boîte quantique. Les dimensions de cette boîte quantique sont suffisamment petites pour que l’espacement entre niveaux
électroniques discrets soit plus grand que la gamme d’énergie explorée. Il n’y a alors qu’un seul niveau électronique discret actif. (b) Description schématique de la
spectroscopie des fonctions de distribution en énergie fD,S(E) dans les électrodes de drain (D) et source (S) avec un seul niveau électronique discret d’énergie Eniv(VG)
dans la boîte quantique. La distribution en énergie dans le drain est supposée hors d’équilibre avec une forme de double marche tandis que la distribution en énergie
dans la source est ici une fonction de Fermi d’équilibre. (c) Lorsque la boîte quantique est très faiblement couplée à la source et au drain (régime tunnel séquentiel),
le courant électrique Iboîte la traversant est directement proportionnel à fS(Eniv) fD(Eniv). Les fonctions fD,S(E) sont obtenues en balayant Eniv par effet de champ
avec la tension VG. Sur la gamme d’énergie sondée, on a ∂∂EVe
GG
niv/
η
, où hG est un bras de levier qui dépend du couplage capacitif grille-boîte quantique.
(d) La transconductance Iboîte/VG, signal mesuré dans l’expérience, est proportionnelle à (fS fD)/E.
Figure 3 Test expérimental de la technique de spectroscopie hors équilibre. Pour pouvoir ignorer l’effet des interactions le long du canal de bord, la longueur
de propagation est ici très courte (0,8 mm). (a) Données expérimentales de conductance différentielle de la boîte quantique Iboîte/VG représentées en échelle de
couleur (le sombre correspond à un signal faible et le clair à un signal négatif) en fonction de VG la tension de grille de la boîte quantique, et de dV différence de
tension entre les deux canaux de bord mélangés au niveau du contact ponctuel pour générer en sortie une fonction de distribution électronique hors équilibre. (b)
Symboles : fonctions de distribution f (E) mesurées en fonction de l’énergie E des états électroniques pour différentes tensions de polarisation du contact ponctuel
quantique dV. Les fonctions de distribution sont obtenues en intégrant sur VG les données expérimentales de la figure de gauche aux valeurs de dV indiquées par les
tirets colorés. La conversion entre la tension VG et l’énergie E se fait grâce à une calibration indépendante. La ligne noire correspond à la fonction de Fermi calculée
à une température T = 43 mK.
Mécanique quantique À la recherche des interactions entre électrons dans les conducteurs unidimensionnels
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Le système électronique que nous avons sondé de cette
manière est un canal de bord du régime de l’effet Hall
quantique (voir encadré). Ces canaux guidant le courant
électrique le long des bords de l’échantillon sont générale-
ment considérés comme des conducteurs unidimension-
nels parfaitement balistiques. En effet, sous l’influence du
champ magnétique, le courant ne s’y propage que dans
un seul sens et, en conséquence, l’inévitable désordre rési-
duel ne peut pas entraîner une rétro-diffusion du courant
dans le canal. Dans ces canaux de bord, il est prédit que
les porteurs de charge vérifient le principe d’exclusion de
Pauli, qui stipule qu’un même état quantique peut être
occupé au plus par un fermion. Le remplissage des états
accessibles à ces porteurs, qui sont quantifiés par leur
caractère ondulatoire, combiné à la taille finie du circuit,
se fait donc par énergie croissante et l’énergie du dernier
niveau occupé à température nulle est appelée énergie de
Fermi EF. A l’équilibre à une température T, la probabi-
lité d’occupation des états électroniques, aussi appelée
fonction de distribution en énergie, est alors une fonction
de Fermi fE eEE
FkBT
()=1/(
1)
()/
+kB est la constante
de Boltzmann. Hors d’équilibre, cette distribution peut
prendre des formes très différentes.
En pratique, le dispositif utilisé pour obtenir le régime
de l’effet Hall quantique est un gaz bidimensionnel
d’électrons formé à l’interface de deux semiconducteurs
dAlGaAs et de GaAs de très grande pureté, réalisés par
épitaxie par jets moléculaires. Le nombre de canaux
le long de chaque bord du gaz d’électrons est contrôlé
par la valeur du champ magnétique B (voir encadré).
L’échantillon mesuré est représenté sur la figure 1. Le gaz
bidimensionnel est séparé de la surface de l’échantillon
par 105 nm de matériaux isolants. Pour établir un contact
électrique avec les canaux au bord du gaz bidimension-
nel, on fait diffuser un alliage d’or et de germanium au
travers de la couche isolante (en jaune sur la figure 1). Le
chemin suivi par les canaux de bord est ensuite défini en
appliquant une tension négative à des grilles métalliques
déposées à la surface de l’échantillon : une tension suf-
fisamment négative repousse le gaz d’électrons présent
sous la grille, ce qui forme des bords artificiels le long des-
quels se propagent les canaux.
Pour mettre un canal de bord hors équilibre, nous
mélangeons les populations électroniques de deux canaux
de bord portés à des potentiels électriques différents au
moyen d’une petite constriction (voir figure 1, panneau de
gauche). Cette petite constriction, appelée contact ponc-
tuel quantique, réalise l’équivalent électronique d’un sépa-
rateur de faisceau optique. Elle est réalisée au moyen de
deux grilles métalliques en regard situées au dessus du
gaz bidimensionnel d’électrons (voir figure 1, panneau
de droite). En appliquant une tension de polarisation de
plus en plus négative aux grilles, une zone confinée de
plus en plus étroite entre les deux grilles est formée par
répulsion électrostatique. La probabilité de transmission
t des canaux de bord incidents à travers le contact ponc-
tuel quantique peut être complètement ajustée avec la ten-
sion de grille, entre 1 (passant) et 0 (fermé). Dans chaque
canal de bord provenant directement d’un contact élec-
trique polarisé à une tension V, le système électronique
est à l’équilibre thermique : la distribution en énergie
électronique y a la forme d’une fonction de Fermi, c’est-
à-dire une marche arrondie à cause de la température T
sur une largeur d’environ kBT et décalée en énergie par
le potentiel électrochimique appliqué –eV. L’énergie de
chaque état électronique transférée à travers la constric-
tion est constante. En conséquence, la distribution en
énergie dans les canaux de bord sortant est simplement la
somme des deux fonctions de Fermi incidentes pondérées
par les probabilités de transmission t et de réflexion 1t
pour que les canaux de bord incidents aboutissent dans le
canal sortant considéré. Il en résulte une distribution en
énergie en forme de double marche en sortie du contact
ponctuel quantique (voir figure 1, panneau de gauche),
très différente d’une fonction de Fermi à l’équilibre.
Le deuxième élément clé est la possibilité de mesurer
la fonction de distribution en énergie des électrons dans
un canal de bord. Pour cela nous utilisons une boîte quan-
tique, c’est à dire une zone très confinée du gaz bidimen-
sionnel d’électrons, comme filtre passe bande en énergie
(voir figure 2 ). En effet, le caractère ondulatoire des élec-
trons associé aux petites dimensions entraîne une quan-
tification de l’énergie des niveaux électroniques dans la
boîte quantique, de façon analogue à la quantification des
niveaux dans un atome. Lorsque la boîte quantique est fai-
blement couplée à des canaux de bord, les seuls électrons
qui peuvent la traverser sont ceux qui ont l’énergie d’un
des niveaux discrets. Dans l’expérience, la boîte quantique
est suffisamment petite pour qu’un seul niveau d’éner-
gie Eniv soit accessible dans la gamme d’énergie explorée.
Dans ce cas, le courant Iboîte à travers la boîte quantique
est directement lié à la probabilité de présence f(Eniv) d’un
électron à l’énergie Eniv. L’énergie Eniv est modulable par
effet de champ en modifiant la tension VG appliquée à
une grille métallique couplée capacitivement au niveau
discret de la boîte. Afin d’obtenir la distribution en éner-
gie f(E), il suffit alors de mesurer
IV
Gboîte
()
en balayant VG.
Relaxation en énergie
des états de bord
Afin de démontrer la validité de la spectroscopie
hors d’équilibre décrite ci-dessus, nous avons d’abord
mesuré la fonction de distribution suffisamment près
du contact ponctuel quantique d’injection pour pouvoir
ignorer les interactions survenant lors de la propaga-
tion jusqu’à la boîte quantique de mesure. Dans ce cas,
nous nous attendons donc à observer une fonction de
distribution en forme de double marche dont la hauteur
des marches est donnée par la transmission du contact
ponctuel quantique – caractérisée indépendamment – et
la distance entre marches est définie par la tension dV
entre canaux de bord. La figure 3a présente en échelle de
couleur des données expérimentales brutes
∂∂IV
Gboîte/,
proportionnelles dans cette gamme d’énergie à f/E,
1 / 7 100%

À la recherche des interactions entre électrons dans les conducteurs

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