“ Développement de l`Industrie Créative et Réduction du Chômage

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Développement de l’Industrie Créative et Réduction du Chômage des Jeunes au
Cameroun : une Approche par la Matrice de Comptabilité Sociale
Christian Lambert NGUENA*
ARTICLE POUR PUBLICATION A:
La 7ème Conférence Africaine sur la Population
Thème : Dividende démographique en Afrique : Perspective, opportunités et défis.
Sous-thème : Population et développement.
Gauteng - Afrique du Sud ; du 30 novembre au 4 décembre 2015
Résumé:
Dans un contexte de chômage des jeunes élevé, cet article examine et mesure l’importance du
développement de l’industrie créative dans la lutte contre le chômage des jeunes au
Cameroun. L’on a effectué une analyse qualitative et quantitative du marché du travail des
jeunes, ainsi que de la matrice de comptabilité sociale du Cameroun que l’on a construit au
préalable, complétée par petite enquête. Les résultats de cette analyse ont conduits à des
recommandations de politique pour le développement de l’industrie créative au Cameroun
qui, en revêtant un aspect multidimensionnel, contribuerait davantage à résorber une bonne
partie de ce chômage.
Mots clés: Chômage des jeunes ; Industrie créative ; Matrice de Comptabilité Sociale (MCS) ;
Marché du travail.
JEL Classification: H00 ; J21 ; J23 ; Z19.
Abstract:
The aim of this article is to examine and measure the importance of the development of the
creative industry in the fight against youth unemployment in Cameroon. To achieve this
assignment we conducted a quantitative and qualitative analysis of youth labor market and an
analysis of the social accounting matrix of Cameroon that we constructed supplemented by a
small survey. This analysis allowed us to highlight the fact that youth are most affected by
unemployment and to present policy recommendations for the development of the creative
industry of Cameroon which, with its multidimensional aspect, could contribute more to
absorb much of youth unemployment than now.
Key word: Youth unemployment; Creative industry; Social Accounting Matrix (SAM); Labor
market.
INTRODUCTION
Le BIT
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(2012) en remarquant qu’en 2012 près de 75 millions de jeunes dans le monde et en
Afrique en particulier ont des problèmes liés à l’emploi (n’ont jamais travaillé en majorité ou
sont prisonniers d’emplois peu productifs, informels et sans sécurité), affirme qu’il est
* Chercheur au REMA (Recherche en Micro et Macro Economie Appliquée) et au CEREG (Centre d’Etude et de
Recherche en Economie et Gestion). : [email protected]. ©. Remerciements au referee anonyme ; Toutefois
l’auteur reste le seul responsable du contenu et des erreurs qui peuvent subsister dans le texte.
1
Bureau International du Travail.
2
impératif d’agir. La quasi-totalité des institutions internationales sont unanimes sur cette
question. Pour ce qui est de l’Afrique, tout récemment Soucat et al. (2013) a souligné
l’importance d’adresser ce problème à travers la proposition d’un programme d’accélération
des actions de la BAD
2
dans ce sens.
Sortant d’une sévère crise économique depuis les années 80, le Cameroun a enfin repris le
chemin de la croissance suite à l’application des recommandations des institutions financières
de Bretton Woods. En effet le taux de croissance oscille autour de 5% depuis les années 1996
contre un taux négatif avant ces années. Cependant l’observation à priori de l’évolution des
statistiques mettent en avant le fait que ces améliorations sur le plan macroéconomique ne se
sont pas traduites par une réduction du chômage des jeunes en particulier et partant de la
pauvreté. La stagnation du niveau de pauvreté au Cameroun autour de 40% selon l’INS
3
s’expliquerait par la faible productivité du travail et le sous-emploi de la population active. La
jeunesse constituant la majeure partie de la population nationale (70%), est la couche sociale
la plus touchée par cette situation selon l’INS (En 2010, cette couche sociale souffre d’un taux
de chômage au sens du BIT
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de 6,4% et un taux d’activité
5
de 59,3% contre respectivement
5,7% et 87% pour les adultes). Le passage de l’école à la vie active y est en effet difficile ;
l’employabilité après éducation, formation et/ou qualification n’est pas toujours au rendez-
vous
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. Cette faible employabilité des jeunes montre que la spécialisation absolue de
l’économie Camerounaise aux secteurs d’activité traditionnels classiques (primaires,
secondaires et tertiaires) s’avère inefficace; Ceci ouvre sur la nécessité pour le gouvernement
à rechercher une alternative.
2
Banque Africaine de Développement.
3
Institut National de la Statistique.
4
Il est à noter que la faiblesse de ce taux est justifiée par la définition du chômage au sens du BIT qui ne prend
pas en compte les chômeurs découragés et par conséquent ne saisit pas la réalité dans les pays en développement
dont le Cameroun.
5
Taux d’activité : Rapport de la population active à la population en âge de travailler.
6
Ceci malgré des initiatives gouvernementales pour encourager l’insertion socioprofessionnelle des jeunes telles
que la mise sur pied d’un ensemble de programmes et structures à savoir le Pajer-U (Programme d’Appui à la
Jeunesse Rurale et Urbaine), la SNI (Société Nationale d’Investissement), le PIASSI (Programme Intégré
d’Appui aux Acteurs du Secteur Informel), le FNE (Fond National de l’Emploi) et la Banque des PME.
3
En adoptant une approche sectorielle en termes de contribution au PIB
7
et de résorption du
chômage, nous constatons que les contributions des secteurs primaires et secondaires sont
jusqu’aujourd’hui toujours en deçà des attentes ; Ceci malgré le fait que l’orientation politique
général du Cameroun d’un point de vue économique a toujours eu plus d’attention à ces deux
secteurs en comparaison au secteur tertiaire. En effet le DSRP
8
qui a guidé la politique
économique Camerounaise avant le DSCE
9
ne prévoyait pas le développement de secteurs
nouveaux tel que l’industrie créative. Pourtant l’industrie créative, définit comme l’ensemble
des activités «dans lesquelles le produit ou le service inclut une contribution essentielle de
type artistique ou créatif, et qui sont habituellement porteurs de valeur culturelle, artistique
ou de loisir » (Barrère, 2006), s’est avérée plus productive en terme de potentiel et
d’effectivité par rapport aux autres activités bénéficiant pourtant jusque- de plus sinon toute
l’attention des pouvoirs publics. Ce qui justifie l’intérêt grandissant que lui porte la plus part
des états dans le monde. De plus cette catégorie d’activité, en présentant un aspect spécifique
pouvant permettre de combiner pratique et loisir, constituerait un potentiel non négligeable
pour faciliter l’entrée des jeunes en particulier dans le monde du travail; Ceci peut en théorie
justifier le fait qu’elle ait attiré un intérêt grandissant et connu ces derniers temps un essor
considérable comme phénomène économique et social dans le monde. Ceci devrait servir
d’exemple pour le Cameroun où le niveau de développement effectif de ce type d’activités est
bien en deçà de son potentiel. En effet, les activités créatives les plus en vue en termes de
niveau de pratique et de résultat obtenu à savoir le sport (le football en particulier), la musique
et le tourisme souffrent encore d’une exploitation en deçà de leur potentiel.
C’est certainement dans cette optique que l’Etat Camerounais en passant du DSRP au DSCE
en 2010 a accordé une plus grande attention aux activités créatives que par le passé. Ce
7
Produit Intérieur Brut.
8
Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté couvrant la période 2003-2010.
9
Document de Stratégie pour le Croissance et l’Emploi couvrant la période 2010-2020.
4
DSCE, à la base de la vision 2035 pour l’atteinte de l’émergence économique, marque non
seulement la volonté politique mais aussi comporte des plans d’action concrets pour le
développement de l’industrie créative. En effet le passage d’un plan de réduction de la
pauvreté pour un plan pour la croissance et l’emploi a été à la base de nouvelles lois pour le
développement de l’industrie créative à travers la promotion et la professionnalisation des
activités créatives. Nous pouvons citer sommairement à titre d’exemples la Loi 2011/018
du 15 juillet 2011 relative à l’organisation des activités physiques et sportives à la base du
lancement du PNDIS
10
qui met un accent sur la professionnalisation du sport, la
professionnalisation de l’industrie artistique matérialisée par la création d’une Direction du
développement et de la promotion des arts au Ministère de la Culture en 2011 ainsi que le
développement de l’activité touristique à travers entre autres la création tout dernièrement du
CST (Compte Satellite du Tourisme).
A la suite de cette présentation sommaire, nous sommes en droit de nous demander comment
l’industrie créative pourrait aider à réduire le chômage des jeunes au Cameroun pour.
L’analyse à laquelle renvoie ce questionnement a une contribution certaine à la littérature
scientifique et revêt globalement un triple intérêt : Premièrement cette analyse est pionnière
en ce sens qu’il n’existe pas à l’heure actuelle des travaux scientifiques appliqués au contexte
Africain avec la même problématique ; Deuxièmement elle est basée sur des données
provenant de l’INS et donc proches de la réalité complétées par des données issue d’une
enquête que nous avons mené ; Troisièmement elle permet de recommander et/ou de vérifier
la légitimité de ce choix gouvernemental.
Pour répondre à ce questionnement il est présenté dans un premier temps un aperçu évolutif
du marché du travail des jeunes au Cameroun sous tous ses aspects ; Ensuite l’accent est mis
sur la contribution générale et évolutive des activités créatives au PIB et à la réduction du
10
Programme National de Développement des Infrastructures Sportives instauré en 2011 pour 5 ans
prévisionnel.
5
chômage des jeunes ainsi que la présentation des politiques de développement de l’industrie
créative mises en œuvre par le gouvernement; Enfin sur la base d’une enquête qualitative et
de l'analyse quantitative de la MCS, il sera question de faire la lumière sur l'aspect
multidimensionnel des activités créatives (notamment ses liens avec la planification urbaine,
la migration, la classe sociale, de la technologie, le tourisme, la protection sociale et/ou
l'éducation) et son impact sur le chômage des jeunes.
1. ANALYSE EVOLUTIVE DU MARCHE DU TRAVAIL DES JEUNES AU
CAMEROUN:
Le Cameroun a connu une légère embellie en terme de croissance économique suite à
l’application des recommandations des institutions de Bretton Woods qui ont menée en 2006
à l’atteinte du point d’achèvement PPTE
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et la relance des matières premières les deux
années qui ont suivi. Cependant cette croissance reste fragile tant dans sa stabilité dynamique
que dans ses effets attendus sur l’amélioration des conditions de vie alors que le Pays est
confronté à l’arrivée sur le marché du travail d’une population active de plus en plus
nombreuse (doublant pratiquement tous les 25/30 ans selon l’INS). Cette croissance
démographique se caractérise par une forte proportion de jeunes qui génère une importante
main d’œuvre que le système ne peut actuellement contenir et qui de ce fait, est contrainte de
se recycler dans des activités informelles, mal rémunérées et sans adéquation avec leur
formation.
La référence sur l’étude de l’emploi demeure l’Enquête sur l’Emploi et le Secteur Informel
(EESI), réalisée en 2005 et en 2011 qui a le mérite d’être la première opération d’envergure
nationale depuis les années d’indépendance en ce qui concerne la situation de l’emploi au
Cameroun. Les différents rapports publiés dans le cadre de cette enquête ont mis en exergue
les dysfonctionnements du marché du travail en le décrivant comme : un marché segmenté
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Pays Pauvre et Très Endette.
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