lien direct entre les difficultés de communication et une partie non
négligeable des accidents en mer. A l'échelon des individus, on constate
que les marins qui ont trop de difficultés linguistiques pour converser
facilement courent le risque de s’isoler socialement avec, là aussi, des
conséquences qui peuvent être graves.
Le milieu maritime se révèle également propice à l'étude des phénomènes
d'identification et d'appartenance qui nous concernent en didactique des
langues étrangères et dont on peut observer les constantes évolutions. La
répartition hiérarchique du personnel, en officiers d'un côté et équipage de
l'autre, se matérialise dans l'espace du navire par différents "carrés" ou
salles à manger. Depuis quelques années, on rencontre parfois des bateaux
dans lesquels les carrés séparent "européens" d'un côté et "asiatiques" de
l'autre. Les justifications données pour expliquer ce changement sont
d'ordre pragmatique en raison des types de nourriture mais, même si dans
les faits, la distinction recouvre souvent celle entre officiers et personnel
d'exécution, il n'empêche qu'on assiste là à un début de recomposition d'une
catégorie très ancienne, héritée du modèle militaire, sur des bases
"ethniques". Parce que les marins doivent s'adapter à un mode de vie très
différent de ce qu'ils ont connu avant de naviguer, le milieu maritime offre
aussi un bon point d'observation de la variété des appartenances pour un
même individu selon l'activité et le contexte social: travail, moments de
détente à bord, repas quotidiens, sorties en groupe au moment des escales,
vie quotidienne lors du retour au pays, etc. Ce pourront être tour à tour la
position hiérarchique, le fait de travailler au "pont" ou à la "machine",
l'origine géographique et les habitudes culturelles, la langue, l'âge, le
bateau sur lequel il navigue, les goûts personnels, l'appartenance au milieu
maritime, le niveau social dans le pays d'origine, etc. qui amèneront le
marin à se situer au sein de différentes échelles ou groupes de sociabilité,
passant parfois d'un extrême à l'autre en termes de statut.
Les navires de la marine marchande sont souvent présentés comme des
sortes de "laboratoires de la mondialisation". Dans cette perspective, il est
intéressant d'étudier comment ces microsociétés plurinationales arrivent à
fonctionner et comment, dans chaque bateau, parvient à se créer, plus ou
moins bien, une "culture commune" qui permet de supporter un travail
répétitif et épuisant et une vie loin des siens dans des conditions
particulièrement pénibles de promiscuité et, paradoxalement, d'isolement.
Une bonne partie des marins d'aujourd'hui partage la condition des
migrants transnationaux "sous contrat" qui s'expatrient pendant des mois ou
des années pour envoyer au pays le salaire qui fera vivre leur famille. En
choisissant de travailler en mer, ils constituent néanmoins une catégorie