ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES, II On désigne toujours par E un

ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES, II
MARC CHAPERON
On désigne toujours par Eun espace vectoriel réel de dimension finie d > 0. Le
corps du texte est une version abrégée et un peu simplifiée du chapitre 8 de [1]1;
les annexes sur l’algèbre linéaire établissent ce qui a été dit en cours à ce sujet.
3. Quelques idées de base
Les corollaires 2.3 et 2.7 montrent que la structure même des équations différen-
tielles permet d’effectuer des changements de variables dans l’espace-temps pour les
simplifier. Nous allons voir d’abord que l’on peut simplifier de même une équation
différentielle autonome, c’est-à-dire un champ de vecteurs X, par un changement
de variables dans l’espace au voisinage de tout point aXne s’annule pas.
3.1. Changement de variables et redressement. Étant donnés un ouvert U
de E, un ouvert Vd’un espace vectoriel réel de dimension finie F, un champ de
vecteurs Ysur Vet une application f:UVde classe C1, il est raisonnable de
désirer que l’image réciproque de Ypar f, si elle existe, soit un champ de vecteurs
continu Xsur Utel que, pour toute courbe intégrale γde X, l’image fγ=fγde
γpar fsoit une courbe intégrale de Y. Comme on alors Yfγ(t)= (fγ)0(t) =
Dfγ(t)γ0(t) = Dfγ(t)Xγ(t), cela impose2l’identité Df (x)X(x) = Yf(x),
qui définit fY=Xde manière unique lorsque fest étale, c’est-à-dire que sa
dérivée en tout xUest un isomorphisme :
Images réciproques ou directes de champs de vecteurs. Sous les hypothèses
précédentes, si fest étale, alors l’image réciproque fYde Ypar f, donnée par
(1) fY(x) = Df(x)1Yf(x),
est l’unique champ de vecteurs sur Udont toute courbe intégrale a pour image
par fune courbe intégrale de Y.
Lorsque fest un difféomorphisme, tout champ de vecteurs Xsur Ua donc une
image directe fX:= (f1)Xpar f, qui est l’unique champ de vecteurs sur V
dont toute courbe intégrale est l’image par fd’une courbe intégrale de X.
Preuve. Pour toute courbe intégrale γde fY, on a (fγ)0(t) = Dfγ(t)fYγ(t),
c’est-à-dire (fγ)0(t) = Dfγ(t)Dfγ(t)1Yfγ(t)=Yfγ(t).
1Les nombres entre crochets renvoient à la bibliographie en fin de chapitre.
2Puisque par tout point xde Upasse une courbe intégrale de X, même si Xn’est pas
localement lipschitzien (théorème de Peano).
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2 MARC CHAPERON
Exercice. 1) Montrer qu’une application étale fest ouverte.
2) Soit e:R2R2l’application (θ, r)7→ (rcos θ, r sin θ).
a) Montrer que e|R2r(R×{0})est étale.
b) Soit Xun champ de vecteurs Ck,1k≤ ∞, sur un ouvert V30de
R2; le champ de vecteurs ˜
X:= eX|Vr{0}est donc bien défini et Ckdans
l’ouvert e1(Vr{0}) = e1(V)r(R× {0}). Calculer ˜
X(θ, r)en fonction des
composantes a, b de X; en déduire que si X(0) = 0, alors ˜
Xse prolonge par
continuité en un champ Ck1sur e1(V).
Proposition 3.1. Si ρest le flot d’un champ de vecteurs Xde classe C1, on a
ρsX(x) = X(x)pour tout (x, s)dom ρ. En particulier, pour tout adom X,
ou bien ρa:t7→ ρt(a)est une immersion, ou bien X(a)=0, auquel cas ρaest
définie sur Rtout entier, constante et égale à a.
Démonstration En dérivant par rapport à ten t= 0 l’identité ρtρs(x)=
ρsρt(x)(qui a un sens pour |t|petit puisque dom ρest ouvert), on obtient bien
Xρs(x)=Dρs(x)X(x).
Si X(a)=0, la constante R3t7→ aest une courbe intégrale de X, donc elle
est égale à ρapar unicité de celle-ci ; sinon, pour tout tdom ρa, la formule
ρtX(a) = X(a)entraîne que ρ0
a(t) = Xρa(t)=Dρt(a)X(a), qui n’est pas nul
car ρtest étale et X(a)non nul.
Théorème 3.2 (Théorème de redressement ou « flow box theorem »).Soit Xun
champ de vecteurs Ck,1k≤ ∞ sur l’ouvert Vde E. Pour tout point aStel
que l’on ait X(a)6= 0, il existe un difféomorphisme local h: (V, a)(R×Rd1,0)
de classe Ckpossédant les propriétés suivantes :
i) Im h=I×W, où I30est un intervalle ouvert et W30un ouvert de Rd1;
ii) l’image directe hXest le champ de vecteurs constant (s, x)7→ (1,0) sur
I×W.
Nous dirons que hest une carte adaptée à Xen a.
Première démonstration. Nous allons obtenir hcomme composé Φ1h1
1de deux
difféomorphismes locaux.
Puisque X(a)n’est pas nul, il existe une base de Ede la forme (X(a),e1,...,ed1).
Soit alors h1:R×Rd1El’isomorphisme affine qui à (λ, x)fait correspondre
a+λX(a)+x1e1+· · ·+xd1ed1; on a h1(0) = a, le champ de vecteurs X1:= h
1X
est Cket ses composantes f, g vérifient f(0) = 1 et g(0) = 0 car Dh1(0)(1,0) =
X(a) = Xh1(0).
Construisons Φ: en notant ρle flot de X1, il résulte du théorème d’inversion locale
que l’application Φ : (R×Rd1,0) (R×Rd1,0) définie par Φ(t, x) := ρt(0, x)est
un difféomorphisme Cken 0puisque (exercice) DΦ(0) = IdR×Rd1; par définition
de ρ, on a bien DΦ(t, x)(1,0) = 1Φ(t, x) = X1Φ(t, x), c’est-à-dire ΦX1= (1,0).
ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES, II 3
Seconde démonstration. Plus longue, elle est élémentaire et instructive. On obtient
hcomme composé h3h2h1
1de trois difféomorphismes locaux, c’est-à-dire que
l’on construit le même Φ1que précédemment sous la forme h3h2, en utilisant
la structure des équations différentielles au lieu du théorème d’inversion locale.
L’isomorphisme h1est celui de la première démonstration, de sorte que X1:= h
1X
vérifie près de 0R×Rd1les hypothèses du
Lemme 3.3. Soit X1un champ de vecteurs C1sur un ouvert V1de R×Rd1,
de composantes fet g; si fne s’annule pas dans V1, les orbites de X1sont les
graphes des solutions maximales de l’équation différentielle
(2) dy
dx =g(x, y)
f(x, y).
Preuve du lemme. Si γ= (γ1, γ2)est une courbe intégrale maximale de X1, la
dérivée γ0
1(t) = fγ(t)ne s’annule pas sur l’intervalle ouvert dom γ, donc (exercice
fait en TD) γ1est un difféomorphisme de dom γsur un intervalle ouvert I; en
désignant par jla bijection réciproque, on a (γ2j)0= (γ0
2j)j0= (γ0
2j)/(γ0
1j),
c’est-à-dire que γ2j:IRd1est une solution de (2) ; son graphe est l’image
de γ, donc une orbite de X1.
Inversement, si ¯γ:IRd1est une solution maximale de (2) et que l’on fixe
x0I, soit γ1la solution maximale de l’équation dx
dt =fx, ¯γ(x)valant x0pour
t= 0 ; on voit facilement que γ:= (γ1,¯γγ1)est une courbe intégrale de X1et [1]
que Im γ1=I.
Nous avons ainsi montré que toute orbite Ode X1est le graphe d’une solution ¯γO
de (2), puis que le graphe de toute solution maximale ¯γde (2) est contenu dans une
orbite O¯γ; il en résulte que ¯γOest forcément maximale (le graphe de la solution
maximale qui l’étend est contenu dans une orbite contenant O, donc égale à O) ;
de même, O¯γest forcément le graphe de ¯γ(puisque c’est le graphe d’une solution
étendant la solution maximale ¯γ), d’où le lemme.
Soit Rla résolvante de (2) pour X1:= h
1X; d’après le corollaire 2.7 et le lemme,
la restriction h2du difféomorphisme local (x, y)7→ x, R0
x(y)à un ouvert conve-
nable dom h2dom X1a pour image le produit J×W0d’un intervalle ouvert J30
et d’un ouvert W030de Rd1, et envoie les orbites de X1|dom h2sur les horizon-
tales J×{y}. Il en résulte que X2:= h2X1est de la forme X2(x, y) = ϕ(x, y),0,
ϕ:J×W0Rest la fonction Ckdéfinie par ϕ(x, y) := fx, Rx
0(y).
Reste à construire h3(x, y)=(ψ(x, y), y)avec ψ(0, y)=0,dom h3J×W0et
Im h3de la forme cherchée I×W, tel que ψX2= (1,0), c’est-à-dire ϕ ∂1ψ= 1 ; on
n’a pas le choix : la formule ψ(x, y) = Rx
0ϕ(ξ, y)1donne le résultat voulu.
Exercice. Soient Xun champ de vecteurs Ck(1k≤ ∞) sur l’ouvert Vde
Eet Cune courbe Ck+1 (sous-variété Ck+1 de dimension 1)connexe et non vide
de Vtelle que l’on ait X(x)TxCr{0}pour tout xC. On suppose de plus
que Cest un fermé de VrX1(0) ; montrer que Cest une orbite de X[utiliser
4 MARC CHAPERON
le théorème de redressement pour montrer que tout aCpossède un voisinage
dans Ccontenu dans l’orbite de a; en déduire que l’intersection ωade ladite orbite
avec Cest ouverte dans C, puis (en considérant les ωbavec bCrωa) qu’elle est
fermée dans C, donc égale à Cpar connexité ; la courbe Cest donc contenue dans
l’orbite Im ρade a; utiliser de nouveau le théorème de redressement et l’hypothèse
sur apour conclure, en raisonnant par l’absurde, que Im ρa=C].
Corollaire 3.4 (version précisée du théorème de redressement).Soit Xun champ
de vecteurs Ck,1k sur l’ouvert Vde E. Pour tout hyperplan affine
S, de direction3~
Set tout point aStel que l’on ait X(a)/~
S, il existe un
difféomorphisme local g: (V, a)(R×Rd1,0) de classe Cktel que
i) g(Sdom g) = {0} × Wet Im g=I×W, où I30est un intervalle ouvert
et Wun ouvert de Rd1
ii) l’image gXest le champ de vecteurs constant (s, x)7→ (1,0) sur I×W.
Démonstration. Il suffit de prendre pour (e1,...,ed1)une base de ~
Sdans la dé-
monstration précédente.
Sections locales d’un flot. Sous les hypothèses et avec les notations de ce co-
rollaire, on dit que Σ := Sdom gest une section locale de ρ(ou de X).
Remarque. Dans [1], Speut être une hypersurface « courbe » :
Proposition 3.5. Pour toute section locale Σde ρ, la restriction ρΣdu flot ρà
×R)dom ρest une application étale Ck.
Preuve. On a DρΣ(x, t)(δx, δt) = Dρt(x)δx +δt Xρt(x)=Dρt(x)δx +δt X(x)
pour (x, t)×R)dom ρ,(δx, δt)TxS×R=~
S×R; comme Dρt(x)est un
automorphisme de Eet l’application (δx, δt)7→ δx +δt X(x)un isomorphisme de
~
S×Rsur E, la proposition en résulte.
3Ensemble des vecteurs xaavec x, a H.
ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES, II 5
Exercice. Soit Xun champ de vecteurs Ck+1,1k≤ ∞, sur un ouvert V30
de R2; on suppose que X(0) = 0 et que les valeurs propres λ, ¯
λde DX(0) ne sont
pas réelles. Le but de cet exercice est de montrer les deux faits suivants :
i) les courbes intégrales de Xvoisines de 0tournent autour de l’origine ;
ii) l’application qui à un point a6= 0 de l’axe des xassocie l’intersection suivante
(dans le sens des temps croissants) de l’orbite de aavec l’axe des xs’étend en
un difféomorphisme h: (R,0) (R,0) de classe Ck.
a) Montrer qu’il existe un isomorphisme Ade R2sur C=R2tel que le champ
AXait pour différentielle en 0l’homothétie z7→ λz [utiliser un calcul direct4,
en supposant par exemple A(1,0) = 1]. Dans la suite, on identifie XàAX.
b) Avec les notations de l’exercice p. 2, le champ de vecteurs eX|Vr{0}
s’étend en un champ ˜
Xde classe Ckdans l’ouvert e1(V). Calculer ˜
X(θ, 0)
[il sera instructif de commencer par calculer ˜
X(θ, r)en tant que nombre com-
plexe, sachant que e(θ, r) = re].
c) Soit gle flot de X. Prouver que l’on définit un difféomorphisme local
h: (R,0) (R,0) de classe Ckcomme suit : pour chaque réel non nul x
assez proche de 0, on a h(x) = gτ(x)(x), où τ(x)est le plus petit t > 0
tel que gt(x)soit réel [appliquer le lemme 2 à X1:= ˜
Xen remarquant que
h(x) = R±π
0(x), où Rest la résolvante de (2)].
3.2. Orbites périodiques et applications de Poincaré. Soient Xun champ
de vecteurs Ck,1k≤ ∞, sur un ouvert Vde Eet ρson flot.
Orbites périodiques. Si aVest un point où Xn’est pas nul, mais tel que la
courbe intégrale ρa:t7→ ρt(a)de Xne soit pas injective, les propriétés suivantes
sont vérifiées :
i) On a dom ρa=Ret ρaest périodique, de période minimale T > 0.
ii) Pour tout b∈ O, la courbe intégrale ρb:t7→ ρt(b)de X, qui a pour image
O, est définie sur Rtout entier et périodique, de période minimale T.
On dit que Oest une orbite périodique de X, de période T.
Démonstration Puisqu’on a X(a)6= 0, le théorème de redressement 3.2 entraîne
l’existence d’un intervalle ouvert Jdom ρacontenant 0tel que ρa|Jsoit injective,
donc on aura bien T > 0si ρaest périodique.
4Ou le théorème A.10 de l’annexe A
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