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Se battre, mais contre quoi? | Le Devoir
http://www.ledevoir.com/culture/theatre/433899/theatre-se-battre-mais-co...
THÉÂTRE
Mani Soleymanlou s’affranchit de sa trilogie «ethno-identitaire» avec «Ils étaient
quatre»
9 mars 2015 | Alexandre Cadieux - Collaborateur | Théâtre
Photo: Pedro Ruiz Le Devoir
Mani Soleymanlou est épaulé à l’écriture par le comédien et auteur Mathieu Gosselin.
Ils étaient quatre
Texte (publié chez L’Instant
Même) : Mani Soleymanlou et
Mathieu Gosselin, en
collaboration avec les interprètes.
Mise en scène : Mani
Soleymanlou.
Une production d’Orange noyée
présentée à la Petite Licorne du
9 mars au 3 avril.
En solo dans Un, un duo pour Deux et quarante-trois personnes firent
Trois ; sur la scène d’Ils étaient quatre, ils seront quatre… et des
poussières. Pour s’affranchir de sa trilogie « ethno-identitaire », Mani
Soleymanlou rameute ses vieux amis et monte sur le fil fragile de
l’autofiction, épaulé à l’écriture par le comédien et auteur Mathieu
Gosselin (La fête sauvage, Province).
Les quatre du titre, ils veulent moins se battre que faire la fête… mais
peut-être n’est-ce pas si éloigné ? Ils ont atteint la trentaine, ont des
carrières, sont pères ou en voie de l’être… Sortir jusqu’à pas d’heure et
boire comme des trous, serait-ce leur tentative un brin dérisoire de
résister à l’inéluctable ? Ils s’appellent Éric (Bruneau), Guillaume (Cyr), Jean-Moïse (Martin) et Mani, mais ce
ne sera pas vraiment eux sur la scène de la Petite Licorne ; plutôt proches, mais pas tout à fait.
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2015-05-08 15:15
Se battre, mais contre quoi? | Le Devoir
http://www.ledevoir.com/culture/theatre/433899/theatre-se-battre-mais-co...
« Après la trilogie, très autobiographique, j’avais envie personnellement de prendre cette idée du spectacle
identitaire, de la passer au hachoir et de voir ce qu’on peut faire avec », explique Soleymanlou, qui a ressorti
de ses cartons un vieux projet collectif datant du passage des quatre amis à l’École nationale de théâtre.
« J’étais tanné d’être seulement dans la vérité de la chose, je voulais m’amuser un peu, aller plus loin. C’est
une façon de poursuivre et, en même temps, d’effacer un peu, de passer à autre chose. »
Oeil extérieur et scribe, Mathieu Gosselin a pour sa part joué à l’enquêteur-sociologue : « J’ai rencontré les
gars individuellement, j’ai posé les mêmes questions à tout le monde, on a longuement discuté. M’appuyant
sur les transcriptions de ces rencontres, j’ai essayé de construire des monologues ou des scènes, en
raboutant des extraits. Ce qui ressortait beaucoup là-dedans, c’était la place de l’homme ; on ne sait plus
trop où se “pitcher” par rapport à certains modèles, entre l’homme rose et le pourvoyeur. »
Double jeu
Jonglant un temps avec l’idée d’une pièce-documentaire sur l’homo quebecus, les deux compères se sont
finalement rabattus sur un double jeu aux ambivalences fécondes : entre réalité et fiction, entre narration et
interprétation. « On part de qui on est, d’une partie de notre vérité, mais celle-ci est complètement
exacerbée », poursuit Mani Soleymanlou.
Le procédé peut renforcer le côté archétypal des personnalités, mais les créateurs nient toute volonté de
représentativité. Sans prétendre à l’échantillonnage exemplaire, il y a tout de même quelque chose de
générationnel dans le propos, non ? « Oui, par la force des choses. Il y a une forme de vide, de manque que
l’on peut ressentir quand on passe le cap de la trentaine, un sentiment de perte irrémédiable, avec les
angoisses un peu tabou liées à la paternité, à l’argent… »
Mais le propos d’Ils étaient quatre s’est aussi modelé sur les réalités de la condition masculine de notre
univers contemporain et les nombreux débats sur l’hypersexualisation et la notion de consentement, par
exemple. « Et au-delà de tout ça, il demeure des thèmes qui, malgré tout, traversent le temps : la
conscience de vieillir, notre rapport aux femmes… La vision qu’on en a change avec les années, mais c’est
toujours là », résume Mathieu Gosselin.
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2015-05-08 15:15
Ils étaient quatre: portrait de génération | Jean Siag | Théâtre
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http://www.lapresse.ca/arts/spectacles-et-theatre/theatre/201503/07/01-...
Publié le 08 mars 2015 à 10h00 | Mis à jour le 08 mars 2015 à 10h00
Ils étaient quatre: portrait de génération
Jean Siag
La Presse
Après avoir abordé les thèmes de l'exil et de l'identité, Mani Soleymanlou a eu envie de
raconter cette histoire de «quatre gars dans un party» imaginée il y a 10 ans dans les
murs de l'École nationale de théâtre avec ses trois amis: Éric Bruneau, Guillaume Cyr et
Jean-Moïse Martin. Ils étaient quatre (à La Licorne, du 9 mars au 13 avril), c'est eux,
mais grossis à la loupe, dans un portrait de la génération des trentenaires.
Mani Soleymanlou
Ils étaient quatre réunit les comédiens Guillaume Cyr, Éric Bruneau,
Jean-Moïse Martin et Mani Soleymanlou, ce dernier étant également l'auteur
de la pièce.
PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE
Il a écrit ce texte avec Mathieu Gosselin. Quatre amis dans la trentaine y font le récit d'un
soir de party. Le texte a été actualisé pour refléter la «réalité» des quatre interprètes qui
jouent ici leur propre rôle. Même si tous leurs traits ont été volontairement «exagérés».
Son «personnage» de séducteur maladroit est obsédé par le sexe. «Au fond, on évoque
différents thèmes: l'argent, le cul, la famille, la quête de bien-être. C'est un peu le portrait
d'une génération, estime Mani Soleymanlou, qui signe aussi la mise en scène. Une
génération qui doit composer avec la pression de la performance, la réussite, les excès.
Je voulais parler d'autre chose que d'identité culturelle.» Ils étaient quatre est le premier
volet d'une trilogie. Le texte rappelle la célèbre phrase de la série Seinfeld: «It's a show
about nothing.» Il sera suivi de Cinq à sept, qui mettra en scène quatre filles. Le dernier
volet réunira les huit acteurs le soir du party.
Éric Bruneau
«On joue avec la réalité, nous dit Éric Bruneau, qui non seulement a étudié à l'École nationale avec ses partenaires de scène, mais qui a aussi partagé un appartement
avec eux. Oui, je m'appelle Éric et je joue à la télé, mais ça reste une partition écrite. C'est drôle parce qu'on peut se permettre de dire des choses qu'on ne dirait pas
autrement, justement parce qu'on est amis. Mais même si la ligne est mince, ce n'est pas du théâtre documentaire.» L'idée de ce party est née à l'École, mais
aujourd'hui, Éric Bruneau estime que l'exercice scolaire de 20 minutes a été poussé beaucoup plus loin. Son personnage jette un regard parfois critique sur la société.
«Il a un besoin de fuite face à la pression. Il parle aussi d'argent, parce qu'il en fait beaucoup, contrairement à Jean-Moïse, par exemple. Il parle aussi de la manière
de trouver sa place.» Son personnage est heureux, même s'il se questionne beaucoup.
Jean-Moïse Martin
À 36 ans Jean-Moïse Martin est le doyen du quatuor. Son parcours a été plus cahoteux que celui de ses collègues. En fait, beaucoup de gens l'ont découvert le mois
dernier dans la pièce Un tramway nommé Désir. «Mon personnage me représente un peu, dit-il. Je n'ai pas travaillé autant qu'Éric, Guillaume ou Mani. Après l'École,
je n'étais pas sûr de savoir ce que je voulais faire. J'ai beaucoup fait la fête, je n'étais pas vraiment centré. Donc, oui, mon personnage me ressemble, même si ce
n'est pas tout à fait moi non plus.» Même s'il a joué dans plusieurs productions avant le Tramway, son plaisir de jouer est récent. «Tout est fonction des rencontres
qu'on fait», indique-t-il. Son personnage reflète un peu cette réalité, même s'il est pas mal plus «excessif» dans Ils étaient quatre. «N'empêche, nous dit le comédien,
c'est vrai qu'on aime faire la fête, tous les quatre. On s'est même demandé pourquoi on avait besoin de faire ça pour exister. On a ce besoin d'euphorie.»
Guillaume Cyr
Le personnage de Guillaume Cyr partage deux réalités avec son alter ego sur scène: il vient d'avoir un enfant et il habite sur la Rive-Sud. «Même pour nous, c'est
parfois mélangeant, ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas, avoue le comédien. Mais c'est sûr que Guillaume est le gros nounours sentimental de la gang. Contrairement
à moi, il a de la difficulté à vivre avec son statut de père. Il aimerait continuer à s'amuser comme un enfant.» Le fameux party est le prétexte pour révéler «le monstre
intérieur» des quatre personnages. «C'est une soirée qui ne se déroule pas comme prévu et où toutes nos insatisfactions et nos colères vont exploser. C'est un portrait
très cru et pas nécessairement flatteur de l'homme trentenaire.» Ses partenaires de scène, qu'il a connus à l'École nationale, sont encore aujourd'hui ses meilleurs
amis. «On ne s'est jamais quittés, on s'est vus tomber. Ce spectacle est un peu une célébration de notre amitié.»
© La Presse, ltée. Tous droits réservés.
2015-05-08 14:34
JOURNAL MÉTRO – 22 MARS 2015
Ils étaient quatre, cette soirée-là
Par Natalia Wysocka
Dans Ils étaient quatre, il y a plein de choses. Quatre gars,
oui. Mais aussi une recette de cuisine («Réserve les
lardons!»), des gros tubes de club (Turn Down for What!)
et des éclairages incroyables. «Heille, on a des LASERS!»
lance Mani Soleymanlou. Ouaip. Des lasers.
Lorsqu’on arrive à La Licorne, deux heures avant qu’ils
montent sur scène, Mani Soleymanlou et Éric Bruneau
sont déjà là depuis un moment. Et ils tripent. «Tous les
jours, on arrive tôt, on boit des cafés, on parle. C’est
comme si on s’en allait jouer au hockey!» lance Éric.
«C’est vraiment rock!» concède son comparse.
Si l’ambiance est aussi «rock», c’est peut-être qu’avec cette pièce – qu’il a coécrite avec Mathieu Gosselin, en
collaboration avec les trois autres acteurs qui y jouent, soit Éric, Guillaume Cyr et Jean-Moïse Martin – Mani
Soleymanlou n’a pas voulu faire «du théâtre avec trois accents circonflexes». «Du théâââââtre», comme dit
Éric Bruneau. Pas plus qu’il n’a voulu – «surtout pas!» – faire un «portrait de génération». Et ce, même si
avant que la pièce prenne l’affiche, on a beaucoup répété que c’est exactement ce qu’elle serait. «Ouain…
c’est des affaires qui restent avec les demandes de subventions et les communiqués envoyés un an d’avance!
sourit Mani S. En fait, la pièce, c’est plutôt un portrait de quatre amis. De quatre archétypes.» «De quatre
humains de 30 ans», ajoute Éric.
Des «humains» qui portent, soit dit en passant, les vrais prénoms des acteurs. Et qui sont proches de leur vraie
«personnalité». Y a Mani, le type auquel on a collé le sceau «Théâtre identitaire». Et Éric, «Monsieur TVA».
C’est grossi, c’est juste inspiré de faits réels, on le sait. Reste que, nous-même, à quelques reprises pendant la
discussion, on s’enfarge entre la réalité et la fiction : «À un moment donné dans la pièce, Mani, tu affirmes,
euh, j’veux dire, ton personnage…»
Le créateur, qui a déjà exploré le procédé du «je» dans Un, Deux et Trois, doit être habitué. N’empêche. Ici, il
dit «je» dans un tout autre style. Plus rigolo. Qui lui permet de se moquer de lui-même, de ses potes et de
quelques lieux communs. Comme ces : «On était vraiment une graaaande famille!» que les artistes lancent
souvent lorsqu’ils sont interrogés sur leur expérience de tournage.
Parlant de lieux, dans Ils étaient quatre, la fameuse «chambre des manteaux» qu’on retrouve dans chaque
party de maison joue un rôle important. C’est un point de référence, estime Mani Soleymanlou. «La chambre
des manteaux, c’est cliché. Dès qu’on dit ça, tout le monde sait de quoi on parle et peut imaginer le reste.»
Le reste de la soirée, s’entend. De cette soirée qui est au cœur de l’intrigue, qui dérape totalement, et dans
laquelle beaucoup reconnaîtront le déroulement plus ou moins «normal» d’une grosse fête. À savoir l’arrivée
un peu malaisante. Le copain un peu trop intense. Le moment où quelqu’un hurle «shooters!». L’autre où
quelqu’un sort la poudre. La discussion foireuse sur la politique (et la péréquation) qui s’ensuit. La toune triste
qu’on met aux petites heures sur «repeat» en sanglotant comme des caves.
«Si on s’appelait Paul, Pierre, Jean et Steve, ç’aurait juste été l’histoire de quatre amis weird qui font la fête.
Les gens auraient juste fait “Ah”.» – Mani Soleymanlou, expliquant pourquoi les quatre gars d’«Ils étaient le
même nombre» s’appellent Mani, Éric, Guillaume et Jean-Moïse
D’ailleurs, la musique, omniprésente, a été composée pour l’occasion par Philippe Brault, qui agrémente sa
trame de gros succès populaires. «On voulait du hip-hop, l’énergie qui s’en dégage», note Soleymanlou. Autre
élément fort présent : les substances toxiques, dont la MDMA, qui «enlèvent du sérieux et permettent aux
personnages de dire des choses qu’ils ne diraient pas autrement». Un «bon moteur narratif», estime Éric
Bruneau. Un bon moteur de danse aussi. «C’est vrai que je danse plus quand je suis un peu parti!» lance son
collègue.
Agrémentée de chorégraphies déchaînées, donc, la pièce devient l’occasion d’explorer les codes sociaux d’une
soirée, de décortiquer les stratégies de drague, les faux pas. Mani Soleymanlou, qu’on voit sur scène vêtu d’un
hip pull marqué Plateau (acheté «à la boutique Fake, sur Rachel», précise-t-il), cite à ce sujet le bouquin The
Game : Penetrating the Secret Society of Pickup Artists. «Ça existe réellement, des gens qui voient une soirée
de même, comme quelque chose de compliqué! Moi-même, quand j’étais à l’université, JAMAIS je n’aurais
pu prendre une bière si je n’étais pas fraîchement rasé et bien habillé. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus
simple. Parce que j’ai vieilli et j’ai réalisé que ‘sti que c’est une perte de temps!»
«C’est une parole qui existe difficilement. D’aborder la question du salaire, de nommer ça…! Je trouvais ça
intéressant d’en parler. Et je sens chaque fois que le public fait “oh…”» – Éric Bruneau, sur le thème de
l’argent, abordé dans Ils étaient quatre
N. B.: Comme chaque fête a besoin de son roi, chaque pièce de théâtre a besoin d’un King des assistants à la
mise en scène, rappelle Mani. En l’occurrence, Jean Gaudreau, «un être formidable qu’on ne nomme jamais
assez souvent. En fait, qu’on ne nomme jamais.» On en profite pour le saluer.
NIGHTLIFE.CA – 13 MARS 2015
Ils étaient quatre : le récit d’une grosse
soirée signé Soleymanlou
Par Catherine Bastien
La genèse de Ils étaient quatre remonte à dix ans, lorsque Mani Soleymanlou était encore à
l’École Nationale de Théâtre. Mani a alors eu l’idée de raconter l’histoire de quatre gars dans un
party, mais pas n’importe quels gars. Il a choisi comme protagonistes ses amis Éric Bruneau,
Guillaume Cyr, Jean-Moïse Martin et lui-même.
Dix ans plus tard, Mani Soleymanlou et Mathieu Gosselin ont retravaillé le texte de ce qui, au
départ, devait être un exercice de vingt minutes, afin de créer cette pièce d'une heure et quart.
Les quatre gars qui ont inspiré la prémisse de cette pièce n'ont pas manqué le rendez-vous et se
retrouvent sur la scène de la Licorne afin de se donner la réplique dans leur propre rôle.
Ensemble, ils nous racontent leur soirée, mais pas n’importe laquelle! « Une soirée qui sent le
sexe », s’écrit le personnage de Mani d’entrée de jeu. Une soirée qui dérape. Les quatre
personnages s’enfilent capsules de MDMA, cocaïne, shooters, et referont le monde parce que
c’est toujours plus pertinent de parler de politique un verre dans le nez.
La mise en scène de Soleymanlou est parfois chaotique, mais toujours appropriée. Le tout est
souligné par les éclairages d'Erwann Bernard, qui viennent adéquatement rythmer la
proposition scénique. La musique frénétique choisie par Philippe Brault vient mettre le public
dans une réelle ambiance de party.
Le texte est léger, drôle et pertinent. Les clins d'oeil à la carrière des acteurs sont multiples et
bien placés. Par exemple, Guillaume Cyr qui parle de l'émission pour enfant 1, 2, 3 géant sous
l'influence de drogue. Tout en humour, Soleymanlou trace le portrait des trentenaires
d’aujourd’hui. Une génération qui a peur des compromis, qui fuit l’amour et qui préfère jouer
aux jeux vidéos que d’avoir des enfants, mais surtout une génération qui sait fêter!
Puisque Mani Soleymanlou aime faire les choses en grand et en plusieurs épisodes, Ils étaient
quatre est le premier volet de la Trilogie Cocktail. Aucune date n’a été divulguée quant à la
diffusion de Cinq à sept et Huit, soit le deuxième et le troisième volet de cette trilogie. Tout ce
qu’on peut espérer, c’est que nous n’aurons pas à attendre trop longtemps pour la suite!
MonTheatre.qc.ca - Ils étaient quatre
1 sur 1
http://www.montheatre.qc.ca/archives/08-licorne/2015/quatre.html
Du 9 mars au 3 avril 2015, du lundi au jeudi 19h, vendredi 20h - Supplémentaires les samedis
14 mars et 20 mars à 16h
Ils étaient quatre
Présenté à la Petite Licorne
Texte Mathieu Gosselin et Mani Soleymanlou en collaboration avec les interprètes
Mise en scène Mani Soleymanlou
Avec Éric Bruneau, Guillaume Cyr, Jean-Moïse Martin et Mani Soleymanlou
______________________________________
Critique
par Daphné Bathalon
Après Un, Deux et Trois, Mani Soleymanlou remet la table avec Ils étaient quatre, qu’il
cosigne avec Mathieu Gosselin. Toujours intéressé par la notion d’identité, l’auteur et
comédien se penche cette fois plus précisément sur l’identité masculine québécoise.
Gosselin et Soleymanlou donnent la parole à quatre trentenaires, comédiens et grands
amis depuis l’École nationale de théâtre. Quatre gars ordinaires, amateurs de party, mais
parvenus à des points bien différents de leur vie. Ils racontent à un public devenu
confident comment une fête a dérapé au point de sombrer dans l’excès et de révéler
leurs pulsions animales. Une soirée qui a mené à un événement qui les a à la fois
rapprochés et irréversiblement éloignés.
Il flotte sur cette production de la compagnie Orange noyée un parfum outrancier guidé
par la MDMA, avalée par les quatre amis au début de la fête. Plus qu’un trip sous les
influences de l’ecstasy, la soirée sera le théâtre de bien des révélations sur eux-mêmes et
se fera le miroir d’une certaine trentaine au masculin en perte de repères (pour une vie
professionnelle réussie, pour des relations de couple épanouies, pour un modèle de père
idéal, pour une opinion politique tranchée, etc.).
Crédit photo : Jérémie Battaglia
De plus en plus intoxiqués, par la fête, par la drogue, par la fille, les trentenaires se font en effet moins lucides. Une dynamique s’installe entre les quatre
hommes et la fête, monstrueuse, excessive, charnelle, bref gargantuesque. Et quand ils s’y abandonnent complètement, au mépris des conséquences, la
musique submerge tout, les amis y perdent toute clarté de pensée, deviennent pulsions et corps en mouvements. C’est là où tout dérape.
Soleymanlou et Gosselin jouent sur l’aspect documentaire de la pièce, mêlant allègrement exagérations et inventions à de vrais éléments tirés de la vie de leurs
acteurs. Ils le font si habilement qu’on en oublie vite de tenter de départager le vrai du faux. De fait, la construction temporelle du spectacle rend le récit
hautement captivant. Avec une plume aiguisée et pleine d’autodérision, les auteurs abordent tous les sujets, des inévitables babyboomers aux impôts pour les
riches en passant par le rapport à l’argent, à la politique, aux femmes, sans verser dans le cliché, même si on le frôle parfois. Entre confidences sur les peurs
personnelles et opinions tranchées sur la société, la fête menace chaque fois de tout emporter dans une musique rave, dance ou techno.
Dans la peau des quatre amis, Mani Soleymanlou, Guillaume Cry, Éric Bruneau et Jean-Moïse Martin sont solides et démontrent une réelle écoute dans la
portion chorale, où le public n’entend que des portions de dialogues au milieu des confidences. Leurs personnages, en dépit de leurs défauts et de leurs actions,
sont profondément attachants. Et on rit beaucoup avec eux, de leurs travers ou parce qu’on se reconnaît dans leurs interrogations, dans leurs doutes, dans
leurs réactions. Les auteurs ont beau s’être penchés sur les réflexions d’hommes dans la trentaine, certaines réactions sont tout simplement humaines.
Plus que le récit d’une veillée où quatre amis ont perdu tout contrôle sur eux-mêmes, Ils étaient quatre offre une vision « éclairante » sur la trentaine au masculin
et surtout sur la force des liens d’amitié qui les unissent. On n’en est que plus impatient de découvrir ce que l’auteur nous prépare pour la suite de sa Trilogie
cocktail.
13-03-2015
2015-05-08 14:36
LES MÉCONNUS – 14 MARS 2015
« Ils étaient quatre » : Voyage au bout de la nuit
[vie]
Par Rose Carine H.
Mani Soleymanlou continue sur sa lancée créative en nous présentant Ils étaient quatre, pièce
polyphonique, autodérisoire et coécrite avec Mathieu Gosselin. Alors que l’identité ethnique était au
centre de sa précédente trilogie – Un, Deux et Trois – la nouvelle création s’attarde sur l’identité
masculine dans une tranche d’âge plus que problématique, la trentaine : devenir un homme ou rester
un éternel grand enfant. Et que veut bien dire devenir un homme ?
La pièce commence. Le directeur artistique présente les personnages/comédiens, qui ont gardé leurs
véritables noms – l’ironie s’installe de ce fait. Quatre amis partagent un souvenir (qu’ils auraient bien
voulu oublier) et la pièce d’une heure et quart est le récit de ce souvenir, de cette soirée. La narration,
vivante et immersive, est ponctuée de réflexions sociétales : politique, réussite, amour. Ces séquences
graves et réflexives passent pourtant trop vite.
Parce que ce party, on ne l’oublie pas. On y revient toujours. La bonne vieille musique commerciale et
l’éclairage psychédélique aidant. Les quatre protagonistes aux personnalités opposées nous amènent
pas à pas dans les dédales de cette soirée qui a mené à leur dérape. Sex, drugs and rock n’ roll : leur
rencontre avec cette rousse aux yeux de fée qui leur renvoie leurs désirs interdits et leurs instincts
primaires. Il y a Mani, l’accro du boulot obsédé par le sexe et qui, pourtant, ne pogne pas. Éric, le beau
gosse en manque de tendresse. Guillaume, le père de famille piégé dans son rôle de modèle. JeanMoise, le blasé introspectif.
Cette pièce autofictionnelle dresse un portrait caricatural des hommes trentenaires en proie aux
questionnements interminables sur les responsabilités de la vie d’adulte. À leurs désirs contraires face
à la normalité. Une comparaison générationnelle s’installe, entre reproches et admiration. C’est une
pièce du quotidien, de l’ordinaire et des discours qui accompagnent nos brunchs de famille.
C’est un portrait réaliste. Cependant, cela reste juste un portrait. Le travail de Mani Soleymanlou, sans
vouloir le réduire à cela, est une démarche plus descriptive/narrative qu’en recherche de solutions. Un
regard sur le présent et le passé avec une sorte de crainte envers le futur. Sans doute que l’artiste nous
réserve d’autres choses avec Cinq à sept et Huit, qui viendront compléter cette nouvelle saga. Ou alors,
c’est un artiste qui veut faire du bien. On en a déjà assez à faire avec ce qui va mal.
Pourtant, c’est très sérieux les crises existentielles, sauf qu’avec une chute comme celle de Ils étaient
quatre, on ne peut s’empêcher de sourire et se dire qu’on ferait bien d’arrêter de se complaire dans la
plainte.
http://lesdeliresdemarie.blogspot.ca – 10 MARS 2015
Ils étaient quatre
Orange Noyée
Texte: Mathieu Gosselin et Mani Soleymanlou
avec la collaboration des interprètes
Mise en scène: Mani Soleymanlou
Avec Éric Bruneau, Guillaume Cyr, Jean-Moïse Martin et Mani Soleymanlou
Quatre gars dans la trentaine, quatre grands amis, racontent une fête qu’ils ont vécue ensemble.
Cette soirée, qui au début ne promettait rien d’exceptionnel, va lentement chavirer dans l’excès.
À cette fête, il y avait aussi Elle. Elle, qui représente quelque chose de très différent pour chacun
d’eux, mais qui les pousse implacablement vers les animaux, voire les monstres qu’ils portent en
eux.
Une pièce de gars, avec des mots de gars, avec l'énergie et la sexualité des gars et avec une
finale étonnante! C'est accrocheur, provocant et même touchant avec une bonne dose
d'humour. Car mieux vaut en rire!
Ils étaient quatre est la première partie de la Trilogie Cocktail et sera suivie par Cinq à sept et
Huit.
Mani Soleymanlou fonde sa compagnie Orange Noyée en 2011 avec laquelle il crée les pièces
Un, Deux et Trois, toutes remarquées par le public et la critique.
À noter: Orange Noyée - Mani Soleymanlou est finaliste pour le 30e Grand Prix du Conseil des
arts de Montréal pour son spectacle mobilisateur Trois.
THÉÂTRE
Party de gars
«Ils étaient quatre» dresse un portrait générationnel divertissant mais plutôt
léger
12 mars 2015 | Marie Labrecque ­ Collaboratrice | Théâtre
Photo: Jérémie Battaglia
Un quatuor bien campé par Mani Soleymanlou, Guillaume Cyr, Éric Bruneau et Jean­Moïse Martin fait vivre cette pièce
autobiographique.
Pénétrer dans la tête de mâles trentenaires est une expérience tout
à la fois drôle et un peu consternante. Du moins si l’on en croit le
portrait (caricaturé) qu’en dessine cette création sur l’identité et
l’amitié masculines.
S’amusant avec le concept du show autobiographique, Ils étaient
quatre présente des doubles pas forcément flatteurs de ses
interprètes. Un quatuor contrasté et bien campé, qui met côte à
côte le party animal (déchaîné Mani Soleymanlou), l’introspectif
(Jean­Moïse Martin, au jeu plus intérieur), le père de famille
banlieusard (Guillaume Cyr) et la vedette du groupe (Éric Bruneau). Lors d’un party animé, ils croisent
Ils étaient quatre
Texte : Mathieu Gosselin et Mani
Soleymanlou, en collaboration
avec Éric Bruneau, Guillaume Cyr
et Jean­Moïse Martin. Mise en
scène : Mani Soleymanlou.
Création d’Orange Noyée.
Jusqu’au 3 avril à La Petite
Licorne.
une belle rousse. Une fille fantasmée sur laquelle tous projettent leurs désirs, et qui devient le
révélateur de l’idéalisme romantique de l’un ou de l’imaginaire pornographique de l’autre… Des
nuances qui s’estompent au fur et à mesure que la soirée, très alcoolisée et dopée, progresse et que les
frustrations ressortent.
Sa narration fragmentée dynamise la pièce. Efficace construction, qui remonte le fil de l’histoire en
alternant un regard rétrospectif et des scènes qui recréent la soirée (dont la mise en scène évoque
l’atmosphère de plus en plus débridée), qui juxtapose les différents points de vue, et enligne
monologues, dialogues ou quatuors. On y effleure toute une série de sujets : la politique, le partage
des richesses, la paternité, la réussite, le vieillissement…
Sous son ton cru et l’oralité brute de la langue, Ils étaient quatre n’offre pourtant pas énormément
qu’on n’ait pas l’impression d’avoir déjà entendu. À l’ère des Invincibles, rien de bien nouveau dans ce
portrait d’adulescents. Ici, on explore la génération trentenaire, cette décennie qui impose de devenir
adulte, où l’homme se débattrait entre la responsabilité et l’obligation de réussite d’une part, et les
derniers restes de liberté insouciante d’autre part, une fuite qui ne va toutefois pas sans un sentiment
de vacuité. Trahissant peut­être son origine collective (le texte a été inspiré par les interprètes), si bien
qu’elle reste un peu en déficit d’une vision forte, la pièce aligne quelques banalités et généralités sur le
sujet. Jusqu’à l’inévitable couplet sur les baby­boomers. L’un des moments forts du spectacle, tout en
musique, se passe d’ailleurs de texte…
Il faut dire que cette autofiction pimentée d’autodérision ne se prend pas trop au sérieux : intention
annoncée dès le préambule par l’amusante présentation au ton grandiloquent. On ne doit donc pas
trop se surprendre de voir la pièce se diriger allégrement vers un punch plutôt comique. On reste avec
l’impression d’une oeuvre qui aurait pu aller plus loin. Un menu un peu léger qui s’étoffera peut­être
avec la suite de cette trilogie annoncée.
LE CULTE – 2 AVRIL 2015
Jamais Trois sans Quatre
Par Matisse Harvey
Dans la pénombre d’une scène épurée et d’un décor dénué d’artifice, quatre trentenaires et amis de longue
date poussent les limites de la démesure et invitent le public à se joindre à eux le temps d’une heure et quart
d’euphorie. Du 9 mars au 3 avril prochain, le Théâtre La Licorne invite Mani Soleymanlou et ses complices
à interpréter Ils étaient Quatre, la première pièce d’une nouvelle trilogie.
Sortie tout droit des oubliettes, cette pièce est le fruit du travail de quatre anciens étudiants de l’École nationale de
théâtre du Canada. Ils ont replongés dans ce texte de l’époque en remaniant leur plume avec l’aide de l’auteur et
acteur Matthieu Gosselin. Mani Soleymanlou, Guillaume Cyr, Éric Bruneau et Jean-Moïse Martin, se
servent d’un party bien arrosé pour extrapoler leur propre portrait avec audace, et ainsi faire basculer leur public
dans l’univers du scepticisme et de la curiosité. «J’aime ce genre de théâtre réalité où l’on se questionne vraiment
sur la réalité de la chose. Plus la ligne est mince, plus je trouve ça intéressant», explique le metteur en scène de la
pièce, Mani Soleymanlou. Leur réelle intention? Mettre au grand jour la question de l’identité masculine chez les
trentenaires d’aujourd’hui.
Louangé par les critiques pour ses pièces Un, Deux et Trois, Mani Soleymanlou tente cependant de prendre ses
distances face à l’étiquette qui lui a été attribuée, celle portée sur la quête identitaire et nationale. Cette fois, ce
d’Artagnan et ses trois mousquetaires évoquent la pression de la performance qu’ils ressentent et déconstruisent
ainsi l’image habituellement associée à leur génération. « Il y a un non-sens entre ce que l’on vit et ce que la
société projette comme image de nous», avoue Mani Soleymanlou. Selon lui, la génération actuelle des
trentenaires cherche perpétuellement à tendre vers un modèle parfait ou une vision d’avenir telle que la société
s’efforce de leur imposer. Ils étaient Quatre n’a pas la prétention de dresser un portrait exhaustif de la réalité, mais
bien de pousser le public à se questionner sur une génération à la fois remplie d’ambitions professionnelles et
familiales, et angoissée de ne pas les voir toutes se concrétiser.
À l’ère d’une société individualiste où le bonheur personnel prime avant tout, la pièce expose la dualité entre le
bonheur individuel et collectif. Selon Guillaume Cyr, il suffit que leur bonheur soit le moindrement mis en péril
pour que les individus veuillent tout remettre en question pour recommencer à zéro. «Cette question-là se pose à
tous les âges. La génération de mes grands-parents ne se demandait pas s’ils étaient heureux», affirme-t-il.
En faisant ressurgir les souvenirs d’une soirée révolue depuis plusieurs années, les quatre hommes se replongent
sous les yeux intrigués des spectateurs dans ce chapitre hédoniste de leur vie. Plaisirs, drogue, femmes, alcool et
excès poussés à leur paroxysme. La limite n’existe plus. L’enivrement est bel et bien l’effet escompté chez le
public qui prend pourtant plaisir à chavirer dans l’univers hétéroclite du quatuor. Sans même se tourner pour se
regarder lorsqu’ils se parlent, leurs dialogues s’enchainent, se coupent et se complètent avec fluidité. Une véritable
alchimie émane des comédiens. Le décor simple et le clair-obscur contribuent eux aussi à rendre l’atmosphère de
la pièce unique en son genre, et l’original jeu de lumière transporte le spectateur au cœur du récit. Ces choix sobres
de mise en scène rappellent d’ailleurs celle des précédentes pièces de la compagnie théâtrale Orange Noyée,
fondée en 2011 par Mani Soleymanlou.
Bien que les spectateurs prennent plaisir à entrer dans l’atmosphère jubilatoire de la fête, leur curiosité aurait été
véritablement assouvie s’ils en avaient su davantage sur le fond de la pensée des personnages. Des thématiques
très intéressantes que sont la politique, la vision de la vie, la maladie ou le vieillissement, mais qui laissent le
public sur sa faim. Une ceinture noire de karaté, un barbu au déhanchement habile et assumé, un sensible à
l’écoute de ses instincts et un Beauceron récemment devenu Longueuillois. Il vaut la peine de se laisser emporter
dans l’univers insolite de ces quatre amis dont la singularité et le talent ne font pas l’ombre d’un doute.
Ils étaient quatre: testostérone Rex | MARIO CLOUTIER | Théâtre
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http://www.lapresse.ca/arts/spectacles-et-theatre/theatre/201503/14/01-...
Publié le 14 mars 2015 à 14h00 | Mis à jour le 14 mars 2015 à 14h00
Ils étaient quatre: testostérone Rex
Mario Cloutier
La Presse
Qu'il était attendu, le nouveau Mani Soleymanlou. Le sujet n'est pas nouveau, la trentaine,
mais le traitement est original, la mise en scène, énergique, et on rit. Pas trop longtemps.
Après Un, Deux et Trois... Quatre? Pas si vite, Mani. On n'est plus dans la quête
identitaire ici. Quoique Ils étaient quatre décrive des membres d'un groupe bien précis,
celui des hommes dans la trentaine, un soir de fête.
Le contexte est important. Il détermine tout le reste. Ce party est l'occasion du
défoulement et des remises en question, du laisser-aller et de l'expression d'une certaine
amertume.
Les quatre personnages de la pièce donnent leurs répliques en solo, en duo,
en trio, tout en ayant très peu de contacts entre eux. Ils parlent de leurs
désirs, de politique, de sexe et, surtout, d'eux-mêmes.
Photo fournie par La Licorne
Là-dessus, rien de bien nouveau. Mani Soleymanlou et son groupe parlent du refus de
l'engagement de jeunes hommes qui ne veulent pas vieillir et qui s'accrochent au plaisir.
L'originalité, c'est que les quatre personnages portent le prénom de leur interprète et un
peu de leur personnalité. Juste assez.
Mani Soleymanlou est le paquet de nerfs adepte de porno, Guillaume Cyr, le sérieux
papa... pas toujours bien dans sa peau, Éric Bruneau, le beau Brummell plus songé qu'il
n'en a l'air, et Jean-Moïse, ou J-Mo, l'angoissé brillant mais solitaire.
Ils donnent leurs répliques en solo, en duo, en trio, tout en ayant très peu de contacts entre eux. Ils parlent de leurs désirs, de politique, de sexe et, surtout, d'euxmêmes. La bande des quatre sniffe et s'amuse ferme, mais adore également le texte d'Aragon sur le suicide, Il n'aurait fallu, mis en musique par Léo Ferré et
interprété par Renée Claude.
La mise en scène est réglée au quart de tour avec une excellente musique de Philippe Brault et une bande sonore faite, entre autres, de gémissements érotiques.
Ces quatre post-ados sont sur le point de faire quelque chose de leur vie: construire une famille, travailler pour vrai, s'engager... mais hésitent, tergiversent et laissent
tomber. Un soir d'étourderie, abusant de drogue et d'alcool, ils font des gestes qu'ils n'avaient pas prévus. Qu'ils regrettent déjà.
Quelque chose de touchant
Il y a quelque chose de touchant dans leur surplace, leurs questionnements et leurs échecs. Entre «l'idée de bâtir avec quelqu'un d'autre, ça me séduit» d'Éric et le «on
s'en câlisse» de J-Mo, il y a toute une jeunesse qui s'apprête à ne plus l'être, mais qui ignore comment y arriver. En cela, ces trentenaires ne sont probablement pas
différents des autres, avant ou après eux.
Ils sont un peu pitoyables, mais drôles aussi dans leur naïveté. Ils feignent le détachement, mais ils n'ignorent pas, au fond d'eux-mêmes, ce qui les attend: un monde
de responsabilités.
Ces quatre amis sont pétrifiés par la peur de l'échec. Ils en veulent aux boomers, ces «premiers ados de l'humanité» qui n'ont rien foutu avant eux, mais ils refusent de
plonger, craignant d'arriver aux mêmes résultats.
On en rit, là maintenant, mais ce n'est pas si drôle.
À La Petite Licorne, jusqu'au 3 avril.
© La Presse, ltée. Tous droits réservés.
2015-05-08 14:33
JEU – 15 MARS 2015
Ils étaient quatre : Réjouissant party
Par Aurélie Olivier
Ils étaient quatre, quatre amis de jeunesse qui aimaient boire, danser, séduire les filles.
Avec la trentaine, leurs chemins ont commencé à diverger un peu, ils réussissent plus ou
moins bien professionnellement et sont rendus à différents stades sur les plans affectif et
familial.
Mais ce soir, ils se retrouvent pour faire la fête dans un loft montréalais entourés
d’artistes, peintres, danseurs, comédiens. L’alcool coule à flot, la MDMA met tout le
monde de bonne humeur, la coke rend volubile. Et puis il y a cette fille, LA fille, une
rousse superbe qu’ils lorgnent tous du coin de l’œil, celle par qui la dynamique de leur
amitié sera à jamais altérée.
Dans cette nouvelle création de la compagnie Orange noyée (dont on se rappelle les
enthousiasmants Un et Deux), chacun des quatre interprètes (Éric Bruneau, Guillaume
Cyr, Jean-Moïse Martin, Mani Soleymanlou) joue son propre rôle, et la réalité se mêle
allègrement à la fiction : Mani y est ici dépeint comme un acteur et auteur de théâtre
obsédé sexuel; Éric, vedette de la télé, s’afflige de ce que les femmes prennent ses
marques de tendresse pour des preuves d’amour; Guillaume, récemment installé en
banlieue, s’interroge sur son tout nouveau rôle de père; et Jean-Moïse, fauché, un peu
rabat-joie, n’est pas trop sûr de ce qu’il veut faire de sa vie… Ce party déjanté va
réveiller la bête endormie en chacun d’eux.
Ce que nous offre Ils étaient quatre, ce n’est ni un véritable portrait de génération, ni une
réflexion pénétrante sur la masculinité, mais plutôt une démonstration des excès qui nous
sont parfois nécessaires pour nous sentir exister. On y parle certes de sexe (beaucoup),
d’argent, de famille, et de quête du bonheur, mais sans sortir des lieux communs, chose
qui, toutefois, devient plus acceptable pour le spectateur lorsque la pièce avance et que
les facultés des protagonistes sont de plus en plus affaiblies par la drogue et l’alcool.
Ce qui séduit dans cette pièce ce n’est donc pas la profondeur de la pensée qui y est
déployée, mais bien son humour et son énergie dévastatrice. La complicité entre les
comédiens est palpable, et l’autodérision dont ils font preuve est désarmante. Vêtus de
noirs et chaussés de baskets (la marque de fabrique de Soleymanlou, qui signe la mise en
scène et a coécrit le texte avec Mathieu Gosselin), plantés chacun devant un haut-parleur,
se déhanchant sous des lumières clignotantes, ils nous font remuer en rythme sur nos
sièges et ressentir de manière tangible l’ambiance de cette soirée décadente. On sort à la
fois galvanisés et ravis de ce qui est somme toute une célébration de l’amitié.
HUFFINGTON POST – 11 MARS 2015
«Ils étaient quatre»: la déchéance des mâles
trentenaires
Par Samuel Larochelle
Après être devenu le porte-parole de la réflexion identitaire, avec sa trilogie Un, Deux et Trois, Mani
Soleymanlou change complètement de registre en jouant et en signant la mise en scène d’Ils étaient
quatre, un divertissement ponctué d’introspection sur les désirs des hommes dans la trentaine.
Écrite par Mathieu Gosselin, en collaboration avec les interprètes, la pièce met de l’avant quatre hommes
directement inspirés des comédiens, quoiqu’agrémentés de plusieurs touches de fiction et de fantaisie,
qu’il est impossible d’identifier, à moins de connaître intimement le quatuor.
On retrouve Mani, l’homme de théâtre anobli par Marc Cassivi, et accessoirement obsédé sexuel; Éric
Bruneau, le tombeur de TVA qui rêve plus de tendresse que d’amour; Guillaume Cyr, le papa banlieusard
qu’on a vu dans Louis Cyr, ainsi que Jean-Moïse Martin, le solitaire de 36 ans qui envisage faire quelque
chose de sa vie… éventuellement.
Tous acteurs. Tous trentenaires. Tous présents à une fête aux apparences banales, mais qui finit par se
transformer en terrain de chasse, en piste de danse, en terreau de réflexion et en baisodrome.
Plantés sur une scène sans décor, mais dont l’éclairage nous transporte aisément dans l’univers fêtard où
l’on renifle et s’enivre, les quatre amis décrivent la beauté d’une rousse qui fait tourner les têtes sans
effort. Pendant que l’un raconte ce qu’il lui ferait sexuellement, l’autre évoque son désir de s’enfermer
chez lui, un troisième nous explique à quel point les femmes sont bluffées par ses envies d’affection,
dénuées d’aspirations amoureuses, et le dernier tente de nous (se) convaincre qu’il ne traverserait jamais
la clôture de l’infidélité.
Les personnages sont un brin unidimensionnel, mais le naturel avec lequel Bruneau, Cyr, Martin et
Soleymanlou les interprètent offre une suite de moments hilarants. On regrette un peu que leurs
questionnements sur la société n’apportent rien de nouveau au discours ambiant (le confort qui l’emporte
sur la volonté de changer les choses, les problèmes hérités des baby-boomers, etc.), mais notre intérêt est
ravivé dès que la pièce reprend le chemin, pourtant léger, de leur soirée endiablée.
Les esprits n’ont rien de sobres. Les instincts animaux se réveillent. La nuit ne veut pas dormir. Chaque
nouveau détail apporte un élément jouissif au portrait d’ensemble et la soirée qui s’étire se conclut avec
une finale aussi drôle qu’imprévisible.
La complicité entre les acteurs donne un souffle irrésistible à la pièce. L’autodérision dont ils font preuve,
en jouant avec les frontières de la réalité comme dans Tout sur moi, permet de gagner l’affection du
public en un clin d’œil. La musique euphorisante, parfois émouvante et admirablement éclectique plonge
les spectateurs dans l’esprit de party décadent, en plus d’encourager les interprètes à effectuer une suite de
déhanchements des plus divertissants.
On ne va pas voir Ils étaient quatre pour remettre en question sa vision du monde, mais pour accorder à
son esprit 75 minutes d’allégresse et de surprises.
HUFFINGTON POST – 11 MARS 2015
Ils étaient quatre: et ils ont trente ans
Par Marie-Claire Girard
Eric dit dans Ils étaient quatre : on a besoin de modèles. Le problème, c'est qu'il n'y a pas de modèles pour les
hommes au Québec, il n'y a pas de héros Canadiens-Français. Jusqu'à tout récemment, l'élite était composée de
curés, de notaires, de médecins et d'avocats. Pas d'hommes d'affaires, pas d'entrepreneurs, pas de créateurs. L'idéal
masculin proposé par l'Église catholique : des sacrifiés, des humbles et des martyrs. On a érigé des monuments à
Saint-Joseph, le père de Jésus, émasculé, qui n'est pas même pas le géniteur de son enfant. L'Oratoire Saint-Joseph
est un symbole de l'impuissance masculine. L'homme québécois vit dans l'absence du pouvoir, il est castré trois
fois, par le patron anglais, par l'Église et par sa femme. C'est le hockey qui définit le mâle ici. Les femmes
demandent aux hommes d'être différents, bon père, bon mari, bon amant. Mais tout est à inventer. Les femmes et
les gais ont des causes, les hommes n'ont rien. C'est dur de vivre avec ça.
C'est le dilemme avec lequel sont aux prises les quatre trentenaires de la pièce de Mathieu Gosselin et Mani
Soleymanlou. Guillaume (Guillaume Cyr) est en couple, a un enfant et vit à Longueuil, à sa grande horreur
d'ailleurs. Eric (Eric Bruneau) le beau mec et celui qui a le plus de succès professionnellement, voit le couple
comme un partenariat. Mani (Mani Soleymanlou) pense principalement au cul et Jean-Mo (Jean-Moïse Martin), le
plus âgé du groupe à 36 ans, se déclare très heureux avec sa bière et sa game de hockey après plusieurs tentatives
infructueuses de vie à deux. Ils avouent jouer encore au Playstation et désirer que leur vingtaine se prolonge
indéfiniment. Mais voilà, ce sont des hommes maintenant, plus des petits garçons.
Un soir, ils s'en vont à un gros party où ils traînent quasi de force Jean-Mo. Selon Mani, ce sera la soirée de leur
vie, ils vont s'éclater comme jamais grâce à de la dope formidable et à de nombreux shooters. Oh! Et il y aura des
filles aussi. Le texte détaille avec acuité les différentes étapes de cette soirée en plus de rendre compte des
angoisses narcissiques de ces jeunes hommes, des conversations décousues de gars saouls, des diatribes menées
contre les baby-boomers (leurs parents, non?) ou le taux de taxation, les contradictions d'un univers où on te veut
socialement responsable tout en t'incitant à consommer le plus possible. Et consommer ce soir-là, ils le font : de
l'alcool et des drogues dans un cocktail explosif qui va amener un événement révélateur qui va remettre en
question leur amitié et leurs certitudes.
Le texte est très drôle et très juste. J'ai des fils de cet âge qui voient le temps filer, qui se rendent bien compte que
l'adolescence ne dure pas toujours, qui commencent à penser à la mort et qui se posent les mêmes questions. Mais
il est un peu dommage que la gravité occasionnelle du propos se perde dans l'incroyable bordel de cette soirée, fort
bien rendue par ailleurs. Ainsi ce joli moment avec la chanson Il n'aura fallu, un poème d'Aragon chanté par la
divine Renée Claude qui traduit ce mal de vivre, ce désir d'amour, cette soif inextinguible pour quelque chose
qu'on ne trouve pas et qu'on ne trouvera peut-être jamais. Les quatre comédiens sont tous parfaits et je donne
l'étoile du match à Jean-Moïse Martin dont j'avais remarqué le jeu dans Un tramway nommé désir et qui assume ici
le rôle de la conscience du groupe. Il émane de lui une tristesse et une angoisse qui donnent une profondeur
insoupçonnée à ce personnage dont, au départ, on attend peu de choses. Lui qui aime la bière et le hockey etc.
La mise en scène de Mani Soleymanlou réussit l'exploit de planter les quatre protagonistes sur scène et de rendre
cet immobilisme extrêmement dynamique. Dans leurs gestes, d'une part, et dans l'utilisation de la musique et des
éclairages d'autre part. On a l'impression qu'ils bougent constamment alors que dans les faits ils font du surplace.
La mise en scène exploite aussi la personnalité de chacun des comédiens pour en extirper la charge émotive ce qui
fait qu'on a l'impression de vraiment connaître ces quatre garçons, leurs défauts, leurs qualités, leurs rêves, leurs
motivations. Ils étaient quatre est une façon d'explorer cette terra incognita que constitue l'univers de cette
génération de jeunes gens, perdus comme personne ne l'a été avant.
Mais entre John Wayne et le nono de service, ils sont où les hommes?
BIBLE URBAINE – 11 MARS 2015
La fuite des trentenaires malheureux
Par Camille Masbourian
Oui, le sujet de la trentaine chez les hommes a été abordé, réfléchi, mis en scène et analysé au théâtre, à la télé et au cinéma dans les
dernières années. On n’a qu’à penser aux Québec-Montréal, Horloge biologique et autres Invincibles. Mais personne ne l’avait encore fait
comme Mani Soleymanlou, qui a mis en scène et co-écrit Ils étaient quatre en compagnie de Mathieu Gosselin.
Dans Ils étaient quatre, quatre amis acteurs, Mani Soleymanlou, Éric Bruneau, Guillaume Cyr et Jean-Moïse Martin, jouent leur propre
rôle, ou plutôt une version grossie et exagérée d’eux-mêmes. Dès le début de la pièce, ils sont présentés en voix hors champ par Denis
Bernard, directeur général et artistique du Théâtre La Licorne, immédiatement après son mot de bienvenue ainsi que le traditionnel
message pré-spectacle, nous rappelant d’éteindre nos téléphones. Denis Bernard promet également un «plongeon dans l’univers
masculin des trentenaires», et c’est exactement ce que nous fait vivre Ils étaient quatre en à peine un peu plus d’une heure.
Éric, Guillaume et Mani insistent pour que Jean-Moïse les accompagne dans un party, LE party à ne pas manquer, surtout que c’est la
première soirée libre de Guillaume depuis que son bébé est né. Jean-Moïse, surnommé J-Mo par ses amis, hésite. Il n’a pas beaucoup
d’argent, il est tanné de faire la fête comme s’il n’y avait pas de lendemain, s’est promis de ne plus prendre de drogues et a presque
coupé l’alcool. À 36 ans, il essaie de comprendre pourquoi il «ne réussit pas tant que ça», pourquoi il vit un sentiment d’échec, «un échec
social parce qu’[il] ne peut s’offrir plus».
Il accepte finalement de les suivre, et un peu malgré lui, se fait prendre au jeu, et dérape aussi solidement que ses amis. La soirée
commence plutôt tranquillement, mais s’intensifie au rythme des nombreux shooters et des gélules de MDMA consommées par les
quatre amis.
Placés en ligne droite, côte à côte, parfois debout, parfois assis sur des haut-parleurs, chacun raconte sa version de la soirée, dans des
témoignages qui s’emmêlent, se contredisent, se confirment et se heurtent. Chacun se pose des questions différentes, chacun a une
façon différente de voir les choses, dans la vie comme lors de la soirée, notamment en ce qui concerne la belle fille. Et pourtant, ils
finiront exactement tous à la même place.
Le texte d’Ils étaient quatre a été écrit par Mani Soleymanlou et Mathieu Gosselin, mais les trois autres y ont grandement participé et
c’est probablement ce qui lui donne ce grand naturel. Rien n’est plaqué, rien n’est récité, tout est simplement dit et vécu dans ce texte
très parlé, où même les quelques accrochages semblaient presque planifiés. Les dialogues sont absolument géniaux, pas tant par ce qu’ils
disent, mais pour la façon dont ils sont interprétés. On regarde Ils étaient quatre comme si on assistait à la même soirée.
Au fil des conversations, plusieurs thèmes sont abordés, notamment la vision de chacun de l’amour et de l’engagement («j’ai besoin de
tendresse, de cuddle au boutte, mais d’amour… pas tellement» dira Éric, alors que Guillaume est on ne peut plus casé, que Mani veut
coucher avec des filles pour coucher avec des filles et que J-Mo ne sait plus ce qu’il veut), de l’implication tant personnelle que citoyenne
(«quand j’aurai trouvé un parti qui représente bien mes idées, j’irai voter. Je sais que c’est con de penser de même, mais c’est pas
tellement grave si je vais pas voter et que je m’intéresse pas à la politique»), du travail, de la vie en banlieue, des enfants, des partys qui
ne finissent plus, etc.
Bref, des vrais sujets de gars de trente ans qui tentent d’être heureux dans cette société où «le gars de 30 ans est douche en sacrament»,
préférant jouer à des jeux vidéo que d’avoir des enfants, et où le moindre compromis mettrait son bonheur et son petit confort
personnel en péril. Est-ce que c’est vrai que tout le monde essaie de fuir quelque chose? Est-ce que c’est vrai que notre cynisme nous
vient de nos parents? Est-ce que c’est vrai que si notre vie est difficile c’est à cause des boomers qui n’ont pensé qu’à eux?
Plusieurs thèmes intéressants sont abordés dans Ils étaient quatre, mais c’est surtout la façon dont ils ont été joués et mis en scène qui
fait de cette pièce un incontournable du théâtre québécois de l’année. Mani Soleymanlou signe une mise en scène simple mais
terriblement efficace, superbement appuyée par les éclairages d’Erwann Bernard, élément très important, puisqu’ils donnent le ton tout
au long de la pièce, notamment lors de l’excellente scène de danse sur «Turn Down for What» de Lil Jon et DJ Snake!
Ils étaient quatre n’est que le premier volet de la Trilogie Cocktail, qui sera complétée par Cinq à Sept, la version féminine de la même
soirée, ainsi que Huit, où les quatre hommes et les quatre femmes seront réunis. Espérons ne pas avoir à attendre trop longtemps!
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