2h14 est une pièce qui explore l’adolescence, ce moment charnière où l’on cherche
de façon brouillonne et excessive, sa place dans le monde des adultes, en tent-
ant de ne pas leur ressembler. Si j’ai choisi ce texte de David Paquet c’est tout
d’abord parce que la langue de ce jeune auteur dramatique québécois, par ses
mots crus et poétiques, a la particularité de nous faire voyager dans un monde,
aux frontières du surréalisme, qui donne corps et expressivité aux voix de ce
« Sortir de l’enfance ». Ce texte met en scène les projections les plus folles,
la violence que l’on (se) fait et malheureusement parfois, la mort elle-même.
Ce qui m’a touchée également, c’est cette incroyable quête du bonheur, à
laquelle participent aussi les adultes donnant à ce texte une portée incroya-
blement universelle et atemporelle. Y-a-t-il vraiment un âge où l’on trouve sa
voie, son bien-être ? Quand est-ce que la « vraie vie » commence ? Comment
cela se manifeste-t-il ?
Dans un premier temps, j’ai voulu enrichir le travail à la table de textes et de
lmsquiontpermisd’approfondirmonanalysedramaturgique:20Novem-
bredeLarsNorèn,quioreuncertainregardsurledénouementinattenduet
bouleversant de 2h14 ; Elephant de Gus Van Sant, 2h37 de Murali K. Thalluri et
We Need to Talk About Kevin réalisé par Lynne Ramsay qui explorent l’univers
crueletlemal-êtrepropresàl’adolescence.Eneet,bienquelapiècedeDavid
Paquet soit une comédie, elle se fait également porte-parole d’une folie contem-
poraine qui éclate, mettant à nu et à vif l’un des plus grands malaises de notre
société : celui de notre jeunesse.
Dans un deuxième temps, il est devenu nécessaire de prendre du recul avec la
réalité car nous venions de vivre, à Paris, les attentats du 13 novembre. Le vivant
prenant alors le pas sur le spectacle, il m’a paru indispensable de mettre à dis-
tance la douleur, pour mieux la révéler et la partager. Le texte de David Paquet
étantinnimentdrôleettendre,j’aichoisidedévelopperl’énergieducollectifet
de mettre en valeur le burlesque et le comique des situations par un jeu des co-
médiens dynamique, enjoué et rythmé, proche de l’enfance. Par ailleurs, parce que
c’estunehistoireaussidedestin,parcequelenalestunetragédie,parceque
c’est une pièce chorale qui doit être menée tambour battant par ses interprètes,
j’aichoisidetravaillerlemasqueneutrecommerévélateuretoutildejeu,ande
créer une cohésion de groupe, de retrouver, au sein de notre collectif, ce Chœur au
sein duquel les individualités ont tant de mal à s’orienter, à trouver des valeurs et des
repères, à donner sens à la vie. L’onirisme qu’amènent ces tableaux masqués permet
au spectacle d’entrer dans une dimension poétique tout en rendant hommage, à ma
manière, aux disparus.
note d’intention de mise en scène