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Cours de philosophie de M.Basch – La morale
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L’ethnologue décrit à bon droit la diversité et la relativité des prescriptions éthiques. Et, pourtant,
c’est un fait : si le contenu de ces prescriptions varie selon le temps et les lieux, leur forme et leur
« quoddité » restent constantes ; par exemple, les marques de la pudeur et du respect se modifient
d’une religion à l’autre, mais l’intention d’honorer gratuitement certaines convenances invisibles, et
ceci pour rien et en dehors de toute utilité pratique, voilà qui est universellement humain en
général ; les choses respectables sont relatives et contradictoires, mais le fait de respecter ne l’est
pas.
Vladimir Jankélévitch, Le sérieux de l’intention
D’après des études ethnologiques récentes, on peut constater la présence chez tous les peuples
connus d’au moins cinq types de préoccupations morales : la nuisance, la réciprocité, la
hiérarchie, la pureté et la communauté. On observe, de surcroît, une dizaine impératifs moraux
concrets que l’on retrouve sans presque aucune exception dans toutes les cultures connues :
condamnation des violences arbitraires, obligation de tenir ses promesses, respect de la
pudeur, obligation d’aider ses semblables dans le besoin, condamnation des parasites (free-
rider), protection des enfants, tabou de l’inceste, respects des règles concernant la
nourriture, la famille et les corps des morts.
L’existence de ces constances permet de rendre possible, au moins théoriquement, la constitution
d’une morale raisonnable valable pour tous les êtres humains :
La morale n'est point faite pour suivre les caprices de l'imagination, des passions, des intérêts de
l’homme : elle doit être stable, elle doit être la même pour tous les individus de la race humaine, elle
ne doit point varier d'un pays ou d'un temps à un autre ; la religion n'est point en droit de faire plier
ses règles immuables sous les lois changeantes de ses dieux. Il n'y a qu'un moyen de donner à la
morale cette solidité inébranlable : il ne s'agit que de la fonder, sur nos devoirs, sur la nature de
l'homme, sur les rapports subsistants entre des êtres intelligents, qui chacun de leur côté sont
amoureux de leur bonheur, sont occupés à se conserver, qui vivent en société afin d'y parvenir plus
sûrement. En un mot il faut donner pour base à la morale la nécessité des choses. En pesant ces
principes, puisés dans la nature, évidents par eux-mêmes, confirmés par des expériences constantes,
approuvés par la raison, l'on aura une morale certaine et un système de conduite qui ne se
démentira jamais. On n'aura pas besoin de recourir aux chimères théologiques pour régler sa
conduite dans le monde visible.
Paul-Henri D'Holbach, Système de la nature, 1770
II) La morale est-elle une affaire de cœur ou de raison ?
Certains philosophes, comme Rousseau, estiment que notre moralité n’a que peu à voir avec la
rationalité et que son fondement se trouve dans notre conscience morale :
Conscience ! Conscience ! Instinct divin, immortelle et céleste voix ; guide assuré d'un être ignorant
et borné, mais intelligent et libre ; juge infaillible du bien et du mal, qui rends l'homme semblable à
Dieu, c'est toi qui fais l'excellence de sa nature et la moralité de ses actions ; sans toi je ne sens rien
en moi qui m'élève au-dessus des bêtes, que le triste privilège de m'égarer d'erreurs en erreurs à
l'aide d'un entendement sans règle et d'une raison sans principe.
Grâce au ciel, nous voilà délivrés de tout cet effrayant appareil de philosophie : nous
pouvons être hommes sans être savants ; dispensés de consumer notre vie à l'étude de la morale,
nous avons à moindres frais un guide plus assuré dans ce dédale immense des opinions humaines.
Mais ce n'est pas assez que ce guide existe, il faut savoir le reconnaître et le suivre. S'il parle à tous
les cœurs pourquoi donc y en a-t-il si peu qui l'entendent ? Eh ! C'est qu'il nous parle la langue de la
nature, que tout nous a fait oublier. La conscience est timide, elle aime la retraite et la paix ; le
monde et le bruit l'épouvantent : les préjugés dont on la fait naître sont ses plus cruels ennemis ; elle