Agence
denotation
~ Al' origine de ces institutions, un krach, déjà. La panique bancaire de 1907 ayant poussé son entreprise de
«
diagnostic crédit» à la faillite, l'Américain John Moody crée, en 1909, la notation de la dette. Dès la seconde
moitié du XIX"siècle, des analystes évaluent les risques pris par les créanciers et indiquent quelle est la probabili-
té pour que l'entreprise ne rembourse pas ses dettes. Plus le risque est élevé, plus le créancier prête de l'argent à
un taux élevé. John Moody, lui, a l'idée d'attribuer - comme à!' école - une note résumant en un coup d'œil le ris-
que pris parles créanciers. Lasociété Poor, l'ancêtre de Standard &Poor's (S&Pl, suit en 1916et Fitch en 1924.
D'abord centrées sur les entreprises,les agences notent les Etats à partir de 1918.Aujourd'hui, S&P,la plus
influente, note 126Etats. «
Environ
15
%
de leurs revenus proviennent de la notation d'émetteurs publics
», expli-
que Norbert Gaillard, auteur du livre
LesAgences de notation
(LaDécouverte, 2010). C'est l'Etat qui rémunère le
travail d'une agence la plupart du temps, la notation étant censée faire œuvre de transparence, «
pour une som-
me
variant entre quelques dizaines de milliers de dollars par an
à
quelques centaines de milliers de dollars
».
Les américaines Standard &Poor's, Moody's et la franco-américaine Fitch contrôlent la quasi-totalité du mar-
ché. Elles sont souvent accusées, pêle-mêle, d'avoir un pouvoir démesuré, de profiter d'un oligopole, de cultiver
un biais négatif sur l'Europe, d'avoir fait preuve parle passé d'une totale cécité en attribuant la meilleure note
possible à des produits dérivés vérolés (subprimes ...)...Surtout, leurs contempteurs estiment qu'elles accélèrent,
en inquiétant les marchés, la réalisation de leurs prédictions. Pour se défendre, les agences rappellent qu'elles
n'émettent qu'un avis. Au final, ce sont les investisseurs qui achètent ou vendent les obligations ...•
Sécurité
maximale
NOTATION FINANCIÈRE DES ÉTATS SELON STANDARD & POOR'S
Bonne qualité Spéculatif Très spéculatif Défaut
ccc+ ccc ccc- cc C DAAA AA+ AA AA- A+ A A- BBB+BBB BBB- BB+ BB BB-
Qualité
très bonne Qualité moyenne
supérieure
LES 18 DETTES SOUVERAINES NOTÉES AAA
PAR STANDARD
&
POOR'S, avec le taux
d'endettement public (en %du PlB, estimation
20n)
Singapour
France
Canada
Royaume-Uni
Allemagne
80
Autriche
70
Pays-Bas 66
Norvège
54
Suisse 53
Finlande
51
Danemark
Suède
37
Australie 24
Luxembourg
18
Hongkong
Guernesey non disponible
Ile de Man non disponible
Liechtenstein non disponible
SOURCES, STANDARD
&
POOR'S, FMI
Hautement
spéculatif Défaut
engagé
SOURCE STANDARD
&
POOR'S, LE MONDE
AAA
94
88
~ Voici le sésame délivré par une agence de
notation, l'équiva]ent d'un
20
sur
20.
L'assuran-
ce totale que l'emprunteur remboursera ses det-
tes, Et qui permet à celui-ci de lever des fonds
sans avoir à verser des intéréts trop élevés.
«
Le
garder est la priorité absolue de la France ",
résu-
me un ministre. Dès
1909,
John Moody adopte
une grille de notation par lettre. De Aaa pour la
meilleure possible à D pour la pire. «
Le système
de notation par lettres
et
non par chiffres permet
de
ne
pas avoir une approche totalement linéaire
du risque
Ii,
explique M. Gaillard.
Même si elles sont assez semblables, chacune
des trois principales agences possède sa propre
grille. Chez Standard & Poor's (S&P),]a notation
compte ainsi vingt-deux
«
crans»: le AAArepré-
sente la sécurité la plus totale, tandis que les
trois notes suivantes (AA+,AAet AA-) confèrent
à l'emprunt une qualité très bonne, En deçà de
BBB-, l'équivalent d'un
10
sur
20,
l'investisse-
ment est dit «spéculatif». Dans le jargon des sal-
les de marchés, on parle alors de
junk bonds
(( obligations pourries»).
Après la dégradation de la dette américaine, pas-
sée de AAAà AA+, dix-huit émetteurs de dette
souveraine conservent la meilleure note possi-
ble délivrée par S&P.Dont six à l'intérieur de la
zone euro: l'Allemagne, la France, les Pays-Bas,
l'Autriche,]a Finlande et le Luxembourg. Par le
passé, des pays s'étant vu retirer leur AAApar
S&P ont pu le récupérer ensuite: le Canada, le
Danemark, la Finlande, la Suède, l'Australie ...
Mais cela peut prendre du temps: le Danemark a
dû patienter vingt ans, entre
1981
et
2001....
Le Monde, 12/08/2011, p. 10