Pauvre moine !
Sous sa vieille capote, le moine polyglotte crachote et suçote sa mélitte, tirée
d’une bouillotte aussi sotte que vieillotte. Dressant au ciel ses menottes, il
s’agite et gigote en guise de gigue, esquissant une gavotte sous la hotte de
sa roulotte. Il grignote une biscotte au rhum de griottes, rhum qu’il goûte
séparément, deux goûtes seulement. Mais ça le ravigote, ce vieux despote
qui radote ! Sous l’e et, il toussote et crachote comme un Cypriote patriote
à qui on volerait son île. Il tapote sa redingote, celle qu’il avait eue en dot, à
son mariage.
Au dessus de ces deux soutanes se trouvent deux soucoupes et par dessous
deux sucettes. Ici tout est sens dessus dessous sans compter que là-dessus
se trouvent aussi deux sous.
Avec ses quenottes jaunies et sa culotte qui otte, il ne quitte sa calotte
que pour compter sa cagnotte, seule mascotte dans sa vie de marmotte. Au
mur, la sciotte édentée dont il use la lame sur ses lattes de bois. Une natte
pas nette, s’étale et s’étiole sur la table. Au sol qui s’encrasse, s’incrustent les
crottes de la chatte châtain. Dehors, les cris de la hulotte pâlotte, en lutte
contre le hibou en rut, là-bas sur la butte, derrière la hutte où il ligote ses
carottes. Tout ici lui rappelle sa vie de blatte, sa vie d’ermite, sa vie de termite.
(Roland)
Au réveil des mots
Bien avant que s’annonce la ronde féconde du Soleil sur le Monde, avant
même que les bruits de la vie ne m’encombrent, devançant ombres et cris,
je m’assieds sans encombre dans la pièce encore sombre. Sur ma table, les
pages volages d’une soirée trop sage, entassées en amas d’amertume, me
rappellent les mollesses paresses, ces élans de ma plume que la nuit lourde
et sourde est venue étou er. Rien, rien d’urgent ne m’attend. J’ai le temps.
Le vide se fait en moi, sans émoi, de la cave au grenier. Le visage vissé par
delà les vitrages embués, je guette l’invisible moment de douce félicité où
se querelleront les mots entre eux, où, faisant des règles de syntaxe, d’ali-
gnement, de construction, d’un jet continu et libérateur viendront à l’unis-
son, et gon és de vigueur, se détendre reposés les mots contenus, refoulés.
Ces mots qu’un jour nouveau vous largue, apaisés, allégés de leurs prisons,
maintenus sous tension.
Alors que, lancinants, s’immiscent en moi les signes de réveil, que dessinent
au Levant des lueurs vermeil, que grincent les gorges, que crissent les se-
melles, que s’agitent la rue... je sais qu’une nouvelle aube m’invite à me dres-
ser, pour avancer le galet d’une case de marelle et progresser sans me lasser
sur ce chemin de vie, gon é d’une clarté naissante, vivi é d’une jeunesse
neuve... Envoi.... premiers mots... premières lignes... l’envol est décidé... je re-
pars à écrire !
Toute la famille Poulets et Poussins partent acheter des pousses chez les
Poux, leur voisin, avec les pousse-pousse de l’épouse pas pou asse pour
deux sous. Ils arrivent et se poussent sur les poufs de la maison des Poux.
Dans son pourpoint pourpre, l’époux épouvanté, un marchand de tripoux,
les repousse sans pourparlers ni pousse-café. Voyant que les poupons récla-
ment des poutous, il brandit sur eux l’épouvantail à poulailler avec tous les
pouvoirs nécessaires. Un vrai pousse-au-crime !
1#4 Février 2014
LA CHRONIQUE DE ROLAND
Et si...
...on jouait ?
Homéotéleutes,
paronomases
ou simples asso-
nances... ces mots
savants désignent
ces répétitions et
ces échos recher-
chés dans les nales
des mots.
Ils ont été employés
bien avant même
l’invention de la
rime. Et le plaisir est
grand de jouer avec
ces mots comme
un enfant le ferait
avec des balles de
jongleur. C’est ce
que nous faisons,
parfois, dans notre
atelier d’écriture
«Feuille Blanche ».
A votre avis ?
Roland
Amusement...