LA CHRONIQUE DE ROLAND Amusement... Pauvre moine ! Et si.. . .on jouait ? Homéotéleutes, paronomases ou simples assonances... ces mots savants désignent ces répétitions et ces échos recherchés dans les finales des mots. Ils ont été employés bien avant même l’invention de la rime. Et le plaisir est grand de jouer avec ces mots comme un enfant le ferait avec des balles de jongleur. C’est ce que nous faisons, parfois, dans notre atelier d’écriture « Feuille Blanche ». A votre avis ? Roland 1 #4 Février 2014 Sous sa vieille capote, le moine polyglotte crachote et suçote sa mélitte, tirée d’une bouillotte aussi sotte que vieillotte. Dressant au ciel ses menottes, il s’agite et gigote en guise de gigue, esquissant une gavotte sous la hotte de sa roulotte. Il grignote une biscotte au rhum de griottes, rhum qu’il goûte séparément, deux goûtes seulement. Mais ça le ravigote, ce vieux despote qui radote ! Sous l’effet, il toussote et crachote comme un Cypriote patriote à qui on volerait son île. Il tapote sa redingote, celle qu’il avait eue en dot, à son mariage. Au dessus de ces deux soutanes se trouvent deux soucoupes et par dessous deux sucettes. Ici tout est sens dessus dessous sans compter que là-dessus se trouvent aussi deux sous. Avec ses quenottes jaunies et sa culotte qui flotte, il ne quitte sa calotte que pour compter sa cagnotte, seule mascotte dans sa vie de marmotte. Au mur, la sciotte édentée dont il use la lame sur ses lattes de bois. Une natte pas nette, s’étale et s’étiole sur la table. Au sol qui s’encrasse, s’incrustent les crottes de la chatte châtain. Dehors, les cris de la hulotte pâlotte, en lutte contre le hibou en rut, là-bas sur la butte, derrière la hutte où il ligote ses carottes. Tout ici lui rappelle sa vie de blatte, sa vie d’ermite, sa vie de termite. (Roland) Au réveil des mots Bien avant que s’annonce la ronde féconde du Soleil sur le Monde, avant même que les bruits de la vie ne m’encombrent, devançant ombres et cris, je m’assieds sans encombre dans la pièce encore sombre. Sur ma table, les pages volages d’une soirée trop sage, entassées en amas d’amertume, me rappellent les mollesses paresses, ces élans de ma plume que la nuit lourde et sourde est venue étouffer. Rien, rien d’urgent ne m’attend. J’ai le temps. Le vide se fait en moi, sans émoi, de la cave au grenier. Le visage vissé par delà les vitrages embués, je guette l’invisible moment de douce félicité où se querelleront les mots entre eux, où, faisant fi des règles de syntaxe, d’alignement, de construction, d’un jet continu et libérateur viendront à l’unisson, et gonflés de vigueur, se détendre reposés les mots contenus, refoulés. Ces mots qu’un jour nouveau vous largue, apaisés, allégés de leurs prisons, maintenus sous tension. Alors que, lancinants, s’immiscent en moi les signes de réveil, que dessinent au Levant des lueurs vermeil, que grincent les gorges, que crissent les semelles, que s’agitent la rue... je sais qu’une nouvelle aube m’invite à me dresser, pour avancer le galet d’une case de marelle et progresser sans me lasser sur ce chemin de vie, gonflé d’une clarté naissante, vivifié d’une jeunesse neuve... Envoi.... premiers mots... premières lignes... l’envol est décidé... je repars à écrire ! Toute la famille Poulets et Poussins partent acheter des pousses chez les Poux, leur voisin, avec les pousse-pousse de l’épouse pas pouffiasse pour deux sous. Ils arrivent et se poussent sur les poufs de la maison des Poux. Dans son pourpoint pourpre, l’époux épouvanté, un marchand de tripoux, les repousse sans pourparlers ni pousse-café. Voyant que les poupons réclament des poutous, il brandit sur eux l’épouvantail à poulailler avec tous les pouvoirs nécessaires. Un vrai pousse-au-crime ! LA CHRONIQUE DE ROLAND Et comme la poésie est le dessert des bons moments, un poème de Malika (63 Gerzat) à propos d’écriture là encore, mais d’écriture du verbe aimer ! Aimer Je voudrais ajouter au joli verbe aimer Mille milliers de «m» accrochés à leur «i» Avant la lettre «e» qui peut bien patienter Elle a son drôle «d’r» qui lui tient compagnie. Cinq lettres seulement pour deux cœurs amoureux Suffisent à nourrir ces rêves les plus fous Qui nous ouvrent les portes des jardins merveilleux Du palais de l’amour où les fruits sont si doux. Je voudrais que les «m» me prennent par la main Et m’emmènent cueillir dans ce havre doré Les bouquets du plaisir aux bras de Valentin Puis ne faire plus qu’un et s’y abandonner. Pour une fois seulement au diable l’orthographe ! Enfin pouvoir aimer sans plus se soucier De ces qu’en dira t-on, tristes fonds de carafe. Faire rimer nos cœurs avec le verbe aimer. C’est la Saint Valentin qui me pousse à rêver. Des gerbes d’étincelles éclatant à mes pieds Je t’envoie tous mes «m» en étoiles vers toi Laissant les autres lettres se lamenter sans moi. (Malika) Ce quoi lui répond cet autre poème, avant la St -Valentin : Aimer.. Aimer... Aimer, c’est fusionner, se fondre et se confondre. Aimer, c’est devenir un pour deux, deux pour un. Aimer, c’est penser l’autre quand c’est à soi qu’on pense. Aimer, c’est une vie, enfin sur ses deux pieds. TOUS A VOS PLUMES ! Intitulée la Chronique de Roland, cette rubrique a pour ambition de vous divertir avec les mots. Vous êtes invités à y participer en envoyant vos textes, thématiques d’écrits, remarques... par mail à [email protected] Au plaisir d’échanger avec vous, A très bientôt ! Le plaisir d’être avec même quand on est seul. Plaisir de faire plaisir, d’offrir et recevoir Penser à l’unisson, se comprendre sans mot Deviner l’autre avant même qu’il ne le sache. L’immense Cathédrale que de bâtir à deux ! Commencer et durer... continuer... persister Traverser... surmonter... dépasser S’affronter... se déchirer ! Se battre, oui mais surtout Avant ou après tout Plus fort et plus que tout... A I M E R ! (Roland) Février 2014 #4 2