exister, tous les actifs ont le même rendement net, aucune spéculation ne peut avoir lieu,
aucune assurance n’est demandée.
Pour réintroduire l’ensemble des institutions financières, des contrats dont l’objet est
de protéger les agents de l’incertitude, il est donc nécessaire de prendre en compte le
hasard,lerisque. Mais admettre que les projets sont risqués, c’est admettre qu’il peut se
passer plus de choses qu’il ne s’en passera. Ainsi, nous nous assurons contre des événe-
ments rares (incendies, accidents), que nous espérons (et pensons souvent) ne pas voir se
produire mais qui peuvent arriver. De même, sur le marché des actions, celui de l’immobi-
lier, lorsque nous anticipons une hausse prolongée mais nous n’investissons pas la totalité
de notre patrimoine dans ces actifs risqués car nous admettons que ceux-ci peuvent éga-
lement baisser. Bref, comme le suggèrent les racines de hasard et de risque1, quelles que
soient leurs compétences, leurs précautions, les investisseurs, les financiers sont fréquem-
ment dans la situation de joueurs de dés : ils connaissent approximativement les résultats
possibles, les fréquences de ceux-ci mais ne sont pas totalement maitres de leurs destins :
le démon de la chance (M. Kendall) le détermine aussi en partie.
La prise en compte de cette donnée dans l’activité économique en général, les jeux de
hasard, l’assurance, la finance en particulier a conduit très tôt les hommes à s’interroger
sur la nature de ces aléas, à tenter de les quantifier.
La description des risques économiques, leurs quantifications, i.e. le fait de les résumer
par des nombres, a évidemment une histoire aussi longue que le commerce et l’assurance.2
Cependant, les premières tentatives modernes d’analyse de ce problème remontent à la
Renaissance et furent suscitées par des activités plus futiles : le jeu. Au milieu du XVIIè
siècle, pour des problèmes similaires, Blaise Pascal développa (avec l’aide de Pierre Fer-
mat) la théorie des probabilités et proposa une première règle de décision dans l’incertain :
celle de la maximisation de l’espérance des gains. Cependant au début du XVIIe siècle,
dans le petit monde des mathématiciens, la pertinence de cette règle fut mise en doute.
2 L’espérance morale
Nicolas Bernoulli (1687-1759), charitablement surnommé par ses contemporains Nico-
las le lent, était le membre d’une grande famille de mathématiciens suisses. En 1713, il
soumit à la communauté scientifique un problème, appelé Paradoxe de St Petersbourg3,
qui fut à l’origine d’une avancée essentielle de la théorie de la décision dans l’incertain.
Le problème soumis par Nicolas le lent est le suivant. Pierre propose à Paul un jeu à
1Hasard vient du mot arabe “al zahr” (= dé) et risque vient de l’italien “riscare” oser.
2Sur ce sujet, on peut se référer notamment à [?], [?], ou à l’ouvrage plus récent de P.L. Bernstein [?].
3Le nom est uniquement dû au fait que Nicolas Bernoulli résidait alors dans cette ville.
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