l'Atman en nous - coupable encore de pervertir la jeunesse par ses
enseignements...
Comment le philosophe se libérait-il ? Socrate enseignait le non-désir, porte de la
sérénité et de la sortie du cycle des incarnations : "L'homme qui désire est un
tonneau percé", condamné à ne jamais connaître la plénitude. Il enseignait le
doute comme premier pas vers la sagesse : "Je sais une chose, c'est que je ne
sais rien", mais aussi la recherche : "Homme, connais-toi toi-même et tu
connaîtras l'univers et les dieux.", "L'ignorance est le premier des maux." Dans ses
dialogues, véritables joutes oratoires pareilles à celle du Bouddha face à ses
adversaires, au terme desquelles il emportait invariablement leurs disciples,
Socrate défaisait peu à peu toutes les certitudes, les constructions mentales de
ses interlocuteurs qui pensaient posséder un savoir quelconque. Après un
"accouchement" de leur ignorance, ceux-ci arrivaient finalement à la vérité que tout
dans le monde, des objets des sens aux objets du mental, est illusion. Ils arrivaient
aussi à la prise de conscience que tout leur savoir leur venait de vies antérieures :
"Savoir, c'est se ressouvenir", disait le sage Athène. Mais Socrate n'avait pas pour
but le triomphe intellectuel. La compassion, l'amour mystique, agapè en grec,
soufflait en lui, et son seul but était de libérer ses semblables de l'ignorance.
Le "père de la philosophie" fut donc condamné à mort, par l'absorption de la ciguë.
Sur son lit de mort, il expliqua à ses disciples comment son âme allait peu à peu
quitter son corps pour rejoindre le monde de la réalité. Socrate meurt en pleine
conscience, il effectue, cela saute aux yeux à la lecture du dialogue en question,
Po-Hai en tibétain, le transfert de conscience. Il avait accepté sa condamnation car,
selon ses termes, mieux vaut subir l'injustice que la commettre. Comme Bouddha,
il savait que "Par soi-même en vérité, on est souillé, par soi-même on est purifié."
De l'Empire sur le monde à la conquête de soi.
Les conquêtes d'Alexandre le Grand, au quatrième siècle avant Jésus Christ, ont
multiplié les contacts avec l'Orient. Des philosophes suivaient les armées, et
racontent parfois leurs discussions avec des sannyasins et des sages rencontrés
en chemin. Les sceptiques et les cyniques, pour lesquels tout est illusion mais,
contrairement à Socrate, on ne peut rien savoir, et rien n'a de valeur, auraient été
ainsi assez influencés par certains ascètes, ne retenant sans doute que l'aspect