LA TRADITION

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LA TRADITION
ISLAMIQUE
Le chemin du retour vers Allah
Jean-René Milot
Sous la direction de
Jean-Marie Debunne
LA TRADITION
ISLAMIQUE
Le chemin du retour vers Allah
Jean-René Milot
Directeur de la collection
Jean-Marie Debunne
La tradition islamique
Auteur
Directeur de la Collection Labyrinthes
Conception graphique
Révision linguistique
Illustrations
Photographies
Remerciements
Jean-René Milot, enseignant à l’Université du Québec
à Montréal et à l’Université de Montréal, et spécialiste en
études islamiques
Jean-Marie Debunne, professeur en éducation
religieuse à l’Université Saint-Paul
Les Éditions La Pensée inc.
Marie-Claude Piquion
Monique Chaussé
Archives du Centre Monchanin, Archives Rédaction
d’Orient, Jean-René Milot, Jean-Marie Debunne,
Anne-Héloïse Debunne
Un merci tout particulier à la boutique Multivisions
pour son acceuil et le prêt d’objets pour fins de
photographie (www.multivisionsinc.com)
© Les Éditions La Pensée inc., 2002
Tous droits réservés.
On ne peut reproduire, enregistrer ni diffuser aucune partie du présent ouvrage, sous
quelque forme ou par quelque procédé que ce soit, électronique, mécanique, photographique, sonore, magnétique ou autre, sans avoir obtenu au préalable l’autorisation écrite de
l’éditeur.
Dépôt légal
Bibliothèque nationale du Québec, 2002
Bibliothèque nationale du Canada, 2002
Imprimé et relié au Québec
ISBN 978-2-89458-292-3
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du
Programme d’Aide au Développement de l’Industrie de l’Édition (PADIÉ) pour nos activités d’édition.
«Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC»
LE «PHOTOCOPILLAGE» TUE LE LIVRE
Table
des matières
•Les musulmans chez nous et dans le monde
Un monde imposant, étendu et très varié 3
Un monde qui a quelque chose en commun 4
Un monde à apprivoiser 6
2
•Le Prophète Mahomet et les débuts de l’Islam
L’Arabie à la veille de l’Islam 9
Mahomet à La Mecque 12
Mahomet à Médine 15
Le rôle de Mahomet dans l’Islam 18
8
•Le Coran, Livre sacré des musulmans 20
Le caractère oral et auditif des révélations 20
Le passage de l’oral à l’écrit 22
Le caractère sacré du Coran 23
Le Coran au cœur de la vie des musulmans 24
•Le Coran et les grandes questions de la vie
Allah, le créateur 27
La création de l’Univers 29
La création des anges 30
La création de l’homme et de la femme 30
Le cycle de la prophétie 31
Les prophètes et les Livres 33
Le Jugement et la vie future 36
•Le chemin du retour vers Allah
Croire, dire et faire: foi et religion
Du Coran à la Loi islamique 40
Les cinq piliers de l’Islam 43
Les rites et les fêtes 45
Les interdictions 46
26
38
39
•Comprendre les musulmans aujourd’hui
Attitudes et tendances face au déclin 49
Entre deux modèles de société 50
Le statut de la femme en Islam 52
Le port du voile ou du foulard 55
L’accommodement des différences 56
48
La tradition
islamique
Le chemin du retour vers Allah
Jean-René Milot
Quand nous pensons aux musulmans,
l’image qui nous vient le plus souvent à
l’esprit est celle d’un Arabe en burnous1, ou
celle d’une femme voilée. Par ailleurs,
presque chaque jour, en milieu urbain nous
côtoyons des dizaines de musulmans et de
musulmanes sans même nous en rendre
compte, car ils ne portent ni burnous ni
voile.
Ce qui se passe chez nous reflète assez
fidèlement ce qu’on peut observer dans
l’ensemble du monde musulman: la majorité
des musulmans ne sont pas des Arabes, et la
majorité des musulmanes ne portent pas le
voile. En effet, il y a plus de musulmans en
Indonésie que dans tous les pays arabes
réunis, et le port du voile n’est observé que
dans certains pays et dans certaines classes
de la société. Cela nous invite à
réviser les images et les
perceptions que nous avons de
l’Islam et des musulmans, et à
nous demander si nous
connaissons bien les musulmans qui vivent parmi nous
depuis quelques années ou
depuis quelques générations,
qui viennent de divers pays ou
qui sont des convertis locaux à
l’Islam.
Jean-René Milot
LES MUSULMANS
Chez nous et DANS LE MONDE
_______________
2
1
Grand manteau de laine à capuchon et sans manches que portent les Arabes.
Un monde imposant, étendu et très varié
Actuellement, on peut dire qu’un
être humain sur cinq est musulman,
soit plus d’un milliard de personnes.
Un coup d’œil à la carte du monde
musulman nous indique que cette
population imposante se retrouve
surtout dans une sorte de ceinture
qui va de l’Afrique aux confins de
l’Asie, en passant par le MoyenOrient et le Sud-Est asiatique.
RÉPARTITION TRÈS APPROXIMATIVE DE LA POPULATION MUSULMANE
Région
millions
Moyen-Orient arabe
110
Moyen-Orient non arabe et Asie centrale
240
Maghreb (Afrique du Nord)
55
Afrique au Sud du Sahara
160
Sous-continent indien (Pakistan, Inde, Bangladesh)
280
Sud-Est asiatique
200
En Europe et en Amérique, les
Europe
musulmans sont de plus en plus
Amériques
présents: en France, par exemple, ils
représentent le groupe religieux le
Population totale
plus populeux après les chrétiens. En
Afrique, l’Islam est la religion qui fait actuellement le plus de nouveaux adeptes. Au
Québec comme au Canada, le nombre de
musulmans a probablement doublé depuis le
dernier recensement (1991), faisant état de
l’appartenance religieuse; on dénombrait
alors 253 000 musulmans au Canada et
45 000 au Québec. Cette croissance est
attribuable à l’immigration et aux conversions.
ALGÉRIE
MALI
NIGER
NIGERIA
Chez nous, comme dans l’ensemble du
monde musulman, on observe une grande
diversité chez les adeptes de l’Islam. Sur les
plans ethnique et culturel, ils appartiennent
à diverses races et sont les héritiers des
cultures les plus variées. Sur le plan
politique, les pays musulmans adhèrent à
différents régimes: démocraties, monarchies
constitutionnelles, régimes militaires, régimes religieux (théocraties2). Sur le plan
économique, certains pays musulmans,
comme l’Arabie Saoudite, sont parmi les
8
1100
RUSSIE
KAZAKHSTAN
TUNISIE
MAROC
MAURITANIE
20
LIBYE
TCHAD
TURQUIE
SYRIE
ÉGYPTE
SOUDAN
IRAK
IRAN
ARABIE
SAOUDITE
AFGHANISTAN
PAKISTAN
RÉPUBLIQUE
DE CHINE
BIRMANIE
INDE
ÉTHIOPIE
BANGLADESH
PHILIPPINES
MALAISIE
INDONÉSIE
MADAGASCAR
plus riches, tandis que d’autres tels que le
Bangladesh, comptent parmi les plus
pauvres. Sur le plan religieux, certains pays
se disent républiques islamiques tandis que
d’autres sont des régimes laïques3, ce qui
reflète assez bien les tendances individuelles
et le degré de ferveur religieuse des
musulmans et des musulmanes ici comme
ailleurs.
_______________
2 Mode de gouvernement dans lequel l’autorité, sensée émaner directement de Dieu, est exercée par des humains
considérés comme les représentants de Dieu.
3 Qui est indépendant de toute confession religieuse.
3
Un monde qui a quelque chose en commun
Compte tenu de la grande diversité que nous
venons d’évoquer rapidement, il est clair que
des expressions comme «l’Islam» ou «le
monde musulman» peuvent prêter à confusion, dans la mesure où elles font penser à
une collectivité uniforme ou à un bloc
monolithique.
Pourtant, au-delà des facteurs de diversité
que nous venons d’évoquer, il y a un élément
commun à ces hommes et à ces femmes si
divers. Cet élément, c’est leur relation à
l’Islam comme religion ou à tout le moins
comme culture.
Archives Monchanin
Un groupe de
musulmans faisant
la prière commune.
Le terme «Islam» réfère d’abord à une
attitude qui consiste à se soumettre avec
confiance à Allah, Dieu tout-puissant et
unique. Cette attitude de base s’exprime et
se déploie dans un ensemble de croyances,
de rites, de valeurs et de pratiques, qui
constituent ce qu’on appelle une religion ou
une tradition religieuse qu’on nomme Islam.
Par extension, le terme «Islam» désigne aussi
parfois la collectivité des personnes qui
partagent cette attitude et cette religion.
Il est bon de noter que les termes
«mahométans» et «mahométanisme» ne
sont pas utilisés par les musulmans et qu’ils
sont en porte à faux. En effet, calqués sur
«chrétiens» et «christianisme», ces termes
laissent entendre que Mahomet, prophète et
fondateur de l’Islam, est l’équivalent de Jésus
Christ pour les chrétiens. Or, cela n’est
vraiment pas exact, car les musulmans
vénèrent Mahomet mais ne l’adorent pas
comme s’il était Dieu ou fils de Dieu.
Par ailleurs, les termes «islamistes» et
«islamisme», souvent utilisés depuis la fin
des années 1970, ne sont pas équivalents à
«musulmans» et à «Islam». Ces termes
réfèrent habituellement à une tendance
particulière et très minoritaire chez les
musulmans. En effet, ceux qu’on appelle les
islamistes découpent à même l’islam un
certain nombre d’idées et de pratiques pour
en faire un mouvement politique, prendre le
pouvoir et imposer leur vision de l’Islam à
toute la société. Pour eux, les autres
musulmans, actuellement aussi bien que
dans le passé, n’ont pas compris le vrai Islam
ou s’en sont éloignés. C’est pourquoi, il faut
les ramener, par la force, s’il le faut, dans le
droit chemin, c’est-à-dire à un Islam soit
disant pur et dur.
Un exemple frappant d’intolérance islamiste
qui a défrayé les manchettes: la destruction
des bouddhas de Bamiyan en Afghanistan
par le régime islamiste des Talibans. Malgré
4
les protestations internationales et celles de
leur plus proche allié, le Pakistan, les
Talibans ont détruit les deux plus grandes
statues du Bouddha qu’il y avait au monde,
statues classées au patrimoine mondial de
l’humanité. La raison invoquée: il faut
mettre fin à tout ce qui est contraire à
l’Islam.
Pourtant, en Iran, pays qui a été à l’avantgarde du «retour à l’Islam», le président
Khatami a déclaré que la décision des
Talibans «ne peut en rien se justifier au nom
de l’Islam». Pour sa part, le chef de
l’opposition afghane considère que les
statues n’appartiennent pas tant à une
religion qu’à l’histoire du pays, comme les
pyramides d’Égypte. Les premiers musulmans ont respecté les œuvres d’art des pays
qu’ils conquéraient, même si, comme les
pyramides ou le Sphinx, elles étaient rattachées à une religion antérieure.
Si le traitement infligé aux statues par les
Talibans est considéré comme «inhumain et
violent», que faut-il dire du traitement que
ce régime intégriste impose aux femmes et
aux non-musulmans?
Jean-René Milot
En réalité, il s’agit là d’une caricature ou
d’une maladie de l’Islam, comme
l’intégrisme4 est une maladie
du christianisme ou d’autres
traditions religieuses. Il est
donc important de bien distinguer «Islam» et «islamisme»
ainsi que «musulman» et «islamiste», sous peine de prendre
une partie pour le tout, de
percevoir l’Islam comme une
menace et nos concitoyens
musulmans comme des agitateurs.
Les deux plus
grandes statues du
Bouddha de Bamiyan
ont été détruites par
les Talibans.
Le grand sphinx de
Giza. Les premiers
musulmans ont respecté
les oeuvres d’art des pays
qu’ils conquéraient.
_______________
4 Attitude de croyants ou croyantes qui veulent maintenir la totalité de la religion à laquelle ils appartiennent en
refusant toute évolution.
5
Un monde à apprivoiser
ux
a
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v
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No
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mond
relle
e
u
q
La
lard
u
o
f
u
d
ique
islam .
nd
repre
Les mouvements islamistes sont en bonne
partie responsables de l’image souvent
négative que l’actualité, dans les médias,
nous présente de l’Islam et des musulmans.
Depuis la révolution iranienne de 1979,
lorsque la presse écrite ou électronique nous
parle des musulmans, c’est le plus souvent en
relation avec des révolutions, des guerres,
des attentats et des pratiques avilissantes
pour les femmes.
non, ils leur donnent une importance
disproportionnée par rapport à
l’ensemble de la situation et du
comportement des musulmans. À la
longue, l’effet cumulatif de ces images
finit par engendrer chez bien des gens
une sorte de peur de l’Islam et des
musulmans, ou encore une forme de
mépris ou de pitié envers des gens qui
nous semblent «arriérés».
Nous pouvons aussi parfois avoir
l’impression que les images des
musulmans, véhiculées par les médias,
sont en quelque sorte corroborées par
certaines pratiques qui ne semblent pas
avoir leur place dans une société
comme la nôtre: le port du foulard
islamique, la prière quotidienne, le
jeûne du ramadan. Pas étonnant que
bon nombre de nos amis musulmans
puissent parfois se sentir mal compris
et mal aimés.
La démarche que nous entreprenons
dans le cadre de ce cahier nous fournit
l’occasion de faire le point sur nos
connaissances et nos perceptions par
rapport aux musulmans et à l’Islam. Il ne
s’agit pas ici de défendre ou d’attaquer qui
que ce soit. Il ne s’agit pas non plus de
déterminer si l’Islam est une vraie ou une
fausse religion et si c’est une bonne ou une
mauvaise chose.
L’objectif que nous visons est comprendre
On doit reconnaître que les médias les musulmans sans les juger et saisir
n’inventent habituellement pas les faits qu’ils comment ils trouvent dans l’Islam un sens à
nous rapportent. Mais, volontairement ou la vie humaine, un système de valeurs qui
6
leur permet de vivre en s’adaptant à divers
types de sociétés et de cultures. Il ne s’agit
pas de savoir si les musulmans ont raison ou
tort de croire ce qu’ils croient. Il s’agit plutôt
de voir ce qui arrive dans leur vie, dans notre
société et à l’échelle de la planète, à partir du
moment où, avec des millions d’humains, ils
croient qu’il n’y a pas d’autre Dieu qu’Allah
et que Mahomet est le Messager d’Allah.
Pour atteindre cet objectif, nous allons
compléter nos perceptions actuelles des
musulmans et de l’Islam en partant à la
recherche des faits et des données qui
caractérisent la tradition islamique.
Nous allons d’abord
interroger l’histoire
pour voir comment
l’Islam est apparu
grâce à l’action de
Mahomet, Messager
d’Allah, porteur du Coran et fondateur de la
première communauté de musulmans.
Puis, nous examinerons
comment les révélations
orales reçues par Mahomet
ont été rassemblées pour
devenir un écrit, le Coran,
le Livre sacré des musulmans. Nous pourrons en
même temps évoquer la
place qu’occupe encore aujourd’hui le
Coran dans la vie quotidienne des
musulmans.
Puis, nous pourrons voir
comment les musulmans
ont traduit dans leur façon
de vivre individuellement
et en société la démarche
du retour vers Allah, préconisée par le Coran.
Pour comprendre la situation particulière
des musulmans et de l’Islam dans le monde
d’aujourd’hui, nous évoquerons la
contribution des musulmans à la
civilisation mondiale à l’âge d’or de
l’Islam, nous verrons comment ils
se sont ensuite retrouvés à la
remorque des Occidentaux, et
nous mettrons ainsi en contexte les
tendances actuelles des musulmans
par rapport à la société moderne.
Enfin, notre enquête sur les faits reliés à
l’Islam devrait nous permettre de situer nos
amis musulmans comme les héritiers d’une
tradition religieuse et culturelle appartenant
au patrimoine de l’humanité. Nous constaterons que, moyennant certains ajustements
de la part des musulmans comme de la
nôtre, cette tradition représente un apport
précieux à notre vie en société, ici comme
ailleurs dans le monde.
Nous scruterons ensuite le message du Coran
pour y découvrir les
réponses qu’il propose
aux grandes questions
de la vie.
7
Le PROPHÈTE Mahomet
et les débuts de l’Islam
Dans l’Islam, la personne la plus importante
est sans doute Mahomet ou Mohammed en
arabe. Né vers 570 ap. J.-C., Mahomet est
celui qui a transmis à ses compatriotes le
message du Coran et qui a fondé une
communauté religieuse et politique pour
rendre ce message praticable dans l’histoire.
Mais son rôle ne s’arrête pas là: même après
sa mort, et après des siècles d’histoire, il
demeure un modèle qui inspire et oriente
l’agir des musulmans dans les diverses
circonstances de la vie.
Que l’on soit ou non adepte de l’Islam, on
doit reconnaître que l’intervention de
Mahomet a changé l’Arabie et influencé
profondément l’histoire du monde, dans
l’espace et dans le temps, bien au-delà de
l’Arabie du VIIe siècle ap. J.-C.
En même temps, on constate
que peu de personnages
historiques ont suscité chez
certains autant d’admiration et
de respect, mais, en même
temps, autant de haine et
d’incompréhension chez
d’autres.
Après un survol des principaux faits qui ont marqué la
vie de Mahomet, nous allons
revenir sur ces perceptions
contradictoires de Mahomet,
au moment de situer son
rôle dans l’Islam5.
_______________
8
5
Voir page 18.
ARMÉNIE
MÉSOPOTAMIE
Damas • SYRIE
Césarée •
e
nn
pie
as
Méditerranée
• ANATOLIE
individu laissé à lui-même ne
peut survivre dans un environnement aussi difficile.
rC
Me
Constantinople •
Mer Noire
• Ctésiphon
Marv •
Il y aussi alors en Arabie
quelques petites villes nées de
KH
•
Alexandrie •
M
Jérusalem
ID G
l’agriculture, comme l’oasis
• Persépolis
ES o
lfe
Pe
de Yathrib (qui deviendra
rs
• Khaybar
iq
ÉGYPTE
ue
Médine), ou encore une ville
• Médine
née du commerce, La Mec• La Mecque
que. Cette dernière doit son
ARABIE
importance à deux facteurs
NUBIE
principaux. Le PREMIER
FACTEUR est d’ordre écoEMPIRE SASSANIDE
nomique: La Mecque est un
carrefour et une plaque tourEMPIRE BYZANTIN
nante pour le commerce des
marchandises (épices, étoffes)
Au moment où Mahomet naît à La Mecque, qui viennent de l’Orient par mer et sont
vers 570 ap. J.-C., l’Arabie est pour ainsi dire déchargées dans la région Sud de la
au milieu de nulle part: cette terre péninsule arabique. Les caravanes qui
inhospitalière et peu peuplée est presque transportent ces marchandises vers le Nord
complètement en marge de la vie des deux s’arrêtent à La Mecque avant de se diriger
grandes puissances de l’époque que sont vers la Méditerranée ou la Mésopotamie.
l’Empire byzantin à l’ouest et l’Empire perse
sassanide à l’est.
• Koufa
• Isfahan
570
ge
ou
rR
Me
Nil
G
HA
SS
AN
ID
ES
LA
La naissance
de Mahomet
E
PI
O
HI
ÉT
Une oasis…
Jean-René Milot
La majorité des Arabes de l’époque sont des
Bédouins, c’est-à-dire des nomades qui se
déplacent constamment pour pratiquer les
deux activités qui constituent leur gagnepain: l’élevage de petit bétail (chèvres,
moutons) et le pillage des caravanes. Fiers et
indépendants, ces gens plutôt frustes ne
reconnaissent pas d’autre autorité que celle
du shaykh, le chef de leur tribu. Dans ce
contexte, il n’y a pas de pouvoir central
unifié. Au sein de la tribu, la solidarité est
une valeur de base assurant la survie, car un
9
10
Les grandes familles de La Mecque sont ainsi
devenues d’habiles entrepreneurs qui
possèdent et organisent les caravanes. La
richesse et la puissance ainsi acquises par ces
familles ont eu pour effet de miner la
solidarité entre les familles et les clans.
L’autorité n’est plus exercée par un shaykh
(chef de tribu) mais par un petit groupe issu
de ces familles riches. Il s’est ainsi creusé un
fossé considérable entre les riches et les
pauvres.
Le rassemblement des tribus à La Mecque
pendant le mois de trêve sacrée est aussi
marqué par des joutes de poésie. L’art de la
parole pratiqué selon les règles très
complexes et très strictes de la poésie arabe
est pratiquement la seule forme d’art que
connaissent les Arabes de cette époque.
Chaque tribu est représentée par son poète,
qui devient ainsi un personnage important,
au même titre que le shaykh (chef de la tribu)
et le kahin (devin). Le fait d’être loué par un
poète assure une sorte de survie dans la
mémoire des générations à venir. Cela est
d’autant plus important que ces gens ne
savent pas trop à quoi s’en tenir par rapport
à ce qui se passe après la mort.
Jean-René Milot
Le DEUXIÈME FACTEUR expliquant
l’importance de La Mecque est d’ordre
religieux et culturel. En effet, La Mecque est
un lieu de pèlerinage pour diverses tribus de
l’Arabie, en raison du sanctuaire de la Ka’ba
et du puits de Zemzem, tous deux liés à la
mémoire d’Abraham6. Les tribus vénèrent
généralement des divinités personnifiant des
astres, des étoiles ou des forces de la nature.
Un peu comme chez les Juifs au temps de
Moïse, chaque tribu transporte dans ses
déplacements une stèle7 représentant la
divinité qu’elle vénère et qui l’identifie.
Cette stèle est déposée dans le temple
cubique de la Ka ’ba pendant le mois de la
trêve sacrée. L’ensemble de ces stèles mises
côte à côte symbolise alors les liens entre les
diverses tribus et forme un imposant
panthéon, une sorte de galerie de divinités
vénérées en Arabie.
_______________
6
7
Voir pages 33, 43 et 44.
Pierre plate qui porte une inscription, des ornements sculptés.
11
•
rR
Me
Le contexte que nous
venons d’évoquer est
G
ol
celui qui voit naître
fe
Pe
Mahomet, à La Mecrs
iq
ue que, vers 570 ap. J.-C.
Le père de Mahomet,
Abdallah, appartient à
• La Mecque
un clan respecté mais
pauvre et sans influence. Il meurt quelque
temps avant la naissance
de Mahomet, qui est élevé par son
grand-père. À l’âge de six ans,
Mahomet se retrouve orphelin à
la mort de sa mère Amina et de
son grand-père. Il est alors
pris en charge par son oncle
paternel Abou Talib, conformément à la coutume.
ou
ge
610
Les premiè
premières
révéla
lations
tions
12
Devenu jeune adulte,
Mahomet gagne sa
vie comme caravanier. Reconnu
comme un
homme fiable
et compétent,
il gagne la
faveur
d’une
riche
veuve,
Khadidja, pour qui il
travaille. Elle s’offre à lui en
mariage et ils s’épousent en
595.
Malgré l’aisance et la sécurité que lui procure
ce mariage, Mahomet semble préoccupé par
quelque chose d’autre. Il se retire souvent
dans une grotte du mont Hira, près de La
Mecque, pour y méditer. C’est là qu’il reçoit
les premières révélations, en 610. En même
temps qu’il lui transmet les révélations,
l’ange Gabriel lui ordonne de les «réciter» à
ses compatriotes; de là, le nom de «Coran»
(en arabe: Qur’an, récitation) donné à ces
révélations reçues et transmises par
Mahomet.
L’ange Gabriel selon
une miniature
persane.
D’abord perplexe quant à la provenance de
ces révélations, Mahomet hésite à transmettre les messages qu’il reçoit. On le
comprend facilement: le message n’est pas
très commode à livrer, car il interpelle les
puissants de La Mecque, qui risquent de s’en
prendre au messager. De fait, c’est ce qui se
produit quand
Mahomet proclame que le but
de cette vie n’est pas de
s’enrichir mais de se soumettre
à Allah. À cet avertissement
s’ajoute bientôt la
condamnation des idoles et des
divinités vénérées dans le
sanctuaire de la Ka ba, car Allah
’
est le seul et unique vrai dieu.
L’année 619 est une période d’épreuves pour
Mahomet: la mort de son épouse Khadidja le
prive d’un soutien indéfectible, tandis que la
mort de son oncle Abou Talib lui enlève
toute protection familiale face à ses
adversaires. Craignant pour sa vie et pour la
survie du message, Mahomet doit se
résoudre à quitter La Mecque et à s’expatrier
à Yathrib avec ses compagnons musulmans,
en 622. Cette date marque le début du
calendrier musulman, qu’on appelle «l’ère
de l’Hégire» («A.H.»)9, d’après le terme
arabe hidjra, qui signifie «migration».
622
L’ H
Héégire
Le message heurte ainsi de front les deux
bases de la puissance de La Mecque: la
prospérité commerciale et l’attrait qu’exerce
le sanctuaire avec ses divinités.
Quelques Mecquois répondent positivement
à l’appel du Prophète: ce sont les premiers
«musulmans», ceux qui adoptent et professent l’Islam en se soumettant à Allah. Mais la
plupart des familles puissantes se rebiffent;
certains se moquent de Mahomet en l’accusant d’être un piètre devin ou encore un
poète minable8. Les mesures de pression se
multiplient contre les musulmans, au point
où un groupe d’entre eux émigre vers
l’Abyssinie en 615.
_______________
Voir pages 20 et 21.
Le calcul des correspondances entre les dates du calendrier musulman («A.H.», année de l’Hégire) et les dates du
calendrier chrétien («A.D.», Anno Domini ou «après J.-C.») est compliqué du fait que l’année musulmane comporte 12
mois lunaires ou 354 jours, si bien qu’il y a environ 103 années musulmanes dans chaque siècle du calendrier
chrétien. Il faut donc s’en remettre à des tables toutes faites qui fournissent ces correspondances.
8
9
13
VIE DE MAHOMET
PRINCIPAUX ÉVÉNEMENTS
Dates
Événements
Mort d’Abdallah, père de Mahomet.
570
Naissance de Mahomet à La Mecque.
576
Mort de sa mère Amina.
595
Mariage avec Khadidja.
610
Premières révélations.
615
Un groupe de musulmans émigre en Abyssinie.
619
Mort de Khadidja (épouse de Mahomet).
Mort d’Abou Talib (oncle de Mahomet).
sept. 622
623
La qibla (direction pour la prière) est changée: ce n’est plus
Jérusalem mais La Mecque.
mars 624
Bataille de Badr: victoire des musulmans sur les Mecquois.
mars 625
Bataille de Ohod: défaite des musulmans.
avril 627
«Guerre du fossé»: victoire des musulmans.
mars 628
Pacte de Hodaybiyya: Mahomet traite d’égal à égal avec les Mecquois.
mai-juin 628
Prise de l’oasis de Khaybar.
mars 629
Pèlerinage à La Mecque.
janv. 630
Prise de La Mecque.
630
mars 632
juin 632
14
Hégire: émigration de Mahomet vers Médine = début de l’ère
musulmane, du calendrier musulman («A.H.» = année de l’Hégire).
«Année des délégations»: les tribus de l’Arabie se soumettent.
«Pèlerinage d’adieu».
Mort de Mahomet à Médine.
•
Les révélations continuent
de parvenir à Mahomet,
• Médine
mais s’y ajoute une
nouvelle dimension qui
correspond à sa nouvelle
responsabilité comme chef
d’une communauté à la
fois religieuse et socioN
politique. Les révélations
apportent souvent des
réponses aux problèmes
concrets que pose le passage de la
prédication à la mise en pratique de l’Islam
ol
rR
Me
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E
Yathrib, une oasis verdoyante située à
environ 450 km au Nord de La Mecque,
prendra par la suite le nom de Médine
(madinat al-Nabi, «ville du Prophète»). Fait
assez remarquable, Mahomet arrive à
Médine non pas en réfugié, mais à titre de
chef chargé d’arbitrer et de résoudre les
conflits qui divisent depuis longtemps les
tribus de la ville. Ce statut lui est consenti à
cause de sa réputation de négociateur et de
pacificateur, mais aussi parce que la majorité
des Médinois le reconnaissent comme
Prophète.
G
Yathrib, une oasis
verdoyante qui
deviendra Médine.
15
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Pe
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60
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• La tradition chrétienne
• La tradition bouddhiste
• La tradition hindoue
• La tradition juive
• Le phénomène religieux
• Le guide des grandes religions
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