L’Encéphale, 2006 ;
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1112-4, cahier 4 Neuropsycho-immunologie : influence du vieillissement sur les mécanismes biologiques du stress
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Dans les états dépressifs majeurs de l’adulte, les ano-
malies immunitaires sont bien connues : diminution de la
lymphoprolifération en présence de mitogène, substance
capable d’activer des cultures de lymphocytes, diminution
de l’activité des cellules NK. La lignée blanche subirait
aussi quelques modifications, mais les données dans ce
domaine sont beaucoup moins claires. Chez le sujet âgé
comme chez le sujet plus jeune, les modifications ne sont
ni apparentes, ni significatives, malgré des méta-analyses
portant sur de nombreux sujets.
Auto-immunité et stress
Le stress joue un rôle important (McEwen). Il provoque
soit une migration des lymphocytes sur la paroi des vais-
seaux sanguins, soit sur les tissus où ils libèrent des
interleukines. Ce phénomène de margination lymphocy-
taire diffère selon que le stress est aigu ou chronique. En
aigu, les réponses immunitaires surtout humorales, sont
stimulées, alors qu’en chronique, le phénomène s’inverse,
avec un épuisement des réponses immunitaires.
Hippocampe, stress et vieillissement
L’hippocampe est une structure sous-corticale compre-
nant deux régions principales : le gyrus dentelé et la région
CA 3. Cette structure est particulièrement impliquée au
cours du vieillissement, car la prolifération cellulaire (neu-
rogenèse), diminue avec l’âge. Les neurones granulaires
du gyrus dentelé peuvent envoyer des projections stimu-
lantes à base d’acides aminés excitateurs tels que le glu-
tamate, ou bien des projections inhibitrices sur les cellules
CA 3 par le biais d’interneurones. C’est l’équilibre entre
ces deux systèmes, excitateur et inhibiteur, qui joue un
rôle sur la longueur des dendrites apicaux des neurones
CA 3.
Au cours de la neurogenèse, des cellules souches pro-
lifèrent, puis se différencient à leur tour en neurones. Il
existe même chez le sujet âgé, un certain pourcentage de
neurones qui semblent ne pas différer des cellules sou-
ches
(new born)
. Toutefois, la prolifération cellulaire dimi-
nue avec l’âge et les phénomènes de stress. Il y a donc
une interaction entre prolifération et différenciation. C’est
là que réside le nœud du problème. Ainsi, la longueur des
dendrites est modulée par le temps et le phénomène du
stress : les dendrites apicaux des neurones CA 3 peuvent
augmenter ou diminuer de longueur selon le temps et le
stress.
MODÈLES ANIMAUX
Dans un modèle de mammifères insectivores
(Tupaia
Belangeri)
, on mesure l’incorporation de bromodéoxyuri-
dine (BrdU), analogue de la thymidine et marqueur de pro-
lifération cellulaire, en fonction du stress (2). Le stress uti-
lisé est un stress psychosocial aigu répété, lié à la
présence d’un animal dominant.
Le marquage par BrdU montre que la prolifération cel-
lulaire diminue dans l’hippocampe. En situation de stress,
la prolifération cellulaire hippocampique baisse de
manière beaucoup plus marquée chez les animaux âgés
que chez les jeunes (76 % v
ersus
46 %). Il existe donc
une interaction entre stress et âge. Plus l’âge augmente,
plus l’interaction est sensible. Un autre aspect du stress
est son effet sur les surrénales. Le poids des surrénales
augmente notablement après le stress, mais de manière
non significative en fonction de l’âge des animaux. Donc,
à stress probablement égal, on observe une augmentation
de poids des surrénales quel que soit l’âge de l’animal,
mais un effet spécifique sur la neurogenèse chez l’animal
plus âgé.
Dans un autre modèle animal de souris âgées (
prema-
turely aging mice
ou PAM) (1), on étudie le comportement,
consistant en une lenteur spontanée dans une épreuve
de labyrinthe en T. Taux de monoamines et immunocom-
pétence sont diminués chez les souris PAM. L’anxiété est
plus importante chez les souris PAM.
Sur le plan comportemental, les souris PAM sont signi-
ficativement différentes, surtout dans le labyrinthe ouvert
(open arms)
. Les animaux sont néophobes, c’est-à-dire
qu’ils sont significativement moins présents dans les bras
ouverts du labyrinthe.
Les souris PAM sont moins réactives aux situations de
stress.
Sur le plan biologique, les souris PAM ont un taux de
corticostérone de base, équivalent du cortisol humain,
plus élevé. La réponse à la corticostérone est émoussée,
en cas de stress. Les paramètres immunitaires suivants
sont aussi modifiés : activité NK diminuée, c’est-à-dire
pourcentage de lyse par les cellules NK (protégeant contre
l’environnement extérieur) moins élevé, lymphoproliféra-
tion en présence de mitogène (concanavaline, LPS) dimi-
nuée.
MODÈLES HUMAINS
Hormones
Chez l’homme, les changements immunitaires sont cor-
rélés à des changements hormonaux. Le cortisol ne dimi-
nue pas, au contraire, il tend à augmenter, alors que les
autres hormones diminuent avec l’âge, telles que la déhy-
droépiandrostènedione (DHEA). En laboratoire, la DHEA
a des effets très marqués, dans le sens d’une activation
du système immunitaire : prolifération lymphocytaire T,
accroissement de cellules pro-inflammatoires.
Immunité humorale
Chez le sujet âgé, le vieillissement touche peu les
mécanismes moléculaires des anticorps, sauf deux
aspects très particuliers : le nombre de nucléotides et la
génétique des anticorps anti-phosphorylcholine, qui
jouent un rôle dans la reconnaissance et le lien aux anti-