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Les mots biennal, concurenŃial, invernal existent, mais les traductions proposées semblent plus conformes à
l’usage.
N – A: -izio: credito – creditizio
Ce suffixe est productif seulement en italien.
− ente creditizio / institution de crédit / instituŃie de credit
− lavori edilizi / travaux du bâtiment / lucrări de contrucŃii
− natura pattizia / nature contractuelle / natură contractuală
N – A: -istico, -astico:
− arte – artistico
− art – artistique
− artă – artistic
− industria automobilistica / industrie automobile / industria automobilelor
− riforma pensionistica / réforme du régime de retraite / reforma sistemului de pensii
Observations
Généralement les trois langues ont la possibilité de former des dérivés de la même façon, en utilisant des
suffixes qui semblent parfaitement équivalents.
Nous devons quand même faire quelques observations :
1. La langue dispose parfois d’un dérivé équivalent, mais il ne peut pas être utilisé dans n’importe quel
contexte (fond asigurativ / *domeniu asigurativ). Le français et le roumain y suppléent souvent par un
substantif au génitif (domeniul asigurărilor).
2. Même si théoriquement il est possible de former un dérivé, le mot est difficilement accepté par la
langue ou bien il n’est pas du tout accepté. L’italien est ouvert à toute création, en revanche le français
et le roumain se montrent réticents à l’entrée de tout terme dans la langue. On peut avancer l’hypothèse
que ces deux langues ont besoin d’une période d’adaptation plus longue.
3. L’italien a une prédisposition évidente pour l’usage des adjectifs dérivés et recourt souvent à
l’expression synthétique. Les deux autres langues sont plus analytiques. Pourtant, alors que le français
préfère décomposer l’expression, le roumain peut recourir à un adjectif (settore mangimistico / secteur
des fourrages / sectorul furajer / sectorul furajelor).
4. Malgré leur origine commune, ces langues ont évolué différemment et n’ont pas conservé toutes les
possibilités de suffixation offertes par le latin. L’italien est le seul qui a un équivalent pour le suffixe
latin -icius (-izio).
5. La langue crée en permanence des néologismes à l’aide de ce procédé qui reste ouvert.
L’utilisation massive des noms et des adjectifs dérivés confère au discours un ton solennel ou une note
d’emphase. D’ailleurs, l’italien aime l’ampleur rhétorique et l’abstraction conceptuelle.
Selon Scavée et Intravaia, il existe une approche particulière de la réalité qui est commune à l’ensemble d’une
collectivité linguistique et qui se reflète dans l’usage stylistique. En étudiant le français et l’italien, les deux
linguistes sont arrivés à la conclusion que le recours à l’abstraction est devenu « une sorte d’approche naturelle
de la réalité qui est très caractéristique de la mentalité italienne » et ont appelé cette tendance le complexe de
Benedetto Croce. (1979 : 131)
Conclusion
En étudiant la création de paroles à partir de cas de suffixation présentés ci-dessus nous pouvons dire qu’il
existe de nombreuses convergences entre les trois langues et une forte ressemblance entre les suffixes. Les
similitudes sont dues principalement à l’origine latine de ces langues.
Nous pouvons dégager quand même des divergences. D’abord, même dans les cas où il existe une équivalence
parfaite entre les suffixes (la création de substantifs à l’aide des suffixes -ità, -ité, -itate), le français et le
roumain ne manifestent pas la même aisance que l’italien à former des dérivés. L’opération est possible dans la
plupart des cas, mais on préfère une tournure du type : substantif de sens général + adjectif qui le précise.
Deuxièmement, l’italien privilégie l’adjectif. En ce qui concerne la formation des adjectifs, l’italien a un
potentiel dérivationnel très grand et manifeste un penchant significatif pour l’abstraction et pour l’expression
elliptique. L’italien utilise l’expression synthétique, le français et le roumain découpent la réalité de façon
analytique.
Par conséquent, il n’y a pas d’équivalence parfaite entre les systèmes morphologiques des trois langues. Une
possible explication en serait l’évolution différente de ces langues et les grands courants qui les ont influencé :
le Classicisme en France et le Baroque en Italie.
Il reste à voir si à l’avenir l’évolution de ces langues suivra la même voie. Il serait intéressant d’étendre
l’analyse au vocabulaire de la technique.